La France a-t-elle pris du conscience du danger qui la guette depuis des années et dont elle a trop souvent nié l’existence ?

A-t-elle pris la mesure des changements profonds qu’elle devra accomplir dans son état d’esprit, dans sa vie quotidienne, et dans sa volonté politique pour vaincre le fléau qui la menace?

Rien n’est moins sûr et les premiers signes au lendemain d’une mobilisation sans précédent et d’un grand happening national ne sont pas encourageants.

Il faut espérer que nous ne sommes pas en train de revivre les heures tragiques de l’après Munich, lorsqu’en 1938 une foule en délire pensait avoir sauver la paix alors qu’elle se condamnait à une guerre en situation d’infériorité. Aucune guerre n’a jamais été gagnée par une manifestation, aussi importante soit-elle; ce qui ne signifie pas qu’il faut se priver de cet outil de démonstration. Cependant, l’important ce n’est pas l’esprit bon enfant, la convivialité, l’âge des participants, l’originalité des pancartes ou le nombre de célébrités reconnues, mais de s’entendre sur la nature de cette guerre, sur son sens , sur les valeurs communes qu’elle entend porter, et sur l’ordre qu’elle entend rétablir.

Or on assiste, comme souvent dans la société française, à un déplacement à la fois sémantique et psychologique des questions et des problèmes. Comment peut-on croire un instant que les événements tragiques de la semaine dernière ont un rapport quelconque avec la laïcité ?

Car de deux choses l’une, ou bien on dit laïcité pour ne pas dire islamisme intégral ( et alors il faut se demander pourquoi ?), ou bien on ne comprend pas le terme de laïcité, qui, par définition, si j’ai bien relu mon dictionnaire grec provient de l’adjectif laïkos, dont l’origine est le mot laos et induit l’existence d’un peuple sacré.

Réduire le conflit moral et politique avec le salafisme ou le djihadisme à un débat entre l’esprit de Voltaire, la tolérance ou les idéaux de la Révolution avec le Coran est une vision intellectuellement bien pauvre de ce qu’est la France, surtout si l’on se souvient de l’antisémitisme virulent de l’auteur de Candide, du génocide vendéen ou de l’application de la guillotine par la Terreur révolutionnaire.

On peut ne pas aimer le Premier ministre israélien, blessé lui-même dans la libération d’otages dans l’avion de la Sabena en 1972 et dont le frère a été tué lors de l’opération d’Entebbé, mais ses propos, que certains ont trouvé mal polis, sur la possibilité de retour des Juifs, auront au moins servi à faire dire aux politiques français ce que nous n’avions pas entendu auparavant aussi fortement. La France sans le peuple d’Israël n’est pas la France, non pas les Juifs en tant qu’individus mais les Juifs en tant que peuple, car on le sait le mot de religion n’existe pas en hébreu et le judaïsme se définit non pas par une foi mais par une alliance et la reconnaissance d’une loi. Donner une place au peuple juif en France, ce n’est pas seulement accorder aux Juifs des droits de citoyens, mais comprendre leur apport spirituel, culturel, politique à l’histoire de la nation.

Il ne s’agit pas de bénéficier d’un abri pour établir un « vivre-ensemble » dans lequel les Juifs meurent seuls, mais de bâtir l’arche vivante d’une demeure dont Paris et Jérusalem seront à l’avenir les piliers.

Michaël Bar-Zvi

Chronique du 15 janvier 2015

Kaf daleth Betevet 5775

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