Les attaques au couteau perpétrées par des terroristes palestiniens contre des civils israéliens se multiplient à Jérusalem. Mercredi 14 octobre, une femme de 70 ans a été blessée au cours d’une de ses agressions. La Franco-Israélienne Sarah Blum a failli être la première victime du terroriste. Elle raconte comment, alors qu’elle marchait dans la rue, l’homme a sorti la lame de son couteau tout en fonçant sur elle.

Je suis Franco-Israélienne de confession juive et je vis en Israël depuis 2008. Mercredi 14 octobre, j’ai été la cible d’une attaque terroriste au couteau devant la gare routière de Jérusalem alors que je me rendais à un rendez-vous médical.

Aujourd’hui encore, je tremble quand je fais mes courses au supermarché, mais je refuse de rester cloîtrée chez moi ou de faire mes valises. Si je cède à la terreur, alors le terroriste aura gagné.

Krav Maga pour se défendre et jean-baskets pour courir 

 L’année dernière, j’ai quitté Jérusalem pour m’installer à Jaffa, la partie de Tel-Aviv où cohabitent Juifs et Arabes israéliens. J’évite d’y retourner ces jours-ci, même si j’adore cette ville, le contexte actuel est trop dangereux.

Cependant, je ne veux pas m’empêcher de vivre et c’est pour ça que j’ai décidé, malgré le risque encouru, de me rendre à Jérusalem pour voir mon médecin mercredi dernier en fin d’après-midi, après avoir pris certaines précautions bien sûr.

J’avais bien été à mon cours de Krav Maga (méthode d’autodéfense inventée par l’armée israélienne) la veille et le matin même je m’étais habillée en conséquence : sac-à-dos pour éviter de me faire planter un couteau par derrière et jean-baskets pour courir vite en cas d’attaque.

Ma mère, qui vit en Californie, m’a appelé alors que j’étais en train de monter dans le bus. Je suis restée au téléphone avec elle pendant le trajet. Pour la rassurer, j’ai continué de lui parler à ma descente du bus. Comme elle était très inquiète, je lui ai proposé de rester au téléphone avec moi jusqu’à mon arrivée chez le médecin.

Je me souviens lui avoir dit :

« Ne t’inquiète pas, dans quinze minutes je serai dans la salle d’attente. Il ne va rien m’arriver ».

J’ai hurlé « terroriste » en hébreu

Mon téléphone portable dans la main et mes écouteurs vissés dans les oreilles, j’ai continué à parler avec ma mère.

Après quelques pas, j’ai vu un homme suspect s’avancer vers moi. Sa démarche était très étrange et il semblait nerveux. Il zigzaguait pour mieux observer les passants tout en gardant sa main fermée en un poing contre sa ceinture. Je ne l’ai pas lâché des yeux.

Voyant qu’il s’avançait rapidement, j’ai dévié sur mon côté droit. Il a effectué le même mouvement que moi, en miroir. Je n’ai pas paniqué, j’ai réagi. Heureusement, sinon je serai morte. J’ai bougé une seconde fois, sur ma gauche. Il m’a à nouveau imitée tout en avançant vers moi.

J’ai alors vu qu’il tenait un manche de couteau dans son poing. Quand il a sorti sa lame, il était à 1,50m de moi. J’ai hurlé de toutes mes forces « terroriste », en hébreu, et j’ai sauté au milieu de la route. C’est à ce moment-là que le téléphone a coupé, laissant ma mère dans l’angoisse, seule à l’autre bout du monde.

Je me suis cachée dans un kiosque à loto

J’ai hurlé si fort qu’il en a été perturbé. Derrière lui, deux ou trois gamins israéliens d’une douzaine d’années se sont mis à crier « Terroriste » de concert avec moi tout en le poursuivant pour le chasser.

L’agresseur s’est mis à courir en descendant la rue, vers l’arrêt de bus dont je venais. Pour être sûre qu’il n’allait pas attaquer d’autres personnes par surprise, j’ai continué à courir dans sa direction tout en restant à une distance qui m’aurait permis de réagir. Lui courait sur le trottoir et moi sur la route, toujours en hurlant. Je l’ai perdu de vue au moment où il a poignardé une femme qui montait dans un bus.

J’ai ensuite entendu des premiers tirs et j’ai su que les forces de l’ordre l’avaient cerné. Elles sont intervenues au bout de 10 secondes environ, et l’ont abattu alors qu’il était encore à côté du bus.

Je suis ensuite partie me cacher dans un de ces kiosques en métal orange où les Israéliens ont l’habitude d’acheter leur ticket de loto. Je n’ai pas paniqué, mais j’étais bouleversée et sous le choc. Je suis restée là un moment.

La police et les militaires arrivés sur les lieux pensaient, à tort, que le terroriste avait au moins un complice. Ils ont donc tiré à de nombreuses reprises et ont fermé la gare centrale, dans laquelle s’est alors déroulée une chasse à l’homme. Cette situation a créé d’importants mouvements de foule. Ce chaos a duré un quart d’heure.

