Y a-t-il trop de juifs en France ? Avez-vous déjà rencontré des problèmes avec des personnes d’origine maghrébine ? C’est une enquête détonnante que publie le JDDce dimanche. Une enquête qui fait sauter des digues, pour certains. Pour d’autres, une enquête inutile, en tout cas provocante. Durant 18 mois, l’Ipsos a enquêté sur le « vivre ensemble » en France. Et plus particulièrement sur la façon dont sont perçues les communautés juive et musulmane dans notre pays. L’étude, qui a été commandée par la Fondation du judaïsme français, révèle surtout l’incroyable sentiment de défiance qui traverse notre société.

Les Français hostiles aux musulmans

Une méfiance qui s’exprime souvent par des critiques à l’égard de « l’autre », explique l’étude. Plus d’un sondé sur deux (54 %) estime que l’immigration n’est pas une source d’enrichissement pour la France. Et un tiers d’entre eux (30 %) estiment qu’une « réaction raciste peut se justifier ». Dans le collimateur des Français ? Surtout les musulmans. Moins d’un sondé sur trois estime que les personnes d’origine musulmane ou d’Afrique subsaharienne sont bien intégrées dans le pays. Et 53 % se disent agacés de voir des femmes porter un voile couvrant l’ensemble de leur visage.

À tel point qu’une majorité de sondés (56 %) avoue qu’ils « réagiraient mal » si leur fille « épousait un musulman ». Un chiffre qui tient peut-être ses explications dans les résultats suivants : 29 % estiment avoir rencontré des problèmes avec des personnes d’origine maghrébine et 26 %, avec des personnes de confession musulmane, contre seulement 4 % en ce qui concerne des problèmes avec des juifs.

Préjugés antisémites et inquiétudes croissantes

Les juifs, tel est l’autre grand thème de l’étude. Si « les Français considèrent massivement que les juifs sont bien intégrés », plus d’un sondé sur deux (56 %) estime qu’ils ont « beaucoup de pouvoir », ou qu’ils sont « plus riches que la moyenne des Français ». Pour 41 %, ils sont même « un peu trop présents dans les médias » et 60 % pensent qu’ils ont leur part de responsabilité dans la montée de l’antisémitisme. Résultat : pour plus d’un sondé sur dix (13 %), « il y a un peu trop de juifs en France ».

Un résultat qui monte à 18 % chez les musulmans, pour qui les juifs sont aussi trop présents dans les médias (67 %) et plus riches que la moyenne des Français (66 %). D’ailleurs, pour 29 % d’entre eux, ils ne se sont « pas vraiment des Français comme les autres ». Autant d’assertions qui inquiètent la communauté juive. Selon l’étude, la première de ses préoccupations est bien « l’antisémitisme, le terrorisme et l’intégrisme », « loin devant le chômage ». Ce qui n’était pas le cas avant les attentats, précise le sondage.

En effet, « ces cinq dernières années en France, l’antisémitisme a augmenté », pour 92 % des juifs. D’ailleurs, « les trois quarts considèrent qu’il est difficile d’être juif en France », détaille l’étude. Au point qu’un juif sur trois a déjà envisagé de quitter la France (40 %). Voilà des résultats qui devraient donner des éléments de réponse à Ariel Goldmann, le président de la Fondation du judaïsme français, qui avait expliqué vouloir « comprendre » les tensions actuelles dans la société française.

Des critiques

Mais tout le monde ne comprend ou n’apprécie pas cette étude, et ce, à plus d’un titre. C’est d’abord parce qu’elle catégorise des religions et des types de population qu’elle suscite la polémique. « Honteux », « haineux », « dégueulasse », « atroce »… Les réactions n’ont pas manqué d’inonder les réseaux sociaux ces dernières heures. Certains se questionnaient même quant à la légalité d’un tel sondage. Comme le secrétaire national du Parti de gauche, Alexis Corbière, ou le maire LR de Tourcoing, Gérald Darmanin.

Publié le 31/01/2016 à 20:02 | Le Point.fr