Le monde musulman vu par A. Crémieux et De Gaulle (1/2)

mis en ligne le 02.11.2020

La France et l’Islam. A. CREMIEUX un visionnaire

Le 24 Octobre 1870,voilà donc 150 ans, un décret promulgué à Tours donne la nationalité française à 37 000 juifs d’Algérie, mais un autre décret prévoyait que les musulmans d’Algérie soient ravalés au statut d’indigènes.

Il s’agit de l’une des premières décisions prises par le gouvernement de la IIIème République.

 C’est le début d’une fracture douloureuse de plusieurs décennies entre les français, les juifs et les musulmans.

Cette distinction entre Juifs et musulmans reposait sur la possibilité d’assimilation des Juifs et des musulmans.

À cette époque déjà, il était apparu que l’assimilation et non l’intégration des musulmans était chose impossible.

Les événements actuels justifient cette position et le rejet des lois de la république par une partie importante des musulmans le démontre.

Les jeunes musulmans français se disent plus radicaux que leurs aînés : c’est l’un des enseignements du sondage Ifop publié le 2 septembre 2020, pour Charlie Hebdo et la Fondation Jean-Jaurès.

À la question : « Faites-vous passer vos convictions religieuses avant les valeurs de la République ? », 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment mettre l’islam avant la République, alors qu’ils sont 25 % pour les 35 ans et plus. 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment mettre l’islam avant la République, alors qu’ils sont 25 % parmi les 35 ans et plus selon un sondage Ifop.

Les droitdelhommistes et les islamo-gauchistes parleront de racisme des Français à l’égard des musulmans, voire d’islamophobie.

Les centaines d’attentats dans le monde perpétrés par des musulmans, s’ajoutant aux discours de haine, à l’encontre des Juifs et de l’Occident sont ignorés.

Seules sont prises en compte les différentes formes de « victimisation » fictionnelles que la société française par ses contingences sociales et économiques infligerait à l’encontre des seuls musulmans de France épargnant les autres communautés.

Isaac Adolphe Crémieux est l’un des leaders républicains de l’époque et est un farouche opposant à Napoléon III.

Il est le fils d’un commerçant juif de Nîmes et est l’un des rares personnages de son époque issu d’une classe populaire qui parvint à accéder dans les hautes sphères de l’État.

Devenu juriste, il entra rapidement dans la franc-maçonnerie qui l’aida à accéder dans le monde politique.

En 1860, il participa à la création de l’Alliance Israélite Universelle dont il fut également le dirigeant, et qui avait pour objectif de protéger les Juifs à travers le monde, tout en créant un réseau d’écoles francophones afin de favoriser leur ascension sociale.

A l’aube de la IIIème République, il parvint au poste de ministre de la justice et fut à l’initiative de la loi qui porte son nom.

L’Algérie : du royaume à la colonie.

Les années 1860 marquent la fin de la conquête par la France de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Algérie.

L’empereur Napoléon III, au pouvoir à cette époque, préconise l’instauration d’un royaume arabe sous protectorat français, un peu comme il en ira plus tard avec le royaume du Maroc.

Lui-même aurait eu le titre de «roi des Arabes». Par ailleurs, il souhaite stabiliser cette région, qui n’est pas catholique comme la France, mais qui s’avère musulman.

Par le senatus-consulte (décret impérial) du 14 juillet 1865, les trois musulmans d’Algérie peuvent demander à « jouir des droits de citoyen français » et à bénéficier de la « qualité de citoyen français », sans qu’il leur soit nécessaire de renoncer à la loi coranique : «L’indigène musulman est Français, néanmoins il continuera d’être régi par la loi musulmane. Il peut sur sa demande être admis à jouir des droits du citoyen ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et politiques de la France». 

Ce décret fut très apprécié des locaux d’Algérie qui étaient désormais considérés comme des Français à part entière, et Napoléon III jouissait alors d’une grande popularité sur le territoire Nord-Africain.

Et par l’intermédiaire de ce même décret, les 250 000 étrangers résidents en Algérie depuis plus de 3 ans ainsi que les 30 000 juifs algériens pouvaient aussi obtenir la nationalité française.

Mais ce décret subit deux oppositions: l’Eglise Catholique qui refusait que des musulmans puissent devenir français, au même titre que les membres de leur confession; et les Républicains en particulier ceux de gauche, qui sont les plus ardents opposants à Napoléon III et qui n’acceptaient généralement pas la politique de l’empereur au sein du monde arabe.

Le début d’une clairvoyance

La IIIème République qui succède au Second Empire va supprimer les articles principaux au sénatus-consulte du 14 juillet 1865 qui octroyait la citoyenneté aux musulmans.

Désormais, ceux-ci n’étaient plus considérés comme Français. La loi mentionne les musulmans comme des indigènes qui ne pouvaient plus accéder à la citoyenneté, sauf en réunissant les conditions ci-dessous.

Cependant, ces conditions étaient particulièrement difficiles à obtenir puisqu’il ne faut pas oublier qu’à cette époque, la grande majorité de ces « indigènes » n’avaient pas de papiers et vivaient en tribus.

Par ailleurs, le peu de chanceux qui parvinrent à accéder à la naturalisation faisaient l’objet d’un casier judiciaire, à l’égal des délinquants et des criminels.

Voici l’extrait du décret n° 137 qui correspond au sujet :

« N°137. – DÉCRET sur la Naturalisation des Indigènes musulmans et des Étrangers résidant en Algérie du 24 Octobre 1870. LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE DÉCRÈTE :

ART. 1er. La qualité de citoyen français, réclamée en conformité des articles 1er et 3 du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, ne peut être obtenue qu’à l’âge de vingt et un ans accomplis. Les indigènes musulmans et les étrangers résidant en Algérie qui réclament cette qualité doivent justifier de cette condition par un acte de naissance; à défaut, par un acte de notoriété dressé sur l’attestation de quatre témoins, par le juge de paix ou le cadi du lieu de résidence, s’il s’agit d’un indigène, et par le juge de paix, s’il s’agit d’un étranger.

ART.2. L’article 10, paragraphe 1er du titre III, l’article 11 et l’article 14, paragraphe 2 du titre IV du décret du 21 avril 1866, portant règlement d’administration publique sont modifiés comme il suit :

« Titre III, article 10, paragraphe 1er : L’indigène musulman, s’il réunit les conditions d’âge et d’aptitude déterminées par les règlements français spéciaux à chaque service, peut être appelé, en Algérie, aux fonctions et emplois de l’ordre civil désigné au tableau annexé au présent décret.

« Titre III, article 11 : L’indigène musulman qui veut être admis à jouir des droits de citoyen français doit se présenter en personne devant le chef du bureau arabe de la circonscription dans laquelle il réside, à l’effet de former sa demande et de déclarer qu’il entend être régi par les lois civiles et politiques de la France.

En clair, il refuse la suprématie du Coran sur les lois de la République, ce qui est en cause de nos jours. Et ce que les islamo-gauchistes appellent racisme.

« Il est dressé procès-verbal de la demande et de la déclaration.

« Article 14, paragraphe 2 : Les pièces sont adressées par l’administration du territoire militaire du département au gouverneur général »
ART.3. Le gouverneur général civil prononce sur les demandes en naturalisation, sur l’avis du comité consultatif.
ART.4. Il sera dressé un bulletin de chaque naturalisation en la forme des casiers judiciaires. Ce bulletin sera déposé à la préfecture du département où réside l’indigène ou l’étranger naturalisé, même si l’individu naturalisé réside sur le territoire dit Territoire militaire.

ART.5. Sont abrogés les articles 2, 4, 5 du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, les articles 13, titre IV, et 19, titre VI, intitulé : Dispositions générales, du décret du 21 avril 1866. Les autres dispositions desdits sénatus-consulte et décret sont maintenues.

Fait à Tours, en Conseil de Gouvernement, le 24 octobre 1870.

Signé AD. CRÉMIEUX, L. GAMBETTA, AI. GLAIS-BIZOIN, L. FOURICHON. »

Voici ce qu’on peut retenir dans ce décret  :

– Pour l’ART. 1, les étrangers et indigènes musulmans doivent fournir un acte de naissance ou un acte notarié pour espérer obtenir la citoyenneté (le verbe employé est « réclamer  » et non « recevoir »). Or il faut se mettre dans le contexte de l’époque. En 1870, les indigènes musulmans vivaient, pour la plupart, encore à l’intérieur de différentes tribus. Peu d’habitants de ces tribus ne possédaient d’acte de naissance. Quant à l’acte de notoriété, il est difficile à obtenir car c’est un document par lequel un officier public recueille des témoignages en vue de d’établir une circonstance ou un fait matériel qu’un nombre de personnes ont pu constater, dont ils ont pu avoir connaissance ou qui leur ont semblé avérés. Autrement dit, c’est un officier public qui se base d’après des témoignages, sachant qu’ils peuvent être vrai ou faux.

NDLR – La crainte était bien que le don de cette nationalité était porteur d’un double danger. Le premier portait sur les risques démographiques, le second sur la sincérité de l’engagement à privilégier les lois de la République

Par conséquent, l’officier public émet son avis sur la possibilité d’un demandeur à obtenir la citoyenneté. Si la demande est acceptée, l’indigène musulman majeur ne devient pas pour autant français, car il doit émettre d’autres conditions.

Mais en ce qui concerne le Titre III, article 11, il doit ensuite effectuer une demande auprès du chef du bureau arabe de la circonscription dans laquelle il réside, tout en jurant de vouloir être régi par la législation française. Par conséquent, il devait reléguer la loi coranique au second plan.

Il était donc très difficile pour un indigène musulman d’obtenir la citoyenneté, alors que les autres avaient moins de condition à remplir. Par ailleurs, les Républicains au pouvoir, surtout ceux de gauche tels que Jules Ferry, souhaitaient peupler l’Algérie de colons afin de « civiliser » la région. Par conséquent, une naturalisation massive et automatique portant sur les étrangers d’Algérie est promulguée le 26 juin 1889. 

De plus, Isaac Adolphe Crémieux voulait que les juifs puissent avoir la nationalité française et va réaliser son souhait par l’intermédiaire du décret n°136 de la loi du 24 octobre 1870 : « B. n°8 – 109 – RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 136. – DÉCRET qui déclare citoyens français les Israélites indigènes de l’Algérie. Du 24 Octobre 1870

LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE DÈCRÈTE:
Les Israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu’à ce jour restant inviolables. Toute disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnances contraires, sont abolis.

Fait à Tours, le 24 Octobre 1870.

Signé AD. CRÉMIEUX, L. GAMBETTA, AI. GLAIS-BIZOIN, L. FOURICHON. »

Ce décret était unique en Europe puisque aucune autre puissance de l’époque n’avait établi ce type de loi. Quant aux juifs d’Algérie, la tradition raconte qu’une partie d’entre-eux y étaient présents depuis le VIème siècle et la première diaspora. Ils étaient d’ailleurs à l’origine d’une langue aujourd’hui disparue, le judéo-berbère.

D’autres viennent d’Espagne et ont été chassés de ce pays au XVème siècle, au moment de l’Inquisition. D’ailleurs, les Juifs d’Afrique du Nord prirent le nom de sépharades après cette période (d’après le nom de l’Espagne en langue hébraïque). Cependant, après le décret Crémieux, les colonisés musulmans, les « indigènes », vont assimiler les Juifs avec les colons européens, ce qui va engendrer un motif de rupture entre les peuples de confessions différentes.

Une loi lourde de conséquences

Dès l’année suivante, encouragé par la défaite de la France face à la Prusse, un notable musulman, le bachagha El Mokrani, va provoquer un grand soulèvement de 250 tribus contre le gouvernement de la République Française.

 Cette révolte conduit le 8 avril 1871 à la proclamation de la guerre sainte par le grand maître d’une confrérie musulmane d’Algérie, Cheikh El-Haddad.

Ce dernier annonça sa volonté d’obtenir une « extermination des français » au cours d’une prière.

C’est un tiers de la population musulmane qui va alors entrer en rébellion contre le gouvernement.

Effrayé par la situation en Algérie, le chef du gouvernement provisoire, Adolphe Thiers, dépose le 21 juillet 1871 un projet d’abrogation du décret Crémieux. Cependant, celui-ci est repoussé sous la pression du richissime banquier juif Alphonse de Rothschild.

La révolte va se terminer avec la répression de l’État Français contre des mouvements armées locaux. Les instigateurs de la révolte sont jugés entre le 10 mars et le 21  avril 1873 et plusieurs partisans furent déportés ou emprisonnés.

NDLR – Sous une autre législation, ils n’auraient pas survécu

Vis-à-vis de cette loi, les français sont divisés.  Mais parmi ces divisés, deux formes de racisme vont alors émergés : l’anti-musulman et l’anti-juif. Ces deux sentiments vont se renforcer durant toute la IIIème République, essentiellement à cause de divers scandales tels que le Scandale de Panama, l’Affaire Dreyfus et l’Affaire Stavisky.

Entre temps, le Code de l’indigénat établie en Algérie le 28 juin 1881 détériore un peu plus les conditions de vie des indigènes musulmans. De manière générale, ce code les assujettissait aux travaux forcés, aux réquisitions (notamment des terres), à des impôts spéciaux ou à l’interdiction de circuler la nuit. Les colons européens étaient divisés sur les conditions discriminatoires à l’encontre des musulmans et le statut favorable accordé aux juifs. Ils vont même élire, en 1898, Edouard Drumont, éditeur du journal antisémite La Libre Parole, comme député d’Alger.

Après la loi Crémieux

Jusque dans les années 1930, les tensions vont s’atténuer entre les musulmans et les juifs, mais elles perdurent malgré tout en Algérie. Afin d’y mettre à terme, le maréchal Pétain va abroger la loi de 1870 par l’intermédiaire de Marcel Peyrouton.

Ainsi, un certain nombre de juifs qui ont obtenu la nationalité française selon la loi Crémieux se l’ont vu retirés. Cette décision s’avère antisémite, même si certains Juifs qui avaient reçu la croix de guerre, suite à leur participation dans la Première Guerre Mondiale, durant la Guerre du Rif ou (et) dans la guerre 1939-40, avaient gardé la citoyenneté (loi du 7 octobre 1940).

Par ailleurs, en supprimant la loi Crémieux, les musulmans ne sont plus considérés comme des indigènes, même s’ils ne récupèrent pas non plus la nationalité française accordée en 1865.   A suivre   

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires