Les Kurdes et les rebelles se sont engagés dans une course folle pour contrôler les anciens territoires de Daesh

 Une compétition acharnée a éclaté entre les Kurdes et les rebelles syriens soutenus par la Turquie pour s’emparer des zones de la frontière turco-syrienne contrôlée par Daesh.

Syrian rebels fighting ISIS along the Turkish border. (Facebook/Al-Moutasem Brigade)

ERBIL – Les Kurdes de Syrie (Rojava) se préparent à reprendre la ville de Manjib dans la province d’Alep, un mouvement de troupes qui mettrait une pression supplémentaire sur l’Etat Islamique (Daesh) et sa poche de territoire de 98 kms de long dans le Nord de la Syrie. L’offensive kurde survient à la suite de l’attaque de Daesh dans la capitale belge de Bruxelles, le 22 mars, qui a provoqué la mort d’au moins 32 personnes. « En particulier après  les attentats terroristes, il est devenu crucial de nettoyer cette zone de 98 kms », déclare  Mutlu Çiviroğlu, un spécialiste des Affaires Kurdes, aux journalistes de NOW Lebanon. 

« Ces gens qui ont attaqué Bruxelles ont, très probablement, circulé de Turquie en Syrie en utilisant le couloir de Manbij pour sortir de et entrer en Syrie. Aussi pour la sécurité en Europe, le mieux est de nettoyer le couloir de ManManbij », ajoute t-il.

« Pour se rendre compte à quel point la poche de Manbij est importante, il faut savoir qu’elle représente un point de passage majeur de la frontière, que les djihadistes étrangers peuvent facilement traverser de Turquie vers la Syrie », affirme le Colonel Christopher Garver, porte-parole de la coalition menée par les Etats-Unis, à ARA News.

« Concernant un plan visant à reprendre Manbij, je ne veux pas parler de futures opérations potentielles pour des raisons de sécurité évidentes, mais s’il y a là une poche de Daesh qui constitue un champ de bataille, nous voulons, évidemment, l’attaquer pour éradiquer les djihadistes de là », ajoute le Colonel Garver. »

« La formation des Conseils civil et militaire dans le secteur indiquent deux choses concernant l’offensive de Manbij : qu’elle est imminente et qu’elle fait partie de la stratégie fédérale plus large des forces dominantes kurdes dans le Nord-Est de la Syrie », soulignele Dr Jonathan Spyer, Directeur du Centre Rubin en Israël.

Jeudi dernier, les Kurdes ont mis sur pied un conseil dans la ville de Sarrin et choisi un Arabe st une femme kurde en tant que co-dirigeants. « Aujourd’hui, 43 personnes de Manbij, la plupart étant des leaders sociaux, se réunissent au centre culturel de Sarrin, à 45 kms au sud de Kobané, pour former une assemblée constituante de Manjib », a expliqué Idris Nassan , ancien responsable de la ville kurde de kobané, à NOW.

« Cette assemblée discute de certains points très importants sur la façon d’administrer Manjib après sa libération du contrôle de Daesh. Généralement, ils se mettent d’accord sur une administration non-centralisée pour l’ensemble de la Syrie et une assemblée démocratique et représentative pour Manjib », ajoute Nassan.

Les analystes américains disent que l’administration multi-ethnique proposée pour Manbij provient du modèle adopté par les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), une force kurdo-arabe conjointe qui a été fondée avec les encouragements des Etats-Unis en octobre 2015.

« Le schéma directeur pour la construction d’une structure de gouvernance et der sécurité multi-ethnique, multi-confessionnelle dans le nord de la Syrie est en place autour de groupes, qui sont ensuite devenus les Forces Démocratiques Syriennes, depuis plusieurs années déjà », explique à NOW Nicholas Heras, un chercheur sur les questions moyen-orientales basé à Washington, au Centre pour une Nouvelle Sécurité Américaine.

« Cette forme de pensée d’avant-garde et ce type de stratégie pragmatique visant à encourager le pluralisme dans le Nord de la Syrie ont été adoptés par les Kurdes, qui fait appel aux Etats-Unis et c’est une des raisons pour lesquelles les Etats-Unis ont mis une quantité d’énergie significative dans le soutien au développement des Forces Démocratiques Syriennes et qu’ils continuent d’appuyer comme une partie nécessaire de la campagne anti-Daesh.

Cependant, il est plus que probable que la Turquie va continuer de s’y opposer , puisqu’elle ne veut pas que les Kurdes fassent la jonction entre les administrations kurdes de Kobané et Afrin et qu’elle répète aux Kurdes et aux Etats-Unis que la ligne Jarabulus-Azaz est une ligne rouge’ que les Kurdes ne doivent pas franchir.

