Israël: des témoins défendent le soldat Azaria à son procès

Le procès du soldat franco-israélien, Elor Azaria, 19 ans, accusé d’homicide involontaire après avoir abattu en mars dernier un terroriste palestinien blessé à Hébron a repris dimanche, après un mois d’interruption, au tribunal militaire israélien, dans le sud de Tel Aviv, dans le quartier de Jaffa.

La première audience a commencé avec le témoignage du lieutenant-colonel Eliyahu Liebman, qui a été chef de la sécurité civile pour les Juifs vivant à Hébron, appelé par la défense, et qui a déclaré devant le tribunal que les accusations portées contre Azaria n’avaient aucune justification, ajoutant que par le passé, des soldats ont tiré pour tuer des terroristes sans être inculpés.

« Dans les incidents terroristes desquels j’ai été témoin, j’ai vu de mes propres yeux que, dans tous les cas où un terroriste a attaqué, les soldats lui ont tiré dans le centre de masse jusqu’à ce qu’il soit neutralisé, et une balle dans la tête pour veiller à ce qu’il ne puisse pas déclencher une ceinture d’explosifs ou poursuivre son attaque. Ces soldats ne sont jamais allés au tribunal « , a-t-il affirmé.

Liebman a contesté l’affirmation selon laquelle le terroriste avait été neutralisé, et ne représentait plus une menace, soulignant que le mot « neutralisé » s’applique seulement à un assaillant tué ou menotté. Ce qui n’était pas le cas de Sharif, a-t-il dit.

HAZEM BADER (AFP)
« Des soldats israéliens couvrent le corps d’un Palestinien tué par un soldat israélien alors qu’il était à terre, le 24 mars 2016, dans le quartier de Tal Rumeda, dans la ville d’Hébron »

Azaria, qui a aussi la nationalité française, est jugé sous l’accusation d’avoir achevé d’une balle dans la tête un terroriste qui avait attaqué des soldats à un checkpoint, alors qu’il gisait à terre, grièvement blessé et ne posant apparemment plus aucun danger.

Abdel Fattah al-Sharif, 21 ans, avait attaqué avec un autre Palestinien, des soldats israéliens au couteau le 24 mars à Hébron dans le sud de la Cisjordanie.

Elor Azaria se défend en disant qu’il craignait qu’Abdel Fattah al-Sharif ne dissimule une ceinture d’explosifs sous ses vêtements. Cependant, aucun explosif n’a été retrouvé sur le corps du Palestinien.

« Le ministre de la Défense a influencé l’opinion »

Liebman est également revenu sur le contexte qui a suivi l’incident, accusant notamment le ministre de la Défense de l’époque Moshe Ya’alon d’avoir influencé l’armée et l’opinion public.

« Quelques jours après l’incident, j’ai reçu un appel téléphonique de l’entourage de Yaron au ministère de la Défense qui m’ont parlé de ce qui était arrivé », a déclaré Liebman.

« A la fin de la conversation (l’homme au téléphone m’a dit) que Ya’alon lui avait dit que même le chef de la sécurité d’Hébron pense que le tir n’était pas justifié. Je lui ai clarifié que c’était un mensonge et que c’était faux. C’est précisément le contraire (…) », s’est-il insurgé.

« Quand un ministre de la Défense parle de cette manière, tout le monde dans l’armée s’aligne automatiquement. Personne n’oserait dire le contraire. Pendant mes 27 ans de service, je ne l’ai jamais vu une société ou un commandant de peloton exprime son désaccord avec le ministre de la Défense, au moment où il affirme clairement sa position dans les médias. Il a créé un sentiment anormal chez les soldats et les commandants », a-t-il ajouté.

JACK GUEZ (AFP)
« L’ex-ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon annonce sa démission lors d’une conférence de presse à Tel-Aviv en Israël le 20 mai 2016 »

Pendant cette période, « il y avait une atmosphère où ils ont essayé de mettre des mots dans ma bouche afin d’avoir une histoire cohérente (…) on sentait qu’on ne pouvait pas dire quoi que ce soit qui diffère de la version qu’ils ont essayé de créer pour les services de sécurité et les médias », a déclaré Liebman

Quatre audiences auront lieu cette semaine, et sept autres sont prévues en septembre. Le procès d’Azaria avait été interrompu pendant plusieurs