L’extrême droite aux portes du pouvoir en Suède.

Ce pays du nord de l’Europe est en plein électrochoc après les élections législatives de dimanche. L’extrême droite est en position d’accéder au pouvoir si elle valide un accord avec les autres partis de droite classique.

Il s’agit d’un électrochoc parce que la Suède, 10 millions d’habitants, est une terre de modération, dominée de longue date par le centre droit et surtout le centre gauche, les sociaux-démocrates, incarnés aujourd’hui par l’actuelle Première ministre, Magdalena Andersson. Mais l’extrême droite est désormais le deuxième parti du pays avec plus de 20% de voix, en position d’accéder au pouvoir après le vote du dimanche 11 septembre.

Les Démocrates de Suède (le nom officiel de ce parti d’extrême droite) ont encore deux obstacles sur leur route. Le premier, c’est l’incertitude qui pèse sur les résultats définitifs. Après le dépouillement de 95% des bulletins de vote, l’écart reste très faible entre les deux blocs, gauche-écologiste d’un côté, droite-extrême droite de l’autre; environ 60 000 voix, moins d’un point d’écart, autrement dit, sur 350 députés, un seul siège d’écart selon les projections des médias suédois. Il n’y aura pas de résultat définitif avant le mercredi 14, voire le jeudi 15 septembre. Le deuxième obstacle, c’est de valider un accord avec les partis de droite classique. C’est en préparation, mais ça ne sera pas simple.

Des origines néo-nazies jusqu’à l’image dédiabolisée

L’artisan de ce succès électoral est un homme de 43 ans : Jimmie Akesson. Dans la nuit de dimanche, il n’a pas caché sa satisfaction en commentant les premiers résultats. « C’était il y a 12 ans, nous faisions 5%, maintenant c’est 20,7%, c’est fantastique, je crois que ça sent bigrement bon », s’est enthousiasmé Jimmie Akesson devant ses partisans. Le secret de cet homme à l’allure très classique, lunettes et barbe soigneusement taillée, c’est d’avoir lissé, dédiabolisé son parti. Il a changé le logo : une sympathique anémone bleue et jaune au lieu de la torche traditionnelle.

Il a aussi fait le ménage dans les rangs, en s’efforçant d’exclure les néo-nazis et les nostalgiques du IIIe Reich fondateurs du parti à l’origine. Si on en croit les médias suédois, il en reste quand même un certain nombre. Jimmie Akesson a également abandonné les idées de sortie de l’Union européenne et modéré ses propos sur l’immigration. Il y a quelques années il avait qualifié les musulmans de « plus grande menace depuis la Seconde Guerre mondiale ». Cette fois-ci, il a fait campagne sur les deux sujets qui préoccupent les Suédois : l’insécurité (il y a beaucoup de règlements de comptes entre gangs) et bien sûr la flambée des coûts de l’énergie.

La fin du cordon républicain

L’événement, c’est aussi que les partis de droite classique acceptent de discuter avec lui. C’en est fini du traditionnel « cordon républicain » autour de l’extrême droite en Suède. Le leader du principal conservateur, Ulf Kristersson, en a visiblement assez d’être battu par les sociaux-démocrates. Il a donc ouvert la porte à l’extrême droite et a lui-même mené une campagne très à droite, sur l’insécurité comme sur l’économie. Il veut par exemple baisser les allocations sociales. Cela dit, l’attelage s’annonce compliqué, parce que Kristersson va aussi devoir faire alliance avec les Libéraux de centre-droit, farouchement opposés à l’extrême droite. En plus, l’Union européenne va sans doute manifester une certaine inquiétude, d’autant que la Suède prend la présidence tournante de l’UE à la fin de cette année.

Les coalitions de droite et d’extrême droite se banalisent-elles en Europe ?

À l’issue des élections législatives du 11 septembre en Suède, l’extrême droite devient la seconde force politique, et pourrait gouverner le pays aux côtés de la droite modérée. Fin septembre, tous les regards seront tournés vers l’Italie, où un tel scénario pourrait se reproduire, avec le parti Fratelli d’Italia.

Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques,
chercheur rattaché à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques)

« En observant chronologiquement la liste des accords passés en Europe entre des partis de la droite radicale et de la droite traditionnelle, on comprend que la Suède n’est pas la première à tester ce genre d’alliance, loin de là. Les précurseurs sont les Italiens de la Ligue du Nord, entrés dès 1994 dans une coalition de droite soutenant le gouvernement Berlusconi. L’Autriche avec le FPÖ en 2000, la Norvège avec le Parti du progrès, la Finlande avec celui des Vrais Finlandais, mais aussi la Slovaquie, la Bulgarie, la Pologne, la Hongrie ont connu des expériences politiques comparables. En Espagne, les conservateurs du Parti populaire n’ont pas hésité localement à passer des alliances avec Vox (extrême droite).

Dans certains États, ces formations ne sont pas ou plus ostracisées mais bel et bien considérées comme des acteurs à part entière de la vie politique. Cela est d’autant plus vrai pour les mouvements dits de la droite radicale, souvent issus de scissions avec la droite conservatrice ou libérale, par rapport à ceux qui ont un passé néofasciste et antidémocratique. Les Démocrates de Suède appartiennent à cette seconde catégorie. Dans les années 1990, personne n’aurait misé sur cette formation et, il y a dix ans encore, les conservateurs suédois jugeaient ses membres infréquentables. Les efforts des Démocrates de Suède pour chasser les éléments les plus extrémistes, mais aussi le lien fait entre délinquance et immigration dans le débat public ont abouti à leur normalisation.

Ce type d’alliance deviendra-t-il la norme en Europe ? C’est difficile à dire. Cela dépend de l’histoire et du mode de scrutin, la proportionnelle favorisant ainsi les petits partis par rapport au scrutin majoritaire. On peut s’attendre à ce que la coalition Centre droit en Italie (droite et extrême droite) dépasse les 40 % aux prochaines élections. À l’inverse, certains pays résistent mieux à ce phénomène. La droite extrême ne progresse ni au Royaume-Uni du fait du scrutin majoritaire à un tour, ni au Portugal.

En Allemagne, je ne vois pas les chrétiens-démocrates de la CDU s’unir avec l’AfD au regard du poids de la Seconde Guerre mondiale. Le Parti populaire en Espagne y reste hostile à l’échelon national. On peut aussi citer la Belgique francophone, où le cordon « sanitaire » mis par les responsables politiques et les médias a empêché pour l’heure l’émergence d’une formation d’extrême droite forte, à la différence des régions flamandes.

En Europe, de nombreux partis de droite ont encore conscience que les partis radicaux ou extrémistes sont difficiles à manier. L’agenda qui est le leur, notamment sur les questions d’identité nationale, finit par s’imposer et la droite conservatrice a tendance à s’altérer dans un sens radical. »

Emmanuel Rivière, directeur international pour les études politiques de l’institut Kantar Public

« Les droites en France et en Allemagne feront-elles demain figure d’exception en Europe ? La digue que les Républicains ont élevée contre le Rassemblement national tient toujours, de même que celle élevée par la CDU/CSU contre l’extrême droite AFD. Ailleurs ce n’est plus le cas, comme on vient de le voir en Suède ou comme on l’a vu en Espagne où le parti d’extrême droite Vox s’est allié au Parti populaire. En Italie, cela avait déjà eu lieu en 2018 avec l’alliance entre la Ligue et Forza Italia. Cette année, la droite italienne a accepté de faire alliance avec Fratelli d’Italia.

Cette évolution est sans doute liée aux difficultés que connaît la droite classique là où les bouleversements du paysage politique menacent son assise historique. Cependant, les cas de la France et de l’Allemagne montrent que ce n’est pas une conséquence mécanique. Je note aussi que la droite classique ne sort pas vraiment gagnante de son alliance avec l’extrême droite. Son profit politique n’est pas certain, lorsqu’elle est, comme hier en Suède et depuis deux ans en Italie, surpassée par l’extrême droite.

Du point de vue du contenu doctrinal, de tels rapprochements correspondent à une forme d’homogénéité de leurs électorats. On note une convergence de vue croissante sur les thématiques liées à l’identité, la sécurité, l’immigration. Sur la question de l’Union européenne, les extrêmes droites ont tendance à mettre de côté leur critique, comme en Suède et en Italie. En France aussi, ce qui peut expliquer également le score de Marine Le Pen aux élections présidentielle et législatives.

Dans les pays où ce rapprochement s’effectue, on peut s’interroger sur le mur mémoriel qui sépare la droite classique de l’extrême droite. En Allemagne et en France, ce mur est très structurant. En France, le rejet de l’extrême droite par la droite classique est aussi générationnel et mémoriel : les plus âgés font le lien entre ce parti et ses racines pétainistes. C’est d’ailleurs un aspect que Marine Le Pen s’efforce de gommer. En Allemagne, même si l’AFD n’a pas de lien généalogique avec le nazisme, la droite classique se méfie de son nationalisme avec lequel elle a rompu, elle, après la guerre. En revanche, en Espagne la transition démocratique n’a pas été l’occasion d’un jugement tranché sur la période franquiste. Et en Italie, la condamnation du passé mussolinien n’a pas eu la même netteté qu’en Allemagne.

Enfin, tout ne concorde pas à ce rapprochement ou ne le rend pas nécessairement durable. Sur le plan économique, la droite classique est une droite libérale tandis que l’extrême droite est favorable au contrôle de l’économie et au partage des richesses. Toutefois ce n’est pas un point de divergence en Suède. Autre point d’achoppement, le rapport à la démocratie. Le côté démocratie antilibérale de la droite nationaliste sur le plan, aussi, de la justice, de la liberté de la presse n’est pas de nature à rassurer les électeurs de la droite classique. »

JForum.fr AFP et La Croix.

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Filouthai

La Suede a été détruite par les socialistes parti dogmatique et intolérant (comme ses homologues européens) qui a laissé les suédois se faire massacrer par les adeptes de l’Islam et s’installer dans le pays non pour travailler, mais pour diriger de multiples mafias : drogue, armes, papiers, êtres humains, etc .
Il est temps que des patriotes -que les gens d’extrême gauche ou les idiots utiles qualifient d’extrême droite- prennent la tête de ce pays, sauvent sa culture, son histoire et ses traditions quitte à rejeter à la mer les sarrasins qui polluent, violent et saccagent la Suède.