La Découverte d’un vaste champ gazier par Eni au large de l’Egypte offre des opportunités pour Israël.
JERUSALEM — La compagnie gazière italienne ENI a déclaré dimanche avoir découvert un « champ gazier super-géant » au large des côtes égyptiennes. Les commentateurs israéliens sont divisés sur l’impact de cette nouvelle découverte et à quel point elle affectera l’industrie. Certains la perçoivent déjà comme la fin du rêve d’exportation de gaz vers l’Egypte, alors que d’autres croient que cela représente une opportunité pour mieux se focaliser sur le marché intérieur.
Brenda Shaffer
Brenda Shaffer, experte internationale dans les énergies et professeur à l’Université Georgetown à Washington, actuellement en année sabbatique à l’Université de Haïfa, ne perçoit pas cette nouvelle évolution comme négative. Lors d’une récente interview à Site Nikkei,Shaffer qui est aussi chercheuse pour le Centre sur les Energies Globales au Conseil de l’Atlantique de Washington, affirme que la découverte de gaz égyptien est une opportunité de promouvoir la coopération régionale et la stabilité,qui créera des incitations pour renforcer la croissance dans le secteur du gaz israélien, tout en apportant des bénéfices aux consommateurs locaux.
Q: Quelle a la signification exacte de cette énorme découverte de gaz ?
R : Cette découverte d’un volume géant de gaz au large des côtes égyptiennes est très significative, parce que l’Egypte, au cours de la dernière décennie, est passée du statut d’exportatrice de gaz à celui d’importatrice. Au cours des cinq dernières années, L’Egypte a dû subir de vastes coupures de courant qui ont vraiment affecté la stabilité politique du pays. La chute du régime du Président Hosni Moubarak s’est produite au cours de la période de coupures de courant massives. Son remplaçant, le régime Morsi est aussi tombé pendant une période de vastes coupures de courant. L’un des principaux centres d’intérêt de l’actuel régime du Président Abdel-Fattah al Sissi a été de mettre un terme à ces coupures de courant continuelles. Ce n’est pas chose facile à faire et l’Egypte a véritablement import » du gaz naturel liquéfié à un prix très élevé pour tenter de répondre aux besoins d’électricité. Cela a constitué une entreprise qui a coûté très cher et ce n’rest pas encore suffisant.
Claudio Descalzi, le PDG d’Eni 3ème à paertir de la gauche, et sa délégation, rencontrent le Président Abdel-Fattah el-Sissi, au centre, et une délégation égyptienne, au Caire le 29 août. © MEAN/AP
Cette découverte de gaz est une énorme opportunité pour qu’El-Sissi stabilise le régime. Toute précondition en vue de la prospérité économique, même l’agriculture basique, requiert un afflux constant d’électricité. Il suffit de dire que c’est très difficile d’obtenir une agriculture moderne sans électricité.
En mars de cette année, il y a aussi eu la décision importante de British Petroleum d’investir 12 milliards de $ dans l’exploration en Egypte. En dépit de la tourmente dans la région – le déclin considérable dans les prix du pétrole, ce qui a laissé moins d’argent disponible pour l’investissement des sociétés de forages – malgré tout cela,l’Egypte est demeurée attractive pour l’investissement étranger et l’exploration des matières premières. Je pense que cela peut être attribué, pour une grande part à la géologie naturelle de l’Egypte qui est très forte, mais aussi à ce que le gouvernement a fait pour améliorer les prix offerts aux compagnies et aux conditions visant à les attirer véritablement.
Q: Comment ce gaz sera t-il utilisé et quel serait le calendrier réaliste pour sa mise en disponibilité ?
R : Mon hypothèse est qu’il sera utilisé essentiellement sur le marché intérieur et que si c’est le cas, cela peut survenir rapidement. Ce n’est pas aussi compliqué que ne le requiert l’exportation à l’international. Il est possible, par exemple que ce gaz pourra mis en service sous trois ans sur le marché intérieur, ce qui est considéré comme rapide dans le domaine gazier. A cause de l’urgence de répondre à l’urgence de la pénurie d’électricité, le gouvernement égyptien fera tout ce qui lui est possible et proposera des incitations pour que cela se produise rapidement.
Q: Est-ce que cela représente vraiment la découverte la plus importante en Méditerannée?
R : Les données disponibles sont encore préliminaires, mais si on s’en tient à l’annonce faite par la compagnie, cela résonne comme si c’était le cas. Mais disposer du volume le plus important n’est pas toujours ce qui importe vraiment. Je pense, tout d’abord, que les perspectives d’exportation israélienne vers l’Egypte restaient minimes et même surestimées, aussi je ne pense pas que c’est ce qui empêchera le développement du champ gazier du Léviathan, qui, comme le gaz égyptien, sera probablement mis en disponibilité sur le marché intérieur. Le Léviathan aussi, sur le long terme, sera surtout en service sur le marché intérieur israélien, probablement.
Q: Est-ce qu’Israël et l’Egypte sont concurrents sur les mêmes marchés?
R : Je ne crois pas que ce doit être une source de conflit, parce que, fondamentalement, pour l’Egypte, l’essentiel ira vers le marché intérieur et que la majeure partie de la production du Léviathan ira, de son côté, sur le marché intérieur israélien. Je ne pense pas qu’il y ait là une vraie source de conflit. Si nous étions surtout à la recherche de projets d’exportation avec ce qui reste en dehors des besoins des marchés intérieurs, alors mettre tout cela en commun prendrait un grand sens commercial. Chaque marché intérieur a besoin de gaz, donc je ne vois pas cela comme une compétition ni une source de friction.
Gardons à l’esprit ce qui est en train de se passer en Egypte, juste à présent. Les faits sont que les Egyptiens sont actuellement en train de combattre les mêmes ennemis que les USA, c’est-à-dire Daesh. En même temps, l’Egypte maintient son traité de paix avec Israël. C’est un pays pour lequel l’Administration Obama a suspendu des cargaisons d’armes et il n’y a pas un haut niveau de coopération avec lui dans le domaine sécuritaire.
Cela a laissé le régime el-Sissi partiellement iséolé. Pendant ce temps, la Russie tente de faire son trou et courtise les clients traditionnels des Américains… comme l’Arabie saoudite et l’Egypte pour en profiter et remplir ce vide.
Cette découverte de gaz est extrêmement importante. Je le vois personnellement comme un grand coup de pouce pour la stabilité du régime El Sissi, autant que pour ces compagnies pétrolières occidentales et leurs investissements dans cette région. C’est dans l’intérêt autant de l’Occident que d’Israël.
Je crois aussi qu’au bout du compte, la Jordanie importera du gaz autant d’Egypte que d’Israël. Evidemment il y a toute une logique commerciale à mettre derrière, pour parvenir à des exportations communes, d’Egypte comme d’Israël – travaillant ensemble pour déboucher ensemble sur divers autres marchés d’exportation, mais il y aura un certain nombre d’obstacles tout au long de la route.
Q: Est-ce que ces fournitures de gaz vont aller vers l’Extrême-Orient?
R: Cette découverte pourrait, en effet, être très pertinente pour l’Asie. Il y a deux installations de liquéfaction de gaz naturel en Egypte, dont l’une ne fonctionne absolument pas actuellement, alors que l’autre travaille à 20 ou 40% de ses capacités, selon les périodes. Les marchés asiatiques qui sont éloignés sont accessibles à partir du moment où le gaz est transformé en liquide et peut être transporté par bateau… Une partie de ce nouveau gaz, dans l’avenir, pourrait être mis à disposition de ces installations, donc cela générera plus d’occasions à ces installations de raffinerie de revenir sur les marchés asiatiques. Ces marchés asiatiques sont accessibles et le gaz naturel liquéfié peut alors être transporté par bateau sur de telles distances.
Interviewée par le rédacteur de l’équipe Nikkei : Eli Garshowitz
Adaptation : Marc Brzustowski.
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