Imaginez que les dirigeants de l’Union Européenne ne se soient pas réunis depuis trois ans. Imaginez ensuite que celui d’entre eux qui dirige la première puissance du continent décide, à quelques semaines du sommet, de ne pas s’y rendre sur « recommandations de ses médecins ». Imaginez enfin que le dirigeant en question n’ait que 37 ans et qu’il ne semble pas avoir le moindre problème de santé. Qu’en conclurez-vous ? Qu’il se moque du monde ou que l’Union Européenne ne sert à rien ? Probablement les deux. Vous l’aurez compris, ce n’est pas de l’UE mais bien de la Ligue arabe qu’il s’agit ici, laquelle se réunit pour la première fois depuis 2019 à Alger. Parmi les absents de premiers rangs : les dirigeants de facto de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis, Mohammad ben Salmane et Mohammad ben Zayed, mais aussi le roi du Maroc Mohammad VI.

La Ligue arabe n’a bien entendu ni la même histoire ni les mêmes objectifs d’intégration que l’UE. Mais ce sommet organisé à Alger, qui devait remettre l’Algérie sur le devant de scène, est un cruel rappel de la quasi-inutilité de cette organisation qui fête pourtant ses 77 ans.

Depuis sa création, la Ligue arabe a surtout servi à mettre en relief la désunion de ses membres. Il y a eu l’opposition des monarchies du Golfe au projet Nassérien, les disputes entre Saddam Hussein et le reste des membres après l’invasion du Koweït, et plus récemment le bras de fer entre le Qatar et l’axe saoudien. Depuis 1945, les pays arabes n’ont quasiment réussi à s’entendre sur rien. Leurs disputes ont quasiment toujours pris le pas sur leur hostilité plus ou moins commune vis-à-vis d’autres acteurs à l’instar d’Israël, de la Turquie et de l’Iran. Le summum de cette défiance est résumé par l’attitude de Kadhafi en 1987. Le dirigeant libyen s’est rendu au sommet vêtu d’un gant blanc pour ne pas avoir à toucher les mains « pleines de sang » de ses homologues. Ambiance.

Il n’y a qu’un seul sujet sur lequel la ligue arabe montrait par le passé une unité de façade : la question palestinienne. Chacun avait bien sûr ses propres calculs, qui importaient davantage que le sort des Palestiniens, mais tous y allaient de la même surenchère afin de montrer qu’ils n’étaient prêts à rien céder à l’ennemi commun. Mais dans un monde arabe en lambeaux, où plusieurs pays ont déjà normalisé leurs relations avec Israël, cette question a quasiment disparu des radars. Ce qui, compte tenu de l’efficacité de la Ligue, n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour les Palestiniens.

Le flop de l’Algérie au sommet de la Ligue arabe

Plusieurs dirigeants arabes sont absents du 31e sommet de la Ligue arabe qui se tient les 1er et 2 novembre à Alger.

« 1er novembre 1954-1er novembre 2022, rendez-vous avec l’histoire » titre le quotidien Le Soir d’Algérie. Le gouvernement algérien a choisi de faire coïncider la célébration du 68e anniversaire du début de la guerre d’indépendance (guerre de Libération pour les Algériens) et l’ouverture du 31e sommet de la Ligue arabe qui se tient les 1er et 2 novembre dans la capitale algérienne, comme pour mieux signifier son ambition de revenir au premier plan de la scène diplomatique.

Patatras. Jusqu’à l’avant-veille de l’ouverture du sommet, Alger comptait accueillir le roi Mohammed VI. Le souverain marocain a fait machine arrière dans la dernière ligne droite. C’eut été un joli coup pour l’Algérie de renouer les liens avec son frère ennemi après avoir rompu ses relations avec Rabat en août 2021.

De grands absents au Sommet

Ce 31e sommet placé sous le signe de « l’unification des rangs arabes » accueille entre autres le président égyptien, l’émir du Qatar ou encore le secrétaire général de l’ONU, en invité d’honneur. Mais il compte de grands absents, notamment les dirigeants de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a tempéré le camouflet, qualifiant le taux de participation au Sommet d’Alger de « respectable et très important », et soulignant le « niveau élevé de pertinence » de l’ordre du jour, rapporte l’agence officielle de presse APS.

Qu’il est loin le temps où l’Algérie régnait en tête du monde des non-alignés et s’imposait sur la scène internationale. Le président Abdelmadjid Tebboune peine à renouer avec cette grandeur passée, après la si longue éclipse de l’Algérie depuis l’AVC qui avait lourdement handicapé le président Abdelaziz Bouteflika en 2013. Le pays a, entre autres, beaucoup perdu en poids et en aura dans le soutien à l’autodétermination du Sahara occidental, occupé à plus de 80 % par le Maroc.

« Le recul de l’Algérie est considérable. Le Maroc, lui, a tissé sa toile géoéconomique, et religieuse – avec la formation des imams africains –, il s’est imposé sur une partie du continent africain jusqu’à son grand retour au sein de l’Union africaine, au nez et à la barbe de l’Algérie », relève un observateur.

Les sujets de désunion

Sur la scène arabe, certains membres influents de la Ligue n’ont pas hésité à barrer la route à l’Algérie. Ainsi, par deux fois, en 2020 et 2022, l’Alger n’a pas obtenu qu’un de ses diplomates soit nommé envoyé spécial de l’ONU en Libye alors que Ramtane Lamamra était pressenti, en 2020 et Sabri Boukadoum, avant l’été dernier.

En guise d’union, ce sommet de la Ligue arabe, qualifié de « sommet de tous les sommets » par le quotidien Echourouk, doit surtout affronter les désunions. L’Algérie qui, en lien avec la Russie, ambitionnait de faire revenir la Syrie dans le giron de la Ligue arabe, a dû y renoncer.

Le rapprochement entre Israël et plusieurs États arabes

Elle se retrouve de plus en plus isolée dans son soutien à la cause palestinienne « qui traverse l’une de ses plus difficiles étapes, une phase marquée par un processus politique à l’arrêt et un occupant qui persiste dans sa politique du fait accompli », déplore Ramtane Lamamra. Or, ce soutien unanime aux Palestiniens qui figurera parmi les principales conclusions du sommet, selon le chef de la diplomatie, risque d’être bien formel.

Car la donne au sein de la Ligue arabe a considérablement changé. Si elle a historiquement inscrit le conflit israélo-palestinien dans ses priorités, plusieurs de ses 22 membres ont finalement noué des liens avec Israël, dans le cadre des accords d’Abraham – orchestrés en 2020 par les États-Unis de Donald Trump –, à savoir les Émirats arabes unis, le Maroc, Bahreïn et le Soudan. Un rapprochement est également à l’œuvre avec l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe qui semble ainsi abandonner son exigence préalable de la reconnaissance d’un État palestinien.

L’Algérie est isolée, en quête de reconnaissance, et ne sait plus quoi faire pour exister un peu. Elle n’a plus que la cause palestinienne, totalement démonétisée, pour essayer de se faire valoir, sur le plan international. Cela permet à Mahmoud Abbas d’être traité en guest star. Sur le plan intérieur, elle n’a que de la désespérance à vendre aux Algériens. Par contre, il lui reste encore des ressources et de l’énergie, dans le domaine de l’antisémitisme. Peut-être que ceci explique cela.

JForum.fr – La croix

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires