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Joe Dassin: d’Odessa à Paris..

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Joe Dassin, d’Odessa à Paris, le Parcours d’un Cœur fragile.

Par ROBERT BEN DENOUN mis en ligne le 11.12.2020

 

Il s’appelait Joseph Ira Dassin, mais tout le monde l’appelait Joe Dassin. Son grand-père paternel, Samuel, était un émigré russe qui avait quitté très jeune Odessa, persuadé que dans cette Amérique mythique, recomposée par les rumeurs, embellie par des rêves d’exil, « il suffisait de se pencher pour ramasser l’or à pleines mains ».

Odessa est une ville d’Ukraine, sur les bords de la Mer noire,  « Une ville façonnée par les Juifs » écrit Isaac Babel dans ses Contes d’Odessa…une ville chatoyante, parcourue par une sève vive, traversée par des courants religieux et politiques divers, et gagnée parfois par les faux messianismes.

Le juif d’Odessa, l’Odessite, est «connu pour son goût prononcé pour les arts, en particulier la musique…Odessa fut aussi  un vivier d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels juifs comme Bialik, Cholem Aleïkhem, Ahad Ha’am, Shimon Doubnov, Leon Pinsker, Nathan Milstein. »[1]

Le grand-père de Joe Dassin, à 14 ans rompt les amarres et s’envole vers la terre de tous les possibles, ne parlant pas un mot d’anglais. Dans le bureau d’immigration on lui demandera son nom, il indiquera qu’il venait d’Odessa.

Cette affirmation maladroite, tapissée d’un accent slave aux contours abrupts fut mal interprétée par le fonctionnaire. Le nom enregistré fut celui de Dassin. C’est ainsi que naissent souvent les légendes, sur un malentendu. Joseph Dassin est né dans cette Amérique de fulgurances et d’idéalisme, le 5 novembre 1938, à New-York. Il est le fils d’une violoniste classique, Béatrice Launer, dite Béa, qui travaillait avec quelques grands de la musique classique, notamment Pablo Casals.

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« Elle chantait ma mère Elle chantait souvent   Des chansons d’hier  Des chansons d’avant… »[2]

Son père, Jules Dassin, est passionné par le cinéma. Assistant d’Alfred Hitchcock, après une courte carrière d’acteur, il devient réalisateur.

« Qu’il est long, qu’il est loin, ton chemin, papa
C’est vraiment fatiguant d’aller où tu vas
Qu’il est long, qu’il est loin, ton chemin, papa
Tu devrais t’arrêter dans ce coin… »
[3]

Le second prénom de Joseph, Ira, est choisi par sa mère en hommage à Ira Gershwin ( frère du compositeur Georges Gershwin), qu’elle apprécie particulièrement. Il est facile de l’imaginer fredonnant la chanson « The man I love ».

And so all else above

  I’m waiting for the man I love.”[4]

Béa avait 13 ans lorsqu’elle rencontra Jules qui en avait 17. Lui habitait Harlem, et elle, le Bronx, à quelques rues de là. Ils se sont mariés en 1933. Après Joe sont nés Richelle (« Rickie »), sa sœur, en 1940, puis Julie (« la petite ») au cours de l’année 1943.

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Odessa-New-York, le destin d’un Juif, passant d’un exil à un autre est en marche. Joe Dassin dira plus tard : « Dans ma famille, nous sommes polyglottes par force, il a fallu changer tellement de pays. ». 

Jusqu’en 1940, la famille restera à New-York. Puis Jules Dassin, les yeux pris dans les phares du cinéma américain s’installe à Los Angeles. Le destin scintille toujours plus sur Hollywood Boulevard.  Joseph passe son adolescence dans cette atmosphère de conquête, d’amour, d’insouciance. 

Puis tout d’un coup, après la deuxième guerre mondiale, leur monde bascule. Le sénateur Mac Carthy impitoyable dans sa chasse aux sorcières, traque les communistes, les opposants, et suscite les dénonciations.

Jules Dassin, qui commence à être connu n’est pas en odeur de sainteté. Ayant brièvement appartenu au Parti communiste américain (jusqu’à la conclusion du pacte germano-soviétique) il est dénoncé et soumis à la vindicte de la commission des activités anti-américaines. Inscrit sur une « liste noire[5] » il ne pourra plus travailler aux Etats-Unis. Fin 1949, depuis le bastingage d’un bateau, la famille Dassin voit s’éloigner les côtes de ce pays tant aimé. Pour Joe c’est aussi un déchirement.

Ils débarquent à Londres. Jules Dassin tournera « Les forbans de la nuit » (avec Richard Widmark et Gene Tierney). Joe a douze ans. La guerre a laissé des traces et il est urgent de panser les plaies. En 1950, Jules et Béa se sont installés à Paris. Joe, lui, est en Suisse, en pension au célèbre collège du Rosey. Les filles étaient dans un autre collège. L’errance continue et Joe change d’école. Il se retrouve en Italie, en 1953, puis à Genève. A Grenoble, et il passera son bac, en 1954. Il a alors 16 ans et parle trois langues. En 1955, nouvelle rupture, nouvelle fracture, ses parents se séparent. Joe est blessé. Il a envie de retrouver de grands espaces, de mettre l’océan entre lui et sa famille. Il retourne en Amérique.

«Mes amis, je dois m’en aller  Je n’ai plus qu’à jeter mes clés
Car elle m’attend depuis que je suis né l’Amérique
J’abandonne sur mon chemin Tant de choses que j’aimais bien
Cela commence par un peu de chagrin  l’Amérique »
[6] 

C’est là que se trouvent ses racines. Le destin du Juif est dépendant de cette recherche acharnée des origines. Il entre à l’université et se tourne vers l’ethnologie et le russe. Il fait des petits boulots. Il est tour à tour testeur, livreur, camionneur…Son père désormais reconnu a tourné des films prestigieux comme « La loi », « Jamais le dimanche », et « Les enfants du Pirée » avec Anthony Quinn et celle qui partagera désormais sa vie : Mélina Mercouri. Joe soutient une thèse d’ethnologie sur la tribu des Indiens Hopis, et doctorat en poche, sans argent, embarque sur un bateau pour l’Italie dans la soute !

lire la suite   Source

[1] Isabelle Ferri-Nemirovski, « Mémoire(s) et nostalgie des Juifs d’Odessa : un phénomène spécifique ? »

[2] Chanson « Elle chantait ma mère »

[3] Chanson « Le chemin de papa »

[4]  « Surtout et par-dessus tout,

J’attends l’homme que j’aime. »

[5] The black list

[6] Chanson « l’Amérique »

[7] Chanson « l’Amérique »

[8] Chanson « côté banjo côté violon »

[9] Chanson « les plus belles années de ma vie »

[10] Chanson « chanson triste »

[11] Chanson « à la santé d’hier »

[12] La Voix du nord

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