Elle semblait indéboulonnable. Elle semblait être comme un roc et pourtant les électeurs allemands ne lui ont plus accordé leur confiance comme ils avaient coutume de le faire depuis douze ans. Est-ce la fin ? Est-ce l’usure du pouvoir ? Est-ce une excessive confiance
en soi ?

La chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, le 19 novembre 2017.

Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la chancelière allemande n’a pas tenu compte du désir des Allemands moyens de ne plus accueillir plus d’un million de réfugiés ou prétendus tels, disons des migrants dont la socio-culture n’a rien de commun avec les citoyens dubord du Rhin.

Certes, cela partait de bons sentiments, quoiqu’à l’arrière-plan il y avait aussi le souci de pallier au manque de bras et de mains d’oeuvre dont l’industrie allemande va avoir besoin dans la prochaine décennie.

Or, l’Allemagne n’a plus d’excédent des naissances depuis de nombreuses années. Je me souviens d’il y a quelques années lorsque un autre gouvernement avait décidé de recruter des informaticiens venus des Indes ; cela avait soulevé une grande vague de protestations avec ce slogan, pas mal trouvé, que j’ai retenu
tant il m’amusait : Kinder statt Inder (Des enfants plutôt que des Indiens).

Angela Merkel avait sûrement la tête ailleurs lorsqu’elle a ouvert toutes grandes les portes de son pays à des migrants venus d’une autre culture et d’une autre civilisation. C’est curieux de la part d’une femme allemande censée bien connaître la sensibilité de ses
compatriotes, leur respect scrupuleux des normes et des règles, bref ce qu’on appelle outre-Rhin die deutsche Übergründlichkeit.

Avec tout le respect dû à une femme et à une dirigeante d’exception, il faut bien reconnaître qu’elle a fait un pas de clerc (falschen Schritt), car en permettant à tant de migrants d’entrer chez elle, elle leur a ouvert les portes de l’Europe entière. On connaît les
réactions de la république tchèque, de la Hongrie, de la Bulgarie et surtout de la Pologne… Ce fut une immense levée de boucliers (Schilderhebung). Ignorant les oppositions, la chancelière a voulu passer outre, avec les résultats que l’on sait.

Le résultat des élections a montré qu’elle avait fait fausse route puisque son parti, qui commence à contester son leadership, enregistre le pire score jamais connu. Et, ce qui est pire, après des semaines de dures négociations avec des partenaires politiques difficiles, elle n’est pas arrivée à constituer un gouvernement que les Allemands attendent.

Et je doute que les appels de l’actuel président F.W. Steinmayer parviennent à convaincre les libéraux ou les Verts à se montrer plus conciliants. Et comme la chancelière fait preuve d’une grande assurance, elle dit préférer un retour aux électeurs à un gouvernement minoritaire qui paralyserait son action.

Il est un autre aspect qui nous force à faire preuve d’une grande attention et à surveiller l’évolution outre-Rhin comme on surveille le lait sur le feu : c’est le rôle joué par l’Allemagne dans l’échiquier européen.

Même si certains Français à courte vue s’en réjouissent, pensant dans leur folie que les Français peuvent profiter de la situation, les plus lucides savent que ni Marcon ni l’économie française ne peuvent jouer un rôle prépondérant (Vorreiterrolle) : nous avons besoin de notre puissant voisin et allié.

Sans lui, nous ne pouvons pas procéder à la refondation dont l’Europe a tant besoin. Or, depuis quelques semaines, la chancelière n’en est plus une, elle expédie les affaires courantes, ne pouvant pas prendre d’initiatives sans l’aval de ses futurs alliés. Une épée de Damoclès plane au-dessus de sa tête…

Mais revenons sur les pommes de discorde qui ont provoqué l’insuccès d’Angela Merkel, laquelle joue gros ; car, quoiqu’elle en dise, par sa faute, une petite centaine de députés de l’AFD ont désormais leur place au Bundestag, ce qui est un novum depuis plus de soixante-dix ans ; et s’il devait y avoir de nouvelles élections, je parie deuxcacahuètes  que ce parti renforcera ses positions. Donc, Angela Merkel se trouve dans une passe difficile qui risque de mal se terminer pour elle.

Je n’hésite pas à dire que ce serait dommage bien que la vague dite dégagiste (on jette par dessus les anciens dirigeants et on en installe des nouveaux) ne puisse pas épargner l’Allemagne. Aucun pays européen n’est immunisé contre cette démangeaison. Rappelons nous ce que disait le défunt chancelier Helmut Kohl, le père de l’unité allemande, lorsqu’il insista pour se représenter de nouveau devant les électeurs.

