Les cicatrices invisibles du survivant Idan
L’image a rapidement fait le tour du monde : celle d’Idan Alexander, les bras autour de sa mère, le regard empreint d’émotion, mais surtout les mains couvertes de marques – traces silencieuses de plus de 500 jours passés en captivité. Cette photo poignante, devenue virale, a ravivé les préoccupations quant aux séquelles que peuvent laisser de telles expériences, bien au-delà des blessures visibles.
Les premiers détails de sa détention, diffusés récemment, brossent un tableau sombre de son calvaire. Selon ses propres mots, Idan aurait été battu, maintenu dans l’obscurité avec un sac sur la tête, et même mordu par des tiques. Un traitement inhumain, corroboré par des spécialistes médicaux qui alertent sur les conséquences tant physiques que psychologiques de ce type d’épreuve.
Le professeur Dror Meborach, chef du service de rhumatologie à l’hôpital Hadassah Ein Kerem, s’est exprimé sur les effets de longues périodes de captivité. Il distingue deux formes principales de vulnérabilité : l’une physique, l’autre mentale, toutes deux intriquées et lourdes de conséquences. Selon lui, les conditions de détention d’Idan relèvent de la privation extrême : absence de lumière naturelle, immobilisation prolongée, isolement total. Des traitements assimilables à ceux infligés à des animaux, qui provoquent un état de souffrance chronique.
Sur le plan psychique, la durée est un facteur aggravant. Être prisonnier pendant près de deux ans, sans horizon, ni activité, ni contact humain autre que celui de ses geôliers, génère une désintégration progressive des repères mentaux. Les otages plongent dans un cycle d’espoir intermittent et de détresse profonde. Et une fois libérés, ils doivent entamer un long processus de reconstruction mentale, souvent jalonné de troubles post-traumatiques, d’anxiété ou de dépression.
Physiquement, les dégâts sont également importants. Le professeur Meborach évoque des signes évidents de maltraitance : contusions aux poignets, maigreur extrême, fonte musculaire. Un régime alimentaire carencé, combiné à l’inactivité forcée, a probablement conduit à une détérioration de la masse corporelle et de la mobilité. Pourtant, sur ce point, l’expert se montre plus optimiste : chez un jeune comme Idan, la récupération physique est envisageable, pour peu qu’il bénéficie d’un accompagnement médical adéquat, d’une alimentation équilibrée et d’une remise progressive en mouvement.
Mais là où le processus se complexifie, c’est dans l’approche de la guérison psychologique. Contrairement au corps, l’esprit garde en mémoire les sévices longtemps après leur cessation. Le sourire d’Idan sur la photo ne reflète pas nécessairement un apaisement intérieur, mais plutôt la joie éphémère des retrouvailles. Derrière cette image rassurante, se cachent sans doute des peurs persistantes, des cauchemars, une anxiété latente.
Pour le professeur Meborach, la clé réside dans un cadre de soutien stable : un entourage familial solide, un environnement thérapeutique adapté, et surtout une reprise rapide d’une activité structurante. Il préconise que les anciens otages soient intégrés à un projet, qu’il s’agisse d’études ou d’une autre forme d’engagement, afin d’éviter qu’ils ne s’enferment dans leur passé traumatique. La passivité post-libération peut, selon lui, prolonger la souffrance au lieu de la résorber.
La réhabilitation mentale, ajoute-t-il, exige du temps, de la patience et une approche personnalisée. Elle dépend également de la résilience propre à chaque individu, de ses ressources intérieures et du soutien de ses proches. L’enjeu n’est pas seulement de panser les plaies du corps, mais surtout de restaurer une forme de normalité, afin que les victimes ne restent pas figées dans leur statut d’ex-otage.
Le cas d’Idan Alexander, jeune et visiblement soutenu par sa famille, inspire donc un espoir mesuré. Même si les pronostics sont incertains sur le plan psychologique, son âge et son environnement peuvent jouer en sa faveur. L’essentiel, comme le rappelle le spécialiste, est qu’il ne soit pas défini à jamais par sa captivité, mais qu’il puisse, avec le temps, en faire un chapitre refermé de sa vie.
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