« Nous sommes les fils de Manbij et la Turquie n’a aucun droit de s’opposer à notre choix de libérer notre ville », déclare fièrement Sharvan Darwish, un commandant important des Unités de Protection du Peuple Kurde (YPG), rattaché aux FDS. « Un cercle dirigeant conjoint a été élu et des députés qui représentent toutes les composantes, y compris les Circassiens. Pour des raisons sécuritaires, nous n’avons pas annoncé certains noms des participants de ce conseil ».

Lundi, des responsables américains sont arrivés en Turquie pour discuter du besoin urgent de fermer le couloir de Manbij. « La Turquie pose deux conditions préalables à l’opération de Manbij : d’abord la Turquie a demandé que les Etats-Unis encouragent les Forces arabes syriennes, qui font partie des FDS, à travailler avec l’Armée Syrienne Libre soutenue par la Turquie, afin de chasser Daesh du Nord de la Syrie », selon Ragip Soylu, un journaliste turc du Quotidien Sabah, s’exprimant pour NOW.

« Ces forces arabes qui veulent rejoindre les groupes des FSA soutenus par les Turcs doivent passer par un processus de vérification. La Turquie exige aussi une meilleure couverture aérienne pour ces forces de l’ASL dans leurs opérations sur la ligne Manbij-Marea line,” ajoute t-il, en faisant référence à la bande de territoire le long de la frontière syro-turque, où Ankaraavait, précédemment, proposé de mettre sur pied une zone sécurisée visant à empêcher l’expansion des forces kurdes. 

Récemment, les groupes rebelles soutenus et armés par la Turquie ont progressé depuis Azaz et pris possession du poste-frontière traversant à Al-Raï.

« Il y a certains mouvements dans le nord de la Province d’Alep contrôlée par la Turquie. Ils lancent des attaques contre Daesh. Il s’agit de donner l’illusion juste pour empêcher les Etats-Unis de faire avancer leurs groupes supplétifs au sol », ajoute  Çiviroğlu, le responsable des affaires kurdes. « Dès que la zone sera débarrassée de Daesh, la Turquie pense qu’il n’y aura aucune raison pour que les Etats-Unis poursuivent une opération qui donnerait un levier d’action aux YPG », pense t-il. 

Par conséquent, tout se passe comme s’il y avait une course folle engagée entre les rebelles kurdes soutenus par les Etats-Unis et les rebelles syriens appuyés par la Turquie, afin de s’emparer du terrain abandonné par Daesh au Nord de la Syrie. Les responsables américains font pression sur la Turquie depuis plus de deux ans pour qu’elle boucle ce couloir.

Si cette opération des rebelles équipés par la Turquie n’a pas lieu, cela permettra aux YPG de relier Afrin et de mettre fin à l’embargo militaire et économique qui dure depuis deux ans, dans ce secteur », explique Çiviroğlu. 

Selon Çiviroğlu,, le Président turc Recep Tayyip Erdogan n’est pas parvenu à convaincre l’administration américaine de mettre fin à leur soutien aux YPG. « Erdogan n’a évidemment pas pu persuader les Américains d’annuler l’opération sur Manbij, parce que les Etats-Unis font mouvement vers cette zone », ajoute t-il. 

Cependant, les Etats-Unis soutiendront aussi les rebelles pro-turcs dans leur avancée vers Jarabulus, alors qu’on apprend que des reblles dans cette zone reçoivent de l’armement de la part des Etats-Unis.

« La Turquie veut fonder une zone de sécurité allant d’Azaz à Jarabulus, que, je pense, l’Allemagne et l’Europe soutiendront, tant que le peuple syrien restera dans cette zone », selon Çiviroğlu.

L’Allemagne a récemment changé sa position sur le plan de zone de sécurité turque, craignant qu’une vague massive de réfugiés ne fasse mouvement sur l’Europe. Les responsables turcs instrumentalisent la crise des réfugiés syriens pour gagner en influence sur les pays européens, alors que les Etats-Unis ont tourné le dos à la Turquie concernant sa politique syrienne.

Les responsables américains espèrent à présent que la compétition entre les rebelles turcs et kurdes va finalement conduire à la fermeture de la frontière turque, que les djihadistes de Daesh exploitent depuis des années pour aller et venir de et en Syrie.

WLADIMIR VAN WILGENBURG

Publié le : 8/04/2016 01:53 PM

now.mmedia.me

Adaptation : Marc Brzustowski

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