Les israéliens commémorent cette semaine, avec retenue, deux événements historiques majeurs, ayant contribué à renforcer la sécurité du pays. Le dernier en date avait lieux en 1981 en bombardant et détruisant le site nucléaire irakien en construction avec l’aide d’ingénieurs et techniciens français, Paris ayant fourni à Bagdad le réacteur à fins militaires. Tsahal avait bien pris soin d’effectuer l’attaque dimanche, les Français étant en congé dominical. Néanmoins, un technicien français présent sur les lieux avait trouvé la mort.

Le Premier Ministre Menahem Beguin avait ordonné l’attaque en dépit de l’opposition de certains ministres et hommes politiques, tel Shimon Pérès. Grâce à cette attaque Israël avait éliminé une menace nucléaire pour plusieurs années, avant de se trouver dans l’obligation de détruire un autre site nucléaire construit en Syrie, au début des années 2000. Certes, la menace nucléaire iranienne existe toujours et plane au dessus du sentiment de sécurité des israéliens.

Le deuxième événement commémoré est le 49e anniversaire de la guerre des six jours, la plus grande victoire militaire israélienne après la guerre d’indépendance. Tant de choses avaient été dites et écrites, et l’on aurait tendance à affirmer qu’il n’y a rien à ajouter. Néanmoins je veux relater une affaire assez marginale, mais méconnue et passionnanteb: celle d’un espion égyptien retourné, pour se mettre au service d’Israël, et ayant contribué à la victoire dans cette guerre.

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Dans les années 50 du siècle dernier, à la suite de la guerre de Suez, le régime égyptien avait consenti à laisser partir des juifs voulant immigrer en Israël, à condition de transiter par Rome. On a vite compris pourquoi : faire infiltrer des espions passant pour des Juifs. Or ces espions avaient leur officier-traitant à l’Ambassade de Rome. C’est ainsi qu’un certain nombre d’agents secrets avaient réussi à déjouer la méfiance du nouvel Etat juif.

Une erreur incompréhensible commise par certains de ces espions avait mis la puce à l’oreille des chargés de la sécurité : on avait remarqué sur certaines enveloppes envoyées à Rome l’adresse de l’expéditeur mentionnant le mot « Israyil« , spécifiquement utilisé par des arabes.

Parmi ces immigrants-espions un certain Rafaat Ali Suleiman Al Gammat, alias Rafat Alhgan, est arrivé en Israël en 1956. Originaire d’Alexandrie, de père commerçant en charbon et mère ménagère lui ayant enseigné l’anglais et le français, il avait été recruté par les Renseignements égyptiens après avoir commis des délits de justice, et s’est vu dans l’obligation de choisir entre la prison et partir espionner en Israël.

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Il s’est introduit d’abord dans les milieux juifs d’Alexandrie pour connaître leurs habitudes, et arrivé en Israël via Rome, à l’âge de 28 ans. Il s’est fait remarqué rapidement comme « coureur » de jupes, et effectivement, une fois soupçonné, c’est en effet lors d’un rendez vous galant avec une mineure que la police a fait irruption dans son appartement. Le menaçant d’être jugé pour détournement de mineure, il s’est mis à tout dévoiler, et accepté à être retourné et se mettre au service d’Israël.

Une collaboration fructueuse, tout en le mettant à l’épreuve, lui a permis de convaincre ses anciens patrons de son efficacité, au point de financer l’ouverture à Tel Aviv d’une agence de voyage « Seatour », selon le conseil de ses nouveaux « amis ». Son nom de code était « Yahad » puis « Oxford ».

Utiliser un agent double est une tâche délicate, exigeant à la fois des précautions à son égard et des efforts pour renforcer son prestige auprès de ses employeurs d’origine. On lui avait fourni donc des renseignements authentiques mais superflus, tels des photos de camps militaires abandonnés ou des détails de commérage sur des hommes politiques israéliens. Au Caire on jubilait, persuadés d’avoir une mine d’or, lui faisant confiance sans limite.

Durant les semaines qui précédaient la guerre des six jours les égyptiens ont introduit au Sinaï de forts renforts, rassurés par Bitton qu’Israël ne réagirait pas, sauf peut être par des actions terrestres limitées. Mais assurément sans utiliser l’aviation. Pour renforcer cette conviction Bitton a fourni des photos d’aviateurs israéliens faisant la fête, trinquant, dansant. « Ils ne sont pas fiables » avait assuré l’espion-vedette.

Or justement l’essentiel des plans tactiques israéliens se basait sur une frappe aérienne décisive, neutralisant l’aviation égyptienne aux premières heures des combats. Ce qui s’était passé effectivement. On connaît la suite. Telle est la contribution essentielle de Bitton à la victoire.

Son appétit pécuniaire grandissant, il a fini par prendre sa retraite avec l’accord des israéliens. Entretemps il a épousé une jeune allemande, Valtrud Chaffeltt, pour s’installer en Allemagne. Mais leur fils Daniel a célébré sa Bar Mizvah à Jérusalem. au Mur de Lamentation.

Mort en 1982 à la suite d’une longue maladie, il est enterré en Egypte après avoir eu les honneurs lors de ses funérailles. Décidément, les Egyptiens ne se doutaient toujours de rien. D’autant plus qu’ils ont logé sa veuve dans un immeuble luxueux au Caire, en reconnaissance de ses services. Par jeu de l’ironie, une fois rentrée en Europe, elle s’est mise à contribuer à une association d’amitié avec Israël.

Et le comble de l’ironie: la Télé égyptienne a diffusé une série de 15 chapitres ayant eu un succès énorme à travers le monde arabe. Le héros, sous le pseudonyme de Rafaat el-Alghan a été présenté comme un héros ayant noyauté les services secrets de « l’ennemi sioniste ». Une fois sa vraie identité divulguée, une place au centre du Caire porte son nom.

Si quelqu’un s’interroge, la réponse est non : en Israël, pas de rue au nom de Jacques Bitton.

Gil Kessary Headshot

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OLIVIER COMTE

Pourquoi les services secrets sont-ils secrets?
Pour ne pas livrer d’informations, particulièrement sur leurs activités. Certains Israëliens ont la langue trop bien pendue. Ces aventures de Bibi Fricotin espion ne peuvent que favoriser le mépris des adversaires, attitude fatale pour les militaires de tout poil.