A photograph of Mireille Knoll and flowers are placed on the fence surrounding her building in Paris on March 28, 2018, in memory of the 85-year-old Jewish woman murdered in her home in what police believe was an anti-Semitic attack. The partly burned body of Mireille Knoll, who escaped the mass deportation of Jews from Paris during World War II, was found in her small apartment in the east of the city on March 23, by firefighters called to extinguish a blaze. / AFP PHOTO / FRANCOIS GUILLOT

Les nouveaux courants intellectuels et idéologiques démontrent l’imbrication de l’antisémitisme dans la culture occidentale

Par Manfred Gerstenfeld

Il n’est pas difficile de prouver que l’antisémitisme fait partie intégrante de la culture occidentale. Pour le dire clairement : c’est radicalement différent que de prétendre que tous les Européens seraient antisémites. Pourtant, les hommes politiques et autres dirigeants occidentaux n’admettent presque jamais cette évidente réalité sur la culture de leurs sociétés.

L’un des rares Européens qui a déclaré clairement la vérité est l’archevêque de Canterbury : Justin Welby. En 2016, il a écrit : « L’Antisémitisme est un mal insidieux. Les usages de l’antisémitisme se sont enfouis au fond de la culture européenne et britannique depuis aussi longtemps qu’on puisse s’en souvenir. En Angleterre, au cours de la dernière période médiévale, la communauté juive a dû faire face à une persécution constante : Shylock, le grand méchant du marchand de Venise, était un cliché de cette époque.

A l’époque, où Cromwell avait rouvert l’Angleterre à l’installation des Juifs, dans le cadre du Commonwealth, en 1650, l’antisémitisme avait muté jusque dans le langage courant et la culture. C’est une vérité honteuse qu’au travers de ses enseignements théologiques, l’église, qui aurait pu offrir un antidote, a, de fait composé la propagation de ce virus[1]« .

Les siècles d’incubation de l’antisémitisme au cœur de la culture occidentale se manifestent de bien des manières. L’antisémitisme contemporain ne fait pas que contenir des éléments majeurs d’antisémitisme médiéval, mais aussi de nombreuses formes d’expression bien plus récentes. Une façon parmi tant d’autres de le prouver : dans beaucoup de nouveaux mouvements idéologiques ou de courants intellectuels, tôt ou tard, des expressions d’antisémitisme surgissent à l’avant-scène. Cette haine peut se focaliser sur les Juifs ou sur Israël. Un certain nombre de mentions brèves provenant d’une diversité d’endroits l’illustre.

On peut voir très clairement l’antisémitisme dans le domaine des droits de l’homme. Le Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies est au sommet de la liste des promoteurs du nouveau type d’antisémitisme, en soutenant la haine d’Israël. Beaucoup de ses états-membres sont des dictatures[2]. Hillel Neuer, directeur exécutif de UN Watch, le résume ainsi : « Le Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies, situé à Genève, dispose d’un point permanent d’ordre du jour à l’encontre d’Israël. Israël est le seul pays pris spécifiquement pour cible à chaque rencontre. Pas même un seul des violateurs majeurs des droits de l’homme, comme la Chine, Cuba, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Soudan, la Syire ou le Zimbabwe ne font l’objet d’un tel traitement[3]« .

Le féminisme est un autre mouvement au sien duquel l’antisémitisme se manifeste fréquemment.  Des tendances à la haine d’Israël se développent progressivement au sein de ce mouvement d’égalitarisme pour les femmes. Le professeur émérite américain de psychologie et d’études sur les femmes, Phyllis Chesler, elle-même féministe, a partagé une telle expérience. En 2003, elle a été invitée à s’exprimer devant un auditoire féministe principalement composée d’Afro-Américaines et d’Hispano-Américaines, lors d’une conférence au Collège Barnard. On l’a interrogée pour savoir quel point de vue elle adoptait sur la question des femmes en Palestine. Chesler a répondu que l’Islam est le plus grand pratiquant d’appartheid religieux entre les sexes à travers le monde. Elle a appuyé ses déclarations en mentionnant le port forcé du voile, les mariages arrangés, la polygamie, la violence fondée sur l’honneur ou les crimes d’honneur au sein de la société palestinienne. Chesler a déclaré : une émeute a presque éclaté. On m’a bousculé vers l’extérieur pour ma propre sécurité. Ces féministes n’en avaient rien à faire de la Palestine, mais se préoccupaient de pouvoir diaboliser Israël[4]« .

Autre exemple : l’universitaire et féministe américaine Angela Davis, ancienne Black Panther et communiste, est une incitatrice anti-israélienne extrémiste. Elle fait partie de ceux qui ont comparé le meurtre d’un Noir- Américain par un policier blanc à Ferguson, Missouri, à des actions israéliennes sans aucun lien à Gaza[5].

La tribune de Black Lives Matter (La Vie des Noirs importent aussi), un autre mouvement égalitaire, accuse Israël de génocide[6]. D’autres mouvements égalitaristes se focalisent sur le droit des communautés LGBTQ. Dans ces cercles, les ennemis d’Israël accusent souvent Israël de pinkwashing (Blanchiment pro-cause homosexuelle). Cela signifie que le pays n’accorderait de droits égalitaires à la communauté des gays, que dans le suel et unique but pervers de détourner l’attention quant à sa discrimination envers les Palestiniens[7]. Une énorme publicité a été faite au fait purement discriminatoire attestant que les organisateurs du défilé gay de Chicago en 2017 ont expulsé manu militari des marcheurs portant des drapeaux frappés de l’étoile de David[8].

Les populations adeptes du végétarianisme et du véganisme augmentent en force et en nombre. Leurs éléments de langage idéologiques semblent croître encore plus vite.La comparaison entre la souffrance animale avec la Shoah est un thème récurrent et porteur. Ingrid Newkirk, fondatrice de l’organisation du Peuple pour le traitement Ethique des Animaux (Ethical Treatment of Animals ou PETA) prétendait déjà en 1983, dans des termes  déformant le sens de la Shoah, que les animaux sont identiques aux humains  : « un rat est un cochon qui est un petit garçon » et « Six millions de personnes sont morttes dans les campas de concentration, mais six millions de poulets grillés mourront cette année dans des abattoirs[9]« . Le terme « Holocauste des animaux » est devenu récurrent ces dernièrres années dans le matériel de propagande de PETA. De façon occasionnelle PETA a présenté des excuses pour cet abus de langage[10].

L’ancien directeur de la Ligue contre la Diffamation (ADL), Abe Foxman, l’a analysé en déclarant : « Les efforts faits par PETA pour comparer le meurtre systématique de six millions de Juifs, avec la question des droits des animaux, sont odieux ». L’effort de PETA pour chercher l’approbation de sa campagne sur la « Shoah dans vos assiettes » est scandaleuse, insultante et porte le culot à des sommets inégalés… Le traitement abusif des animaux doit susciter une opposition, mais ne peut et ne doit pas être comparé à la Shoah. L’unicité de la vie humaine est un pilier moral inamovible pour ceux qui ont résisté à la haine des Nazis et de leurs complices, prêts à commettre un génocide et encore aujourd’hui[11]« .

Le mouvement pour le droit des animaux en Europe a réussi à interdire l’abattage rituel casher dans plusieurs pays d’Europe. Les cas les plus récents sont plus complexes, parce qu’ils se focalisent essentiellement sur l’abattage rituel musulman. Dans ce cas, les Juifs souffrent de dommage collatéral. Le mouvement des droits des enfants attaque très souvent la circoncision réalisée pour des motifs non-médicaux[12].

En s’opposant à la menace de génocide par l’emploi de bombes atomiques, une expression commune « Holocauste nucléaire » déjà très répandue doit être évitée. Dans son discours de 2007, le Président américain George W. Bush a déclaré que le programme nucléaire de l’Iran menaçait de mettre  » une région déjà connue pour son instabilité et sa violence,  dans l’ombre d’un holocauste nucléaire[13]« . On peut trouver toute une liste de films sur Internet concernant « l’holocauste nucléaire[14]« , tout autant que des fictions  sur l’holocauste nucléaire sur Wikipédia[15]. Cette comparaison déforme radicalement l’unicité de la Shoah, qui a été précédé par un processus néo-industriel complexe de discrimination, d’extorsion et d’abus physiques contre les Juifs.

Au sein de l’Université, le post-colonialisme est devenu une nouvelle catégorie intellectuelle populaire. A un certain point, les ennemis d’Israël ont commencé à le désigner comme une puissance coloniale. Cette nouvelle expression de stigmatisation de l’Etat Juif a gagné en popularité et les gauchistes y font fréquemment référence, lorsqu’ils parlent d’Israël. On trouve difficilement quelque chose de comparable, entre le comportement d’Israël et les crimes de masse belges, britanniques, français, allemands portugais, commis dans leurs colonies, au cours des siècles[16].

Les puissances occidentales ont envahi et conquis leurs colonies pour faire de l’argent grâce à leur exploitation. Alors que le peuple juif a fait exactement le contraire. Il a investi de l’argent dans la Palestine mandataire et plus tard, en Israël. Ce manque total d’éléments de comparaison n’arrête absolument pas les ennemis d’Israël dans la sphère universitaire.

L’anthropologue Philip Carl Salzman, qui enseigne à l’université McGill de Montréal, le résume ainsi : « le Post-colonialisme n’éclaire pas tant les peuples, les lieux et les époques dont il parle, mais impose plutôt son discours et ses tentatives (de déstabilisation), à travers des argumentaires ad hominem et de pur parti-pris afin de réduire au silence tous les autres[17]« .

Un autre nouveau concept concerne « l’intersectionnalité » [ou recoupement dans un même fourre-tout de toutes les causes objet de « discrimination »]. Ce mouvement tente principalement d’unifier les opprimés et victimes des sociétés contemporaines pour raison d’appartenance ethnique, de genre, sexe et de classe. L’hymne de la gauche au dix-neuvième siècle, était l’Internationale, qui appelait tous les travailleurs à s’unir. L’Intersectionnalité appelle les victimes des minorités à s’unir. Ceci à l’exception notable des Juifs, la minorité victimisée par excellence, au siècle précédent.

Beaucoup de promoteurs des droits de l’homme, de féministes, d’idéologues végan, d’universitaires promouvant la théorie post-coloniale et ainsi de suite, ne sont pas des antisémites. Pourtant le fait que dans toutes ces questions sans liens les unes avec les autres, il puisse y avoir place pour des formes majeures d’antisémitisme, relie ces nouveaux facteurs de haine culturelle aux précédents.

Reliant entre eux tous ces éléments, on retrouve le concept de mal absolu au cœur de la société contemporaine : l’accusation de commettre un génocide ou d’être « comme les Nazis ». C’est encore une autre manifestation extrémiste de la façon dont l’antisémitisme est profondément imbriqué dans la culture occidentale. Environ 150 millions des 400 millions d’adultes parmi les citoyens de l’U.E considèrent que les Israéliens agissent envers les Palestiniens comme les Nazis ou qu’ils ont l’intention de les « exterminer[18]« .

Tout cet usage de sémantique à profusion à été résumé par le linguiste français George-Elia Sarfati. Il a dit que les équivalences utilisées contre Israël  » Sont aussi néfastes parce qu’elles rattachent les quatre caractéristiques négatives fondamentales de l’histoire occidentale en un seul siècle : « le nazisme, le racisme, le colonialisme et l’impérialisme – au seul Etat d’Israël. Elles créent une relation à une mémoire collective et sont facilement mémorisables[19]« .

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

——————————————————————-

[1] www.thejc.com/news/uk-news/archbishop-of-canterbury-justin-welby-antisemitism-jonathan-arkush-response-1.464880

[2] www.un.org/press/en/2018/ga12077.doc.htm

[3]www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/14063?fbclid=IwAR24AuCgM1gjJpoHe1huurSh4XakWjACTI6YrhhuC3kQlylbO4HbCHobHUU

[4] www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/18876 https://phyllis-chesler.com/articles/the-brownshirts-of-our-time

[5] www.adl.org/news/op-ed/lets-not-compare-ferguson-to-palestine

[6] https://mosaicmagazine.com/picks/israel-zionism/2018/06/black-lives-matter-has-an-israel-problem/

[7] www.jpost.com/Israel-News/Ilhan-Omar-Rashida-Tlaib-respond-to-Palestinian-LGBTQ-ban-on-Twitter-599139 https://en-law.tau.ac.il/sites/lawenglish.tau.ac.il/files/media_server/Law/NowheretoRun,%20Michael%20Kagan%20%26%20Anat%20Ben-Dor%20(2008).pdf

[8] www.bbc.com/news/world-us-canada-40407057

[9] James M. Jasper and Dorothy Nelkin, The Animal Rights Crusade (New York: Free Press, 1992).

[10] Ingrid Newkirk, “Apology for a Tasteless Comparison,” IsraelInsider.com, 5 May 2005.

[11] ADL, “Holocaust Imagery and Animal Rights,” Press Release, 2 August 2005.

[12] www.independent.co.uk/life-style/new-york-city-circumcision-america-protest-infant-sons-foreskin-a8500026.html

www.theguardian.com/society/2019/jul/21/foreskin-reclaimers-the-intactivists-fighting-infant-male-circumcision

[13] “N Korea ‘May End’ Nuclear Pact,” BBC News, 22 March 2002

[14] www.syfy.com/syfywire/the-14-most-frightening-films-about-nuclear-holocaust-just-fyi

[15] https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_nuclear_holocaust_fiction

[16] www.ranker.com/list/worst-colonial-european-regimes/melissa-sartore

[17] https://spme.org/spme-research/analysis/philip-carl-salzman-reflections-on-postcolonial-theory-and-the-arab-israel-conflict/4259/

[18] https://library.fes.de/pdf-files/do/07908-20110311.pdf

[19]  www.jcpa.org/phas/phas-17.htm

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

5 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Marcoroz

Cette fois Manfred Gerstenfeld manque singulièrement de rigueur, surtout quand il assimile le rapprochement entre le traitement réservé aux animaux et la Shoah à de l’antisémitisme. Il devrait lire le livre « Un éternel Treblinka » de Charles Patterson.

Marcoroz

« Pour les animaux… c’est un éternel Treblinka. » (The Letter writer »)
« On entendit le cri d’un poulet qu’on égorgeait. Quelque part dans cette verte campagne, quelqu’un massacrait un oiseau. Partout, c’était Treblinka. » (Ennemies)

Sans doute qu’Isaac Bashevis Singer était un nazi !

Marcoroz

On se connaît ?