Je ne me laisserai pas enterrer vivant… Cela se comprend mais ce fut comme pour l’écrivain qui écrit le livre de trop ou le boxeur qui fait le match de trop…L’être humain, disait Socrate, suit toujours le daimon qui vit en lui. Il est rare qu’un homme ou qu’une femme qui est au pouvoir, y renonce de soi-même, pensant que tout peut encore marcher comme cela a toujours été le cas. Je n’aurai pas l’inconvenance de comparer la situation présente de l’Allemagne avec qui se passe en Afrique avec un vieillard acariâtre de 93 ans qui refuse de passer la main. Au lieu de partir avec les honneurs, il encourt tout simplement la destitution, couronnant ainsi près de 37 ans de règne sans partage au cours
desquels il a ruiné son pays.

Ce n’est pas le cas d’Angela Merkel. Et les semaines qui viennent seront décisives. Même si un gouvernement minoritaire est constitué et bénéficiait de l’abstention des sociaux démocrates, la crise pourrait survenir à tout moment. Et l’Allemagne entretuerait dans une
instabilité de mauvais aloi. IL vaut mieux trancher, même si cela comporte d’indéniables risques.

Maurice-Ruben Hayoun

P.S : Les propos de l’auteur n’engagent que lui et la rédaction de JForum se réserve le droit à un avis différent. 

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)

Nous vous informons que le professeur Maurice-Ruben Hayoun, dont les chroniques sur JFORUM font notre plaisir, va tenir prochainement un cycle de conférences à la Mairie du 16ème arrondissement de Paris, sur le thème « L’Europe, plus une culture qu’un continent – Aux racines de la culture européenne.

Ce nouveau cycle de conférences se penche sur l’humus spirituel et les valeurs premières qui gisent au fondement de ce continent.

Mais l’Europe n’est pas seulement un continent, c’est aussi et surtout une culture, axée autour de courants spirituels et d’écoles philosophiques, qui passent à juste titre pour sa constitution théologico-politique ou éthique.

Les réflexions qui seront exposées dans la salle des mariages de la Mairie du 16ème arrondissement couvrent la critique biblique, la littérature éthique, la philosophie médiévale sous son triple aspect, gréco-arabe, chrétienne et juive au miroir des pères spirituels de l’Europe : Thomas d’Aquin, Maimonide, Averroès et Maître Eckhart.

Le programme est le suivant :

Jeudi 19 octobre – 19h : Religion et philosophie selon le Traité décisif d’Averroès

Jeudi 23 novembre – 19h : L’allégorie philosophique d’Ibn Tufayl, Vivant fils de l’éveillé (Hayy ibn Yaqzan)

Jeudi 14 décembre – 19h : Qui était Maître Eckhard?

ENTREE LIBRE – Dans les salons de la Mairie

Mairie du 16e Arrondissement : 71, avenue Henri Martin

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DANY83270

Je trouve indécentes les louanges décernées sur ce site à Angela MERKEL de la part de Juifs pourtant instruits mais qui semblent avoir occulté le fait que cette femme a fait entrer en Europe des millions de migrants musulmans ennemis déclarés des Juifs et qu’elle a négocié en sous-main avec le Maître chanteur ERDOGAN pour lui faire obtenir plusieurs milliards d’Euros sous le prétexte qu’il retient 3 ou 4 millions de migrants musulmans qu’il garde en réserve dans des camps; cette femme est l’héritière de Adolphe HITLER en perpétuant la vieille alliance entre l’Allemagne et la Turquie qui se retrouve encore aujourd’hui du côté de l’Allemagne comme au temps des nazis ; pourtant MERKEL sait très bien que ERDOGAN rêve de reconstituer « l’Empire ottoman » et qu’il continue de nos jours à manifester son antisémitisme vis à vis des Juifs et d’Israël; cette femme est dangereuse et s’accroche au pouvoir uniquement dans le but de convertir l’Europe à l’islam pour prendre une revanche sur la défaite de l’Allemagne et son allié Turc à la guerre de 1939-1945.

Jg

Cela ne m inquiete pas . Les problemes iront en s accentuant dans cette vielle europe tueur de Juifs , et qui continue de soutenirs les tueurs de Juifs .
Mon inquietude , est le devenir des Juifs qui s incrustent encore ! Et qui ne voient rien venir , aveugles par les informations diffusees a la television .

yacotito

Il faut qu’Angela Merkel passe la main: elle a coulé l’europe en ouvrant la porte à l’immigration. C’est une femme de valeur et de sens moral, mais elle a quand même trahi son peuple qui va devoir se battre pour sa survie.
Une telle erreur impose une demission.