Comme c’est écrit : Les Jihadistes, d’après leurs propres mots — Partie II, Passer de la terreur à la ‘sauvagerie’

 

[Voir Partie I, la subversion de l’Europe 14 Mai 2016]

En 2004, le Cheikh Abu Bakr Naji a publié son livre le plus important, intitulé : « La Gestion de la Sauvagerie : le Stade le plus crucial par lequel passera la Nation Islamique », qui devait définir la doctrine djihadiste à suivre, à la fois dans le monde musulman et en Occident ( on connaît aussi ce livre sous le titre de : L’Administration de la Sauvagerie et la Gouvernance dans le Désert). Naji a formulé  une stratégie pour la totalité  de la mouvance djihadiste, sur la façon d’instaurer le Califat dans les conditions qui prévalent aujourd’hui.

Naji y rejette la doctrine centrale d’Al Qaïda disant que « les Infidèles » succomberont à la suite de quelques frappes spectaculaires en plein cœur de l’Occident. Selon lui, il faudrait, plutôt que les djihadistes continuent de progresser à la marge en instaurant des mesures, à la fois en Occident et au sein du monde arabe. Le djihad doit devenir global – il doit combattre partout, tout le temps et contre tout le monde –  La terreur par la sauvagerie est l’instrument fondamental facilitant la propagation et la progression du mouvement djihadiste. « Nul ne doit se sentir en sécurité s’il ne s’est pas soumis et ceux qui refusent de se soumettre doivent en payer le prix élevé. Le but de notre mouvement est de transformer le monde en une série de déserts où il n’y a que ceux qui sont sous notre loi qui jouissent de la sécurité ».

"The aim of our movement is to turn the world into a series of wildernesses in which only those under our rule enjoy security.”
“Le but de notre mouvement est de transformer le monde en une série de déserts où il n’y a que ceux qui sont soumis à nos règles qui sont en sécurité.”

Après la chute de l’Afghanistan, raisonnait Naji, cela prendra longtemps avant qu’il ne soit possible d’instaurer un Etat djihadiste dans le monde musulman. Au lieu de cela, les djihadistes devraient plutôt saper les fondements des états et régimes existants grâce à une stratégie de long terme fondée sur le harcèlement, autant par la violence que par la propagande.

Une campagne sans relâche d'(attentats sauvage à l’intérieur même des Etats musulmans « épuisera, en définitive, leurs capacités et leur volonté à imposer leur autorité », en rendant les populations redevables à l’égard des djihadistes « qui seuls instaureront la sécurité, fourniront des services sociaux et imposeront la Chari’a ». Les régions libérées de cette façon – « les régions de sauvagerie » – serviront de noyau dur du nouveau Califat. Naji identifiait la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Yémen, l’Afrique du Nord, le Nigéria et le Pakistan comme étant les plus vulnérables à une telle instigation de campagnes djihadistes.

Dans le « Monde des Croisés », les djihadistes doivent créer un archipel de « déserts » : des sociétés parallèles localisées (Londonistan, Molenbeek, banlieues françaises, etc) d’où il sera possible de frapper la société occidentale environnante et de semer les germes de la terreur grâce à des « petites opérations inombrables », rendant la vie quotidienne insupportable. Naji mettait en garde le cercle dirigeant contre le fait de sous-estimer l’efficacité de telles vagues de sauvagerie. « Ceux qui ne sont pas hardiment entrés en guerre au cours de leur vie ne comprennent pas le rôle de la violence et de la rudesse contre les infidèles dans les batailles rangées et médiatiques », faisait-il observer.

Au bout du compte, les campagnes de sauvagerie lancées à partir des déserts (îlots) jusqu’au cœur de l’Occident finiront pas dissuader l’Occident d’intervenir militairement au cœur du territoire de l’Islam dans le but de contenir l’influence du noyau nucléaire des djihadistes locaux. « Il nous appartient de faire en sorte que nos ennemis repensent mille fois plutôt qu’une avant de nous attaquer », certifiait Naji.

Naji concluait en décrivant une dynamique stratégique globale qui allait, effectivement, surgir par l’instauration d’un Etat/ Califat Islamique une décennie plus tard. Alors que les djihadistes démultiplieraient leurs zones « libérées » et commenceraient à bâtir leur Califat, les djihadistes « seront confrontés au problème des attaques aériennes de l’ennemi -les Croisées ou Apostats – contre les camps d’entraînement militaire ou les régions résidentielles dans les zones que les djihadistes administrent », écrivait Naji.

« La politique visant à lui faire « payer le prix » de cette situation, dissuadera l’ennemi et l’obligera à y repenser mille fois plutôt qu’une, avant d’attaquer des régions dirigées par un régime d’administration de la sauvagerie, parce que l’ennemi sait qu’il paiera le prix pour l’avoir fait, même si cette punition ne vient que plus tard. Ainsi, l’ennemi sera plus enclin à la conciliation, ce qui permettra aux régions de sauvagerie de reprendre leur souffle et de progresser. Cette conciliation signifie un arrêt temporaire des combats sans aucune sorte de traité ni de concessions. Nous ne croyons pas en un armistice avec l’ennemi apostat, même s’il était signé avec l’infidèle primaire ». C’est le lancement de raids de sauvagerie sans répit à partir d’îlots localisés au cœur de l’Occident qui empêchera les gouvernements hostiles de tenter d’étouffer l’ascension du Califat djihadiste », conclut Naji dans la Gestion de la Sauvagerie.

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En août 2005, Abu-Musab Al -Suri a achevé un livre de 1.600 pages intitulé : « L’Appel à la Résistance Islamique Globale ». Ce livre reste à l’heure actuelle, la thèse la plus visionnaire sur l’évolution à long terme du mouvement djihadiste et en particulier, sur la conduite du « Jihad Global ». L’Appel à la Résistance Islamique Globale fournit à la fois le cadre pratique et théologique en vue de changements en profondeur, que le mouvement djihadiste a entrepris dans les années 2004-2005 et où il a formulé ses orientations d’avenir. Abu Musab Al-Suri l’a fait en adaptant les doctrines djihadistes de sommités telles qu’Abdallah Azzam (mentor de Ben-Laden) aux conditions qui prévalaient dans le monde de l’après-11 Septembre. L’Appel à la Résistance Islamique Globale est, en fin de compte, une étude pratique et pragmatique des précédents djihads, des tendances émergentes dans le monde et des objectifs qu’il est réaliste d’atteindre pour le courant djihadiste.  

Abu Musab al-Suri conclut que le « Jihad Global » pourra, en fin de compte, triompher grâce à une avant-garde évolutive, pragmatique et adaptée dont la lutte spectaculaire excitera et mobilisera la base pour un « réveil » significatif sur le plan politique qui finira par métamorphoser le monde arabo-musulman. En dépit de la notoriété d’Al Qaïda après le 11 Septembre, il mettait en garde contre l’auto-glorification. « Al Qaïda n’est pas une organisation, ce n’est pas un groupe, pas plus que nous ne voulons qu’il ne le devienne », écrivait Abu Musab Al Suri : « C’est un Appel, une Référence, une Méthodologie ».

Bien qu’Al Qaïda jouait un rôle central au cours de cette phase de soulèvement islamiste à travers le monde, il allait, en définitive, ouvrir la voie à une nouvelle génération de mouvements populistes. Le cercle dirigeant d’Al Qaïda finirait sans doute par être éliminé, prédisait-il et la mouvance djihadiste devait être prête à passer le relais en douceur à une nouvelle génération de dirigeants dont la mission essentielle était de consolider les mouvements djihadidtes à travers tout le territoire de l’islam. Abu Musab al-Suri insistait sur le fait que « sans confrontation sur le terrain et la prise de contrôle de terres, nous ne pouvons pas instaurer d’Etat, qui représente le but stratégique de la résistance ».

En Occident, l’idéologie djihadiste pour la mobilisation et la lutte du Jihad Global représentée par Al Qaïda approtrait une couverture à l’évolution vers une « résistance sans leader » comprenant une myriade d’entités d’élite et d’avant-garde. Ce seront des individus hautement entraînés ou de très petits groupes autonomes opérant de façon cloisonnée, mis en concordance avec un maître-plan commun et une stratégie de très long terme. Abu Musab Al-Suri insistait sur le fait que ces « avant-gardes devaient être « petites, complètement cloisonnées et dénuées de cellule centrale de façon à empêcher de faire le lien entre elles » ou avec des échelons supérieurs du mouvement djihadiste. L’objectif initial de leur campagne sera de provoquer « le réveil de l’esprit de djihad et de résistance par mi les Musulmans » vivant en Occident.

L’objectif ultime de ces groupes d’avant-garde sera de miner et d’user la société et le gouvernement ennemis grâce à une forme de terrorisme incessant et localisé » ou de « raids ». Les progrès pourraient différer d »un pays à l’autre ou ds’une région à l’autre. Mais, en définitive, Abu Musab al Suri le certifiait, tôt ou tard, le « Jihad Individuel » ou « des loups solitaires » transformera certains pays ou régions en « fronts ouverts » : c’est-à-dire en zones d’insurrections islamistes ouvertes.

Au cours de quelques années suivantes, la mouvance djihadiste telle qu’elle a été orientée par Oussama Ben Laden et sa Shurah Karibah s’est essentiellement focalisée sur le soutien apporté et à la montée en puissance du Djihad à travers tout le « foyer de l’Islam ». Le soutien et l’orientation pour les djihadistes d’Occident se sont poursuivis, essentiellement, depuis l’Afghanistan-Pakistan et le Nord du Caucase, mais ce n’était pas la principale priorité. Quoi qu’il en soit, les communautés musulmanes de l’Occident et en particulier en Europe de l’Ouest ont continué d’évoluer et de se radicaliser par elles-mêmes. Des frappes majeures comme les attentats à la bombe de Madrid en 2004, à Londres, en 2005, ou les attentats manqués de Glasgow et de Londres en juin 2007, ont servi de piqûre de rappel quant à la présence et à la détermination des djihadistes surgissant du cœur même de l’Occident.

La locomotive (ou moteur principal) de l’évolution et de la radicalisation des communautés musulmanes en Europe de l’Ouest, cependant, a grandi sur place et se nourrit de motivations locales.

A suivre…

 

Par Yossef Bodansky, Senior Editor, Global Information System / Defense & Foreign Affairs

worldtribune.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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sofia

J’aurai voulu me tromper, mais « le ver est dans le fruit » ! Je ne sais pas comment nous allons nous sortir de ce piège islamo-faschiste, avec les frères musulmans qui, en France ont pignon sur rue, qui endorment la population avec leur discours rassurant , notamment « que l’islam est compatible avec la république, etc…) ce sont des loups dans la bergerie. ces gens ne connaissent que la ruse, le mensonge, pour mieux rassurer, et ensuite ils se dévoileront tels qu’ils sont réellement, je crois que l’avenir de notre pays ne s’annonce pas radieux.