Méditations sur quelques événements récents….
par Maurice-Ruben HAYOUN
Réduit à sa seule dimension religieuse, le conflit israélo-palestinien apparaît insoluble. Or, c’est le pari que vient de réussir, hélas, le mouvement terroriste du Hamas., en faisant croire que la mosquée d’Al-Aksa était menacée
Mais prenons les choses dès le début et voyons comment les événements se sont dégoupillés à l’instar d’une grenade incendiaire.
Il faut bien reconnaître que le gouvernement israélien a été pris au dépourvu, n’a rien vu venir concernant cette grave confrontation armée. On a parlé de la conjonction, imprévisible et imparable à la fois, de certains événements de nature explosive : le jeûne du mois de Ramadan, l’expulsion de familles arabes d’une rue de la vieille ville de Jérusalem, la journée de Jérusalem qui commémore la réunification de la capitale israélienne et l’agitation du Hamas dans son bastion de Gaza…
La langue allemande utilise un terme spécifique pour désigner cette concomitance quasi surnaturelle et contre laquelle il est vain de se battre, Fügung. Ce qui signifie qu’une puissance cosmique, surnaturelle, confie à d’humaines mains le soin de provoquer une cascade d’événements que personne ne peut placer sous contrôle… Je pense à l’interdiction irréfléchie de s’asseoir sur les gradins du Mont du temple / esplanade des mosquées. L’interdiction fut reportée mais le Hamas a saisi la balle au bond, adressent un ultimatum à Israël en sachant très bien que le gouvernement de l’Etat hébreu n’allait pas obtempérer… D’où l’envoi de missiles et de roquettes de tous calibre sur le pays.
Israël s’est laissé surprendre et certains de ses dirigeants l’on reconnu récemment à demi mot. Il a fallu un ou deux jours pour que les Israéliens réalisent que la situation était grave. après cette hésitation initiale, les autorités sont parvenues à une meilleure appréciation de la situation. Mais les services de renseignements ont été pris en défaut eux aussi puisqu’ils n’ont pas découvert que le Hamas se préparait à brûler ses vaisseaux et à allumer deux feux : à la frontière sud, d’une part, et dans les villes où résident des Arabes israéliens, d’autre part . Un tel soulèvement, une telle déflagration ne sont pas le fruit du hasard ni tombés de la dernière pluie. Cette synchronisation a été soigneusement préparée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de l’Etat juif, et, sans le savoir, les autorités sont tombées dans le piège.
Comment expliquer ce qui s’est produit ? Le gouvernement israélien, et surtout son chef Benjamin Netanyahou appliquent une politique qui s’inspire d’une certaine stratégie qui rappelle l’ironie d’un jugement prêté à François Mauriac ou à Jean Genêt, qui disait : j’aime tellement l’Allemagne que je suis content qu’il y en ait deux ; sous entendu la division est un gage d’inefficacité, de paralysie, une manière de neutraliser de nouvelles velléités bellicistes… Pour Netanyahou, remplacez l’Allemagne par les Palestiniens (Gaza et Ramallah) et vous aurez tout compris.
Pour neutraliser les velléités nationalistes des Palestiniens, il suffisait de diviser pour régner. Même quand ils s’en prenaient au Hamas qui attaquait Israël, les autorités réagissaient avec modération et le Hamas comprenait le message, il ne devait pas aller trop loin… En d’autres termes, Israël ne voulait pas chasser le Hamas du pouvoir, par crainte d’un saut dans l’inconnu, de favoriser aussi le Djihad islamique ou de permettre à un camp palestinien réunifié de revendiquer la création d’un Etat.
Mais voilà, la validité de cette stratégie consistant à ménager le Hamas a fait long feu, car mû par une puissance étrangère (l’Iran ?) le Hamas a brûlé ses vaisseaux et s’est rendu compte tardivement qu’il avait fait un mauvais calcul ; il a demandé une cessez-le-feu qu’Israël a refusé, bien décidé à corriger durement son agresseur.
J’ignore à quoi ressemblera la nouvelle stratégie israélienne, mais la liste des objectifs assignés à l’armée de l’air et la rapidité d’exécution de cette décision montrent indiscutablement que Jérusalem veut en finir, ou au moins administrer à son agresseur des coups dont il aura du mal à se remettre…
Mais il est un domaine où le Hamas a marqué des points, c’est l’effilochage (hitporérout) du tissu rapprochant les Arabes israéliens de leurs concitoyens juifs. On peut évoquer un dé-tissage des liens sociaux. Là, on pourrait presque dire que nous assistons à la naissance d’une sorte d’ennemi intérieur, comme ce fut le cas en France dans l’entre-deux-guerres… Cette menace est très grave. A moins que tout ne trompe, ces images vues à la télévision de synagogues incendiées (dans une ville de l’Etat juif, d’Israël !!), ces lynchages de juifs, jeunes ou moins jeunes, se rendant dans un lieu de culte, ces agressions dans tant de villes où réside une minorité arabe, ces émeutes ne seront pas oubliées de sitôt.
Israël qui croyait avoir marginalisé tant de revendications palestiniennes, notamment en renouant avec d’autres pays arabes, se pose aujourd’hui bien des questions. Même au plan de la politique intérieure, la déception est immense : les pourparlers menés ces dernières semaines avec un parti arabe de la Kenését ont été suspendues et l’un des chefs de l’opposition, Naftali Bénéth a dit vouloir reprendre des discussions avec son adversaire d’hier, le likoud : plus personne (Lapide mis à part) ne songe proposer, un tant soit peu, aux élus arabes un soutien sans participation. Ce sont des décennies de cohabitation pacifique qui sont pris en défaut.
Je n’irai pas jusqu’à parler d’un champ de ruines, mais cela y ressemble. Là aussi, j’ai envie de reparler de ce curieux terme allemand de Fügung : il y a tout deux semaines, les jours de Netanyahou à la résidence du Premier ministre semblaient comptés et voici que la table est complétement renversée. Ses adversaires se rendent compte qu’il est incontournable. Aurais je la cruauté de demander comment tel ou tel autre chef de l’opposition aurait géré la crise actuelle ?
Cette crise aurait peut-être le mérite de réhabiliter les vertus de l’union aux yeux de la classe politique qui doit enfin se rendre compte qu’une sorte d’épée de Damoclès est toujours brandie au dessus de sa tête…
Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à l’université de Genève. Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020
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