Mais où va donc la France…
C’est la question que tout le monde se pose, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Hexagone. Il est encore trop tôt pour assigner à ces graves troubles des origines bien déterminées car nous les vivons encore à bout portant : l’information est nécessairement parcellaire bien qu’abondante.

C’est vraiment la sidération, surtout après la diffusion d’images consternantes à la vue desquelles on pouvait se demander ceci : Paris brûle t il ?

En effet, dès le lendemain de ce samedi noir, déambulant dans les avenues de l’arrondissement, je pus constater par moi-même l’incroyable étendue des dégâts.

Mais gardons nous de raisonner à partir d’images ou de mouvements de foules qui semblent déformés par un verre grossissant : par exemple, les vues aériennes de la place de l’Etoile montrant une marée de gilets jaunes alors que les statistiques montrent que la mobilisation a fortement décru d’une semaine à l’autre.

Que s’est il passé au juste et comment en sommes nous arrivés là ? Il semble injuste et en tout cas erroné de faire le procès du gouvernement actuel, désigné comme le bouc émissaire de ce qui nous arrive : le mal a des racines bien plus profondes et moi-même j’avoue avoir ignoré que des millions de nos compatriotes avaient du mal à boucler leurs fins de mois, à trouver du travail et à vivre dignement.

Cette phrase qui claque comme un étendard au vent m’a choqué car elle exprime de manière claire le ressenti de nombre de Français qui jugent qu’on ne tien pas compte de leur situation réelle, qu’on les accable de taxes et d’impôts en tout genre.

Aujourd’hui, nous devons reconnaître que tous les gouvernements depuis près de trente ans ont fait la sourde oreille, laissant des élites dépassées et déconnectées gérer le pays à coup d’algorithmes déshumanisés, et tournant superbement le dos aux masses laborieuses, incapables, par définition, de se prendre en main…

Sans chercher à hurler avec les loups, je dois bien reconnaître que ce modèle français qui bute aujourd’hui gravement contre ses limites, n’a que trop duré.

C’est donc une question de gouvernance ; et si vous y ajoutez les multiples frustrations quotidiennes subies par tant de nos concitoyens, vous tenez alors l’une des causes majeures de ce qu’il faut nommer un soulèvement populaire généralisé.

Je ne parlerai pas vraiment de situation insurrectionnelle, mais pré-insurrectionnelle, sans doute. IL faut bien reconnaître que tous nos gouvernements se sont trouvés confrontés à un dilemme qui s’est révélé aussi dangereux qu’insoluble : baisser les impôts et donc réduire le service public auquel le Français moyen est attaché de puis si longtemps, ou faire l’inverse : augmenter la fiscalité, tant des ménages que des entreprises, pour assurer un large service public, étendu à tous, Français et étrangers.

Jusqu’ici, rien de nouveau ; on ne fait que montrer du doigt les paradoxes savoureux dont se nourrit la socio-culture française depuis au moins le début du XXe siècle.

La culture politique de ce pays pousse tous ses habitants à voir en l’Etat une sorte de puissance tutélaire qui peut tout et qui doit tout faire pour complaire à mes désirs et satisfaire mes besoins.

Et si l’état s’avisait ne serait ce que de penser à déroger à cette règle non inscrite alors c’est la pagaille, et le blocage de tout le pays. Cette culture du blocage, de la paralysie de toute la France jusqu’à ce qu’on obtienne satisfaction est profondément enracinée dans la culture du Français moyen qui ne peut pas concevoir que la puissance publique ne régente pas tous les secteurs de la vie nationale…

Que l’on me permette de citer un homme politique disparu depuis belle lurette et dont plus personne ne parle : Alexandre Sanguinetti !

Cet homme n’est sûrement pas mon maître à penser en politique, mais je me souviens d’une de ses déclarations qui conviennent à la situation que nous vivons : les Français, disait il en substance, aimeraient que dès le jour de leur naissance, tout leur soit payé d’avance, depuis les langes de bébé jusqu’à leur mise en bière.

Plus d’un demi siècle après, cette déclaration sonne juste. Oui, la situation est difficile, oui, même très difficile, mais peu d’états comparables au nôtre doivent dépenser autant d’argent pour la dépense publique. Imaginez un pays comme le notre où les pharmacies vous délivrent vos médicaments sans vraiment les payer…

Mais d’un autre côté, imagine t on une population incapable de se soigner, faute de moyens ? Imagine t on des enfants privés de cantine scolaire en raison du caractère indigent de leurs parents ? Impossible.

Mais comme nous ne sommes pas au paradis, il nous faut bien tenir compte des servitudes de la réalité économique dans laquelle nous vivons. Nous n’allons pas tarder à le vivre dans quelques mois, à l’occasion des élections européennes…

Ce matin, un ministre du gouvernement a même osé envisager l’abandon de la règle des 3% de l’Europe, arguant que ce dogme était dépassé. Est-ce la débandade ? Est-ce la capitulation ?

Ce serait une grave erreur et cela disqualifierait les autorités, accusées de se coucher dès la première bourrasque. Il faut écouter mais il ne faut pas céder, sinon à quoi serviraient les institutions ? Ce n’est pas la rue qui fait la loi, c’est le parlement. Ce n’est pas la rue qui promulgue les lois, mais bien le président de la République.

Au fond, Emmanuel Macron commence à réparer les erreurs commises. D’abord, il ne s’est pas précipité pour parler, il prend le temps, il observe, il réfléchit. ET c’est bien. Sans prétendre le conseiller, il ne devait pas se dire le maître des horloges ni l’apôtre du nouveau monde, expression qui a déplu à nombre de très hauts fonctionnaires qui se sont sentis visés alors qu’ils servent le pays, à l’abri de toute couleur politique…

Pour finir, je reviendrai sur le cas de Gérard Colomb qui avait envoyé deux mises en garde : d’abord pour la réduction de la vitesse et ensuit, plus tard, pour le carburant.

Ces deux mesures ont porté une main sacrilège contre le veau d’or des Français, la voiture, la bagnole pour parler comme Charles de Gaulle qui disait à peu près ceci : Les Français ne pensent qu’à conduire leur bagnole sur l’autoroute tous les dimanches…

Mais Gérard Colomb, vieux routier madré de la politique, inamovible maire de Lyon, ancienne capitale des Gaules, excellent philologue classique qui avait dit ceci dont nul parmi les intéressés n’a voulu tenir compte: Les dieux rendent fou ceux qu’ils veulent perdre… Ils les aveuglent ! Mais comment le principal intéressé n’a-t-il pas saisi l’allusion ?

Mais gageons que la leçon a été apprise et bien reçue. Le président prendra le pouls de la nation. Nul doute qu’il saura apaiser la nation et la conduire sur la voie de la paix et de la concorde.

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Joseph (Hermann, 2018)

 

 

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Ashkefarad

Bravo pour cette analyse d’une remarquable lucidité. Quand aux critiques sur votre article, laissez parler ceux qui ont des formules toutes faites comme « Juifs de cour » ce qui ne veut rien dire puisque ceux qui l’ont écrit devaient vivre dans des mellahs et n’y connaissent rien. Quant à l’objectivité , il est plaisant de constater que dès que l’on n’est pas d’accord avec les opinions d’un autre, on manque d’objectivité.

Michel

Êtes vous vraiment juif pour parler ainsi ? Le souci du prochain n’est-il Pas le fondement du judaisme? Alors c’est chacun pour soi et ceux de La mellah comme vous dites peuvent crever. Dites vous bien que le risque certains n’ont pas assez c’rst Que d’autres ont trop.

Jankel

Après un tel plaidoyer pour le Pouvoir! il vous sera difficile de passer pour un objectif critique, Mr Benayoun!
« Juif de Cour », distingué (!) est évidemment le mot qui ne peut manquer de venir à l’idée!
Je ne suis ni le seul ni le premlier à le sentir très dfort, et accablant, une fois de plus!
Tant pis pour vous Mr Benayoun! Votre cote va s’effondrer malgré votre érudition autrement précieuse, hélas…

neuhof

Monsieur Benayoun ,j en ai marre des juifs de cour qui se prosternent devant Macron.Vous parlez de situation préinsurrectionnelle puis ensuite vous nous dites que Macron ne doit pas se coucher à la première bourasque.Faudrait savoir ,c est une bourasque ou une situation préinsurectionelle?Certes Macron n’est pas le seul responsable mais c’est l’un des responsables.Son arrogance,son insensibilité ont entrainé un niveau de detestation tel que cette haine devient une donnée politique au meme plan que les données économiques .Le mépris se paie très cher.Je ne parlerai meme pas des votes iniques de la France à l’onu et à l’Unesco,du prix des droits de l’homme qui sera remis le 10 decembre par Ed.Philippe et mme Beloubet ministre de la justice,à l’organisation d extreme gauche betselem,ni du role de Macron sur le traité nucléaire iranienni des propos de Castaner sur la barbarie israélienne lors de l opération du mavi marmara,ou ces propos sur l islam religion d’amour.Alors permettez moi de savourer mon plaisir quand je vois ce gouvernement en pleine panique.