La guerre de la Russie en Ukraine entre dans sa troisième phase – analyse

Cette troisième phase comprend la mobilisation des troupes russes dans le but de conserver le territoire qu’elle a pris.

La décision de la Russie de mobiliser des centaines de milliers d’hommes marque le début d’une nouvelle phase dans la guerre de Moscou contre l’Ukraine. Cette troisième phase s’est concrétisée lorsque la Russie a décidé d’annexer quatre régions de son voisin assiégé.

La Russie a lancé la première phase en envahissant l’Ukraine le 24 février. Elle a d’abord cherché à conquérir Kiev par une avancée fulgurante sur la capitale, espérant que les dirigeants ukrainiens fuiraient vers Lviv ou quitteraient le pays. Bien que les États occidentaux aient déjà quitté Kyiv, la Russie a échoué dans son avance initiale et a été repoussée.

Moscou entame alors la deuxième phase de la guerre : une offensive brutale à l’Est. Cette offensive a culminé lorsque les forces russes ont pris certaines villes et villages, dont la ville de Severodonetsk, dans l’est de l’Ukraine, en juin. Mais cette offensive a également stagné et la Russie a rapidement été confrontée à une contre-offensive ukrainienne dans le sud et l’est. Perdant du terrain, Moscou se lance alors dans cette dernière phase de la guerre.

Cette troisième phase comprend la mobilisation de troupes dans le but de conserver le territoire qu’elle a pris. Le président russe Vladimir Poutine s’éloigne de la reconnaissance des zones séparatistes de Louhansk et de Donetsk en tant que pays indépendants et les annexe à la place. Il annexe également Zaporizhzhia et Kherson au sud.

La troisième phase de la guerre de la Russie

La Russie a utilisé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher la condamnation de ses actions. Bien que ses actions soient une violation flagrante du droit international, Moscou ira de l’avant.

Aujourd’hui, la Russie a jeté un nouveau gant en prenant le contrôle d’une partie du sud et de l’est de l’Ukraine. D’une part, cela signifie que la Russie peut prétendre que toute contre-offensive ukrainienne est désormais une invasion de la « Russie » parce qu’elle a annexé ces zones. D’autre part, il est plus difficile pour l’Ukraine de rejoindre l’OTAN et d’autres organisations car elle est en guerre et la Russie conteste une partie du pays.

L’objectif de la Russie est alors de créer une guerre sans fin dans laquelle l’Ukraine est encore plus loin de reprendre Donetsk et Lougansk, sans parler de la Crimée, que la Russie a annexée en 2014.

Maintenant, Moscou montre les lignes de ses revendications éventuelles. La Russie n’a jamais tenté quelque chose d’aussi ambitieux. C’est différent de la Crimée ou même du conflit de la Russie avec la Géorgie en 2008. Dans le passé, la Russie a créé de petites et fausses zones indépendantes à reconnaître, mais maintenant elle montre qu’elle est prête à prendre le contrôle du territoire puis à l’annexer.

Cela rendra plus difficile pour la Russie la médiation des conflits dans le monde, car elle ne peut plus prétendre adhérer au droit international.

Le plan du « nouvel ordre mondial » de la Russie

Le discours de Poutine montre clairement que la Russie veut accélérer la création d’un nouvel ordre mondial, un ordre totalement libre de toute relation avec l’Occident. A l’ONU, la Chine, l’Inde et le Brésil se sont abstenus de voter, et la Russie a tenu à éloigner ces pays de l’Occident. Ce sont les zones méridionales non occidentales ou mondiales que la Russie veut de son côté équilibrer contre les États-Unis dans ce qu’elle espère être un ordre mondial post-américain, un ordre où l’hégémonie américaine et un monde unipolaire dirigé par les États-Unis ne sont plus possibles.

La Russie a travaillé avec d’autres groupements internationaux, comme l’ Organisation de coopération de Shanghai, pour construire un ordre mondial anti-occidental. Aujourd’hui, Moscou jette le gant, espérant qu’il s’agit d’un nouveau changement dans l’ordre mondial.

Moscou est également accusée d’attaquer les gazoducs Nord Stream , ce qui signifie qu’elle coupe définitivement l’Europe de sa dépendance au gaz russe. Cela renverse deux décennies de politique russe. Essentiellement, tout ce que nous voyons dans la guerre représente une toute nouvelle phase mondiale de pouvoir et de politique.

Poutine a martelé cette nouvelle phase dans un discours vendredi. De nombreux commentateurs ont qualifié le discours de décousu et de diatribe, mais Poutine esquissait clairement sa vision de l’avenir du monde. Il a condamné l’Occident pour une variété de torts historiques, en commençant par l’ère coloniale et en continuant avec le traitement de l’Inde par le Royaume-Uni et le bombardement allié de Dresde pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il a également attaqué les valeurs progressistes occidentales et a fait un pas vers l’extrême droite occidentale en affirmant que la Russie menait la défense de la famille et des enfants. Poutine a déclaré que la Russie était prête à négocier sur l’Ukraine, bien qu’il espère clairement laisser derrière lui une sorte d’État croupion, ou la moitié de l’Ukraine en échange de Kyiv, tandis que la Russie gère quatre sections du pays plus la Crimée et continue de menacer le reste.

Les actions sans précédent de la Russie entraîneront une réaction égale en Occident. Le soutien américain à l’Ukraine augmentera. L’attaque contre les pipelines Nord Stream signifiera que l’Occident sera désormais en alerte pour plus de sabotage énergétique. Cela pourrait avoir des ramifications majeures pour la Méditerranée orientale et aussi l’Europe de l’Est.

La décision de Poutine de passer à la phase trois est importante en raison de ce changement mondial. Il a réfléchi et joué. Moscou continue de faire allusion à l’utilisation d’armes nucléaires. Si cela se produisait, ce serait la phase quatre de la guerre, représentant la décision de la Russie d’abandonner toutes les normes mondiales depuis la Seconde Guerre mondiale. Un tel scénario serait un pari : que le Sud global et la Chine ne se rangeraient toujours pas du côté de l’Occident face à la menace nucléaire.

Cela mettrait l’Occident dans une position délicate car Poutine oblige tout le monde à choisir son camp. Jusqu’à présent, une grande partie du monde n’a pas choisi de camp. Ceci est différent des discours de George W. Bush après le 11 septembre, dans lesquels il a rallié le monde pour travailler avec les États-Unis, en disant : « Chaque nation, dans chaque région, a maintenant une décision à prendre. Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. Aujourd’hui, cependant, la Russie parie que les États-Unis ne peuvent pas rallier de nombreux pays à ses côtés.

En 1990, George HW Bush avait prononcé un discours faisant référence à un « nouvel ordre mondial ». « Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment unique et extraordinaire », a-t-il déclaré. « La crise du golfe Persique, aussi grave soit-elle, offre également une occasion rare d’avancer vers une période historique de coopération.

« De ces temps troublés, notre cinquième objectif – un nouvel ordre mondial – peut émerger : une nouvelle ère – plus libre de la menace de la terreur, plus forte dans la poursuite de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère dans laquelle les nations du monde, Est et Ouest, Nord et Sud, pourront prospérer et vivre en harmonie.

Bush a également fait référence au nouveau monde et à ses discussions avec le dirigeant soviétique de l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, sur ces questions. « Un monde où l’état de droit supplante l’état de la jungle », a-t-il déclaré. « Un monde dans lequel les nations reconnaissent la responsabilité partagée de la liberté et de la justice. Un monde où les forts respectent les droits des faibles… L’épreuve à laquelle nous sommes confrontés est grande, tout comme les enjeux. C’est le premier assaut sur le nouveau monde que nous recherchons, le premier test de notre courage.

En comparant ces discours à ceux de Poutine, il est clair que la Russie veut inverser le cours des dernières décennies. À cet égard, les décisions de Moscou en Ukraine constituent un défi au monde et à son ordre établi.

Source : jpost.com