Les tensions entre Kurdes et Chiites pro-iraniens pourraient déclencher une autre guerre dans la guerre

Shiite flags cover a sign on the road between Kirkuk and the city of Daquq on 16 November (Wladimir van Wilgenburg, 16 November 2015)

TUZ KHURMATO — Les rues de la ville mixte kurdo-turkmène de Tuz Khurmato sont assez calmes pour l’essentiel, trois jours après l’intervention iranienne et des négociations entre les dirigeants kurdes et chiites qui ont mis fin au conflit qui a surgi entre eux le 12 novembre. 

Néanmoins, les tensions se poursuivent via les réseaux sociaux, après qu’un civil kurde en Europe se surnommant Abu Chicho Azraeli ait publié une vidéo insultant les forces paramilitaires chiites, pour répliquer aux insultes de leurs propres vidéos. 

 

A la suite de la diffusion de cette vidéo, d’autres civils ont publié une autre vidéo montrant un drapeau kurde servant de « paillasson » sur lesquels les gens marchent et les véhicues roulent en plein centre de Karbala, l’une des villes saintes de l’Islam chiite. En réaction, des Kurdes ont brûlé un drapeau irakien dans la principale rue d’Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan, vendredi dernier. 

En outre, plusieurs vidéos ont été publiées , de civils kurdes brûlant des drapeaux irakiens et insultant l’ancien Premier Ministre Nouri al Maliki (l’homme des Mollahs d’Iran), ces deux derniers jours.

Ces vidéos pourraient déclencher de nouveaux conflits sur les lignes de faille entre les forces chiites pro-iraniennes et kurdes, dans ces territoires disputés entre Bagdad et l’Administration kurde d’Erbil.

Plus de 20 personnes ont déjà été tuées dans des heurts, lorsque des coups de feu  ont éclaté entre les Peshmergas kurdes et les Unités de Mobilisation Populaire chiites (PMU) à un barrage routier kurde, le 12 novembre.

Deux jours plus tard, la ville de Tuz Khurmato semblaient presque vide, les forces de sécurité kurdes patrouillant dans ses rues. « Pouvons-nous rencontrer les membres des PMU? » avons-nous demandé aux civils kurdes. « N’y allez pas – il y a des snipers et ils n’hésiteront pas à vous tirer dessus », nous a dit Sofi, un civil kurde de 20 ans.

Des tirs d’armes à feu ont continué de se produire de façon sporadique, de la part de snipers chiites, alors que la plupart des boutiques ont été réduites en cendres – soit brûlées par des civils Turkmènes chiites ou des kurdes.

« Il y a eu des combats entre les Chiites et les Kurdes », déclare Aso, 21 ans, un civil kurde qui se tenait dans une boutique près des ruines brûlées d’un magasin turkmène. « Vous voyez l’état de la crise ici, et les Forces de Mobilisation Populaire ont placé des snipers et ils tirent sur les gens. L’essentiel du territoire est sous leur contrôle, à cause de leurs snipers, et même les quartiers kurdes ».

Ce n’est pas la première fois qu’il y a des problèmes entre les groupes paramilitaires chiites pro-iraniens et les forces des Peshmergas kurdes. Le 9 mai, des djihadistes chiites ont kidnappé des gardes présidentiels du Président irakien Fouad Masum. Après cela, les tensions se sont aussi élevées entre Chiites et Kurdes à Tuz Khurmato.

« Cela n’a rien de nouveau », rappelle le colonel Najeb Hassan Afgha, de la 16ème Brigade du Ministère des Peshmergas. « Il y a des problèmes depuis longtemps. Il y a un problème entre les peuples kurde et turkmène. Il y a quelques jours, une milice chiite a tiré sur un barrage routier kurde. Après cela, un combattant de la milice chiite s’est fait tuer et huit autres ont été capturés par les forces des Peshmergas ». 

A la suite de cette attaque, les forces du PMU ont envoyé des renforts de l’extérieur de Tuz Khurmato et ont attaqué les civils kurdes, brûlé et pillé des boutiques et des maisons kurdes par vengeance. Ils ont même attaqué l’hôpital, et tué le docteur Abdulkhaliq Abdulkarim. 

En représailles, les Kurdes ont envoyé les forces Peshmergas depuis les lignes de front contre l’Etat Islamique – Daesh et leurs forces anti-terroristes de Sulaymaniyah vers la vielle afin d’empêcher toute escalade.

« Ils ont fait une descente sur les usines et capturé les travailleurs, puis kidnappé 63 Kurdes et ils les ont emmenés vers Amerli (reconquis par les milices chiites pro-iraniennes).

« Après quoi, des affrontements ont éclaté entre les civils kurdes et les milices chiites. Les milices chiites ont commencé à brûler et à piller les boutiques, mes maisons et les camions de transport, mais les Kurdes en ont fait autant ».

Afgha soupçonne que des éléments criminels parmi les Kurdes et les Turkmènes ont essayé de tirer partie de la situation conflictuelle pour piller et faire du marché clandestin ». Une famille arabe venue de Bagdad s’est fait voler sa voiture par un groupe d’inconnus », dit-il.

En conséquence, mon chauffeur m’a demandé de retirer ma carte de presse, craignant de probables tentatives de kidnapping ou de vol contre nous de la part de criminels dans la ville. Certains civils kurdes disent que les milices chiites haïssent les forces des Peshmergas et qu’ils les comparent aux djihadistes de Daesh.

« Ils appellent les forces kurdes, les daeshmergas. Ce sont des extrémistes religieux et ils brûlent les magasins kurdes », m’a dit Sofi. « Les gens s’enfuient et la plupart d’entre eux envoient leurs familles loin d’ici. Les gens sont très inquiets et cette situation est horrible ».

Mercredi, les milices chiites de Mobilisation Populaire ont libéré 15 otages kurdes une semaine après que les affrontements aient eu lieu. En outre, les forces de sécurité kurdes ont désarmés les civils kurdes qui cherchaient à se battre et faire justice eux-mêmes.

« Pourquoi est-ce qu’ils combattent contre des civils? Parce que ce sont des forces extrémistes et sectaires qui veulent prendre le contrôle de Tuz Khurmato », déclare Sofi.

« Ce sont des semeurs de troubles » déclare Cumma, un civil kurde de 34 ans. « Les Kurdes, les Turkmènes et les Arabes vivent ensemble et ce sont de braves gens, mais les milices chiites pro-iraniennes viennent de Bagdad et provoquent des problèmes gratuitement ».

« Au départ, il y avait des luttes entre les Chiites Turkmènes et les Arabes et, maintenant entre les Kurdes et les Turkmènes », dit-il. « Les Turkmènes de Tuz Khurmato sont des gens très bien, je pense que ce sontles gens venus de l’extérieur qui font des problèmes et cherchent à tout détruire ».

Ces tensions ont interrompu la circulation sur la route entre les zones contrôlées par les Kurdes et Bagdad.

« Les gens ne se rendent plus à Bagdad. Les milices chiites ont capturé son frère », affirme Cumma, en montrant du doigt un civil kurde qui a refusé d’être interviewé, pour la sécurité de son frère. « Personne ne sait où il se trouve à présent. Son frère veut juste savoir s’il est vivant ou mort ».

« Nous savions tous que cela finirait par arriver », ajoute Cumma. « Lorsqu’ils en auront fini avec Daesh, les Kurdes sont les suivants sur la liste. Leur plan consiste à prendre Tuz aujourd’hui, et ils iront jusqu’à Kirkouk et au-delà. Nos dirigeants prétendent qu’il y a un accord et minimisent les incidents. Mais nous ne leur faisons pas confiance. Nous avons peur ».

D’après Cumma, le problème est qu’il y a différents groupes chiites qui ne travaillent pas ensemble. « Les gens qui viennent au nom du Premier Minstre Abadi sont OK, mais ceux qui suivent l’ancien PM Al-Maliki sont très extrémistes et violents. », précise t-il.

Kemal Kerkuki, le commandant de la ligne de front dans la ville de Dibiz déclare que les PMU doivent quitter ces zones. 

