Sans doute craint-elle de trop ternir l’image qu’elle a d’elle-même, celle d’une terre d’accueil, la première à avoir brandi dans la ferveur révolutionnaire les drapeaux de la Liberté, de l’Egalité et de de la Fraternité pour tous.

Ainsi, plus de 7 décennies après la Libération, la simple évocation de Philippe Pétain et du gouvernement de Vichy reste sensible et peut encore déclencher de vives polémiques. 

Nous venons d’en avoir à nouveau la preuve à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’armistice de 1918.  Fallait-il ou non rendre un hommage au “vainqueur de Verdun” pour le rôle qu’il joua durant la première guerre mondiale ?

Le président Macron jugea judicieux de rappeler “qu’on peut avoir été un grand soldat et avoir ensuite conduit à des choix funestes”.  Pas sûr qu’il avait prévu que sa petite phrase embraserait les réseaux sociaux et le monde politique au point qu’il devra essayer de ‘rattraper la sauce’ par des mises au point et des rectifications autant laborieuses que peu crédibles.

Au fil du temps, l’attitude de la France officielle et de ses dirigeants face au gouvernement Vichy connut plusieurs variations et il me semble que nous vivons ces derniers temps son ultime mutation.

Avant de les passer rapidement en revue, il n’est pas inutile de rappeler que le gouvernement Pétain ne fut pas constitué suite à un coup d’Etat. C’est par un vote tout à fait légitime et à une écrasante majorité (564 voix contre 80) constituée par des représentants de toutes les composantes politiques du pays que le vieux maréchal obtint les pleins pouvoirs, le 10 juillet 1940.

  1. Vichy n’est pas la France (De Gaulle et Mitterrand)

Le général De Gaulle a toujours considéré le gouvernement de Vichy non seulement comme illégal mais également comme illégitime. Historiquement, il n’avait probablement pas le choix : en 1941, lorsqu’il créé à Londres le Comité National Français, l’illégitimité de Vichy est en effet la condition sine qua non de sa propre légitimité ! Sauf qu’à la Libération, alors que plus personne ne remet en doute sa légitimité, sa vision sur Vichy ne changera pas.

En conséquence de quoi, la France ne saurait être tenue responsable des agissements de Vichy et des crimes que le régime de Pétain commettait en son nom. La spécificité de la persécution juive est d’ailleurs superbement ignorée. “Tous les Français ont souffert”, c’est la version officielle.

La population française, patriote et largement résistante, a été frappée dans son ensemble par les exactions commises par l’occupant nazi et par ses complices : les usurpateurs de Vichy.

Il s’agit pour les présidents de la Vème République de reconstruire un consensus national fondé sur une mémoire héroïsante. Mitterrand, qui en tant que contractuel du gouvernement de Vichy fut décoré de la francisque par Pétain lui-même,  le dira clairement:

“En 1940, il y eut un État français, c’était le régime de Vichy, ce n’était pas la République. Et c’est à cet État français qu’on doit demander des comptes. Ne demandez pas de comptes à cette République, elle a fait ce qu’elle devait !”

  1. Vichy, c’est aussi la France. Hélas! (Chirac)

A partir des années 70, le travail des historiens devient plus précis. L’américain Paxton analyse les responsabilités du gouvernement de Vichy, en particulier en ce qui concerne la politique antijuive.

On apprend ainsi que Vichy a précédé parfois les demandes des nazis, que le mythe d’une France entièrement résistante est loin de correspondre à la réalité historique, que les Allemands furent considérablement aidés par le régime de Vichy dans la mise en œuvre du plan d’extermination. Parallèlement, la parole des rescapés se libère enfin et le grand public apprend toute la gravité des horreurs subies.

Des voix s’élèvent pour demander aux autorités d’admettre que le régime de Vichy, c’était aussi la France officielle de l’époque et qu’il n’est plus possible de continuer à refuser d’en porter la moindre responsabilité.

L’inquiétude face aux progrès du négationnisme, l’inculpation de Paul Touvier, l’assassinat de Bousquet, le procès Papon, tout cela favorise la prise de conscience et le changement d’attitude face au régime de Vichy.

Après des années d’atermoiements et de tergiversations, c’est finalement Jacques Chirac qui, lors de la cérémonie commémorative de la rafle du Vel d’Hiv’ en 1995, admettra que ” La France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, ce jour‑là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux… Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible”. La reconnaissance était historique, sans équivoque.

  1. Vichy, c’est aussi la France. Et alors?

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une nouvelle étape dans l’appréciation que nous avons du régime de Vichy. Mon ami, l’historien Alain Michel publie un livre dans lequel il s’élève contre ce qu’il appelle la “doxa”, c’est-à-dire les conclusions de Paxton et de ses disciples.

Sans bien sûr remettre en cause l’antisémitisme de Pétain, mais partant de la singularité du cas français où la proportion des victimes juives est relativement faible par rapport aux autres pays occupés, il pose comme hypothèse que ceci est dû non pas à un nombre particulièrement important de Justes français mais à une politique voulue par Pétain et Laval qui consistait à livrer les Juifs étrangers pour sauver autant que possible les Juifs français.

L’hypothèse n’est pas nouvelle mais les thèses de Paxton s’étaient imposées et avaient occulté cette autre lecture. Ceci aurait pu rester une querelle d’historiens si le polémiste et essayiste Eric Zemmour n’avait pas récupéré le travail d’Alain (bien malgré lui!) pour conforter ses propres thèses : la France se suicide parce que, entre autres, elle passe son temps à s’excuser, à s’auto-flageller, à donner d’elle une image de colonisatrice, d’esclavagiste ou de collaborationniste.

Comment peut-on alors demander aux nouveaux venus de ne pas la haïr après leur avoir expliqué qu’elle était à ce point raciste ? Dans son dernier ouvrage, il renvoie Pétain et De Gaulle dos à dos, le dernier ne se souciant pas davantage du sort des Juifs que le premier. “En 40, les Juifs, tout le monde s’en fout”, explique-t-il.

A Londres comme à Vichy. Et ils n’ont pas tort car la France doit alors résoudre bien d’autres problèmes bien plus urgents. D’ailleurs le procès Pétain est un procès truqué, organisé par les vainqueurs, comme les procès staliniens de sinistre mémoire ! C’est dans ce contexte trouble qu’il convient de replacer la petite phrase de Macron sur “le grand soldat de la première guerre”

En d’autres termes, Vichy c’était aussi la France mais ce n’était finalement pas si terrible que ça….Inquiétant, non?

Arrêtez-moi si je dis des bêtises …

Rav Elie Kling

lphinfo

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KIGEM

MACRON AVANT SON PÉRIPLE MÉMORIEL A ESSAYÉ DE RÉHABILITER PETAIN POUR FAIRE VENIR À LUI LES VOIX DE CERTAINS FRONTISTES. PEINE PERDUE ET C EST TANT MIEUX.
PETAIN DE 14/18 PRÉPARÉ CELUI DE 39/45 MINABLE UN JOUR, MINABLE…..ETC