« C’est une vieille dame, il l’a poignardée »

Je suis restée dans le kiosque quelques minutes de plus, puis nous avons entendu les sirènes de Zaka, l’organisme israélien reconnu par le gouvernement et chargé de l’identification des victimes de catastrophes, s’ajouter à celles du Magen David Adom (la Croix Rouge israélienne) et de la police nationale. Je suis alors sortie pour faire ma déposition auprès des policiers. Je n’ai pas eu besoin de les chercher, ils étaient partout.

J’étais encore sous le choc, je haletais plus que je ne respirais. Je demandais en boucle aux forces de l’ordre si quelqu’un avait été blessé, si quelqu’un s’était fait poignarder. Comme ils ne répondaient pas à ma question, je ne savais pas à quoi m’attendre.

Après qu’ils aient pris ma déposition et m’aient donné une bouteille d’eau, j’ai entendu une jeune fille en larmes crier : « C’est une vieille dame, il l’a poignardée, en plus elle est très malade ». J’ai compris qu’il y avait au moins une victime. Heureusement, la septuagénaire est sortie de l’hôpital quelques heures après. Sa survie a été un grand soulagement pour moi.

J’aurais pu mourir 

Une fois la crise passée, juste avant de sortir du kiosque, j’ai appelé ma mère pour la rassurer, puis j’ai appelé mon fiancé. Comme je ne voulais pas laisser des proches sans nouvelles, mais que je n’avais pas le temps de passer des coups de fil puisque je devais parler à la police, j’ai posté un message sur ma page Facebook et sur mon Twitter.

Un cousin de Jérusalem est ensuite venu me chercher et j’ai pu reprendre mes esprits chez lui. Je lui en suis très reconnaissante, son aide m’a été précieuse.

Sans surprise, j’ai été incapable de trouver le sommeil cette nuit-là. Je revoyais la scène sans cesse, j’étais encore en état de choc. Le lendemain matin, l’excitation a remplacé l’angoisse. J’ai lu et répondu aux nombreux messages de soutien de mes proches et moins proches. Cela m’a fait énormément de bien. Le lendemain matin, l’euphorie à l’idée d’être en vie a remplacé l’angoisse de la veille.

Deux jours après, je fêtais mon anniversaire. Cela va paraître cliché, mais je n’ai jamais été aussi heureuse de souffler une bougie. Je me suis sentie chanceuse de pouvoir célébrer ma 31e année avec mes proches, sans avoir à souffrir d’une blessure physique. Je ne suis vraiment pas passée loin d’un coup de couteau dans les côtes, d’un organe perforé, de pansements douloureux à changer quotidiennement et même de la mort.

Six jours après, j’ai toujours peur

Aujourd’hui, six jours plus tard, j’ai toujours peur.

J’ai peur un jour sur deux dès que je sors dans la rue. Le moindre bruit me fait sursauter, un homme un peu étrange devient tout de suite un agresseur potentiel. Je suis en alerte permanente, même quand je vais acheter des tomates au supermarché en bas de chez moi. Pour autant, je refuse de rester chez moi, je refuse de laisser triompher les terroristes.

J’ai conscience d’avoir été traumatisée et j’ai choisi d’en parler pour ne pas vivre terrorisée. Je ne veux pas devenir la parano qui sort avec un couteau.

De toute façon, je ne saurai pas m’en servir. Je ne vais pas m’armer non plus, cela risquerait plus de me desservir que de me protéger. Je ne vais pas me racheter une bombe lacrymogène, comme celle que la douane m’a confisquée à Londres non plus. Si cette histoire m’a bien appris quelque chose, c’est qu’il est indispensable de prendre des cours de self-défense pour maîtriser les réflexes qui sauvent en cas de danger imminent.

Je ne serai pas plus en sécurité en France

J’en ai parlé avec d’autres victimes d’attaques terroristes en Israël, des amis à moi. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à avoir échappé au pire. Pourtant, nous restons là. Je n’ai pas prévu de rentrer en France ni de m’exiler aux États-Unis.

Je pense au déménagement lorsque je songe aux enfants que j’aurais bientôt avec mon futur mari. Je ne veux pas qu’ils grandissent dans un pays où la violence peut être quotidienne. Alors parfois, je rêvasse et je me demande où il faudrait que je fonde ma famille. En France ? À quoi bon, les lieux juifs sont tout autant la cible d’attaques terroristes.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, je me sens plus en sécurité en Israël, où les passants et les forces de sécurité réagissent en quelques secondes, qu’en France, où probablement personne n’aurait pris ma défense si j’avais crié.

Je sais que la fuite n’est pas une réponse à l’insécurité, et qu’il faut urgemment enclencher un processus politique et obtenir un accord de paix dans cette région. Mais encore faut-il être deux pour danser le tango.

 

 

Propos recueillis par Barbara Krief.

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