« Ils ne sont pas comme les forces Peshmergas – ils sont mélangés et ils n’écoutent personne, ni le PM irakien Abadi », dit-il. « Ils ne respectent pas la loi et ne croient pas en la démocratie ».

« Ils n’autorisent pas les Sunnites à revenir à Tikrit et,maintenant, les voilà qui arrivent dans notre ville et qu’ils nous tuent », dit Zulfiqar, un civil kurde de 25 ans. « Où étaient-ils donc, lorsque Daesh a pris Mossoul? Pourquoi ne vont-ils pas plutôt libérer le village chiite d’Al Bashir? »

Abu Qasim, porte-parole d’un groupe des Milices de Mobilisation Populaire (PMU) lié à Haider al-Abadi à Kirkouk, a dénoncé que des erreurs avaient été commises des deux côtés mais que les cercles dirigeants avaient résolu les problèmes et que les combattants kurdes et chiites libéreraient ensemble le village chiite turkmène d’Al Bashir dans le gouvernorat de Kirkouk, occupé par Daesh. 

« Ce n’est ni le moment ni le lieu de se battre les uns contre les autres, parce que nous avons un ennemi commun qui a pris l’humanité toute entière pour cible », m’a t-il déclaré.

« Dans les factions de la résistance, il y a des radicaux et des modérés », dit-il à propos des factions politiques au sein des forces paramilitaires chiites. « Mais si les cercles dirigeants le leur demandent, ils n’entreront pas en conflit. Ce n’est dans l’intérêt de personne d’engendrer plus de conflits encore ».

« Nous avons besoin de temps pour calmer les tensions, parce que pendant ce temps les gens continuent de mourir.En Irak, c’est difficile parce que les Irakiens sont impulsifs », dit-il. « Les gens de comportement tribal aiment se battre parce qu’ils ont grandi avec des armes à la main ».

« Daesh tue des Kurdes et Daesh tue les Turkmènes. En même temps, des Turkmènes de Daesh tuent des Turkmènes chiites et des Arabes sunnites de Daesh tuent aussi des Arabes chiites », dit-il. Par conséquent, les Turkmènes, les Kurdes et les Arabes ne sont pas les ennemis les uns des autres. C’est l’idéologie de Daesh qui est notre ennemie ».

Mais, alors que les dirigeants kurdes et les politiciens chiites perçoivent Daesh comme l’ennemi commun, les experts s’attendent à d’autres affrontements comme ici.

« Les milices chiites appuyées par l’Iran ont sporadiquement élevé le niveau de leurs messages anti-Kurdes depuis 2013 », déclare Philipp Smyth, un chercheur universitaire du Maryland qui suit à la trace les milices chiites soutenues par l’Iran.

« Il y a bien plus de propagande anti-Barzani [le Président kurde] et cherchant à classer tous les Kurdes dans la catégorie des agents d’Israël, de Daesh et des Etats-Unis », déclare t-il.

Et il est peu probable que l’Administration Obama cherche à mettre un terme à ces tensions dans l’avenir, déclare Smyth.

« Je ne croit pas que les Etats-Unis puissent en faire plus pour empêcher les querelles entre les milices chiites et les groupes kurdes. Chacun de ces deux groupes veut pouvoir étendre son influence ».

WLADIMIR VAN WILGENBURG

Publié le : 23/11/2015 08:32 AM

Wladimir van Wilgenburg is a political analyst and freelance journalist specializing in Kurdish politics, based in Erbil. He tweets @vvanwilgenburg

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Adaptation : Marc Brzustowski.

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haBIBI

Qu’ils sont « mignons » tous ces musulmans… chiites, sunnites, kurdes, turkmènes…
Ils ne savent que s’entretuer, piller, violenter, assassiner, génocider (n’oublions pas que de nombreux kurdes
ont participer activement aux génocides arméniens et à la solution finale en 1915). Ils ne se sentent jamais responsables de leurs méfaits et de leurs crimes, mais savent parfaitement en accuser les autres. Construire la paix pour le bien de tous et de chacun : ils ne savent pas faire; c’est trop difficile et Allah le cornu ne leur à pas demandé.
Décidément Allah et le diable cornu ont beaucoup de points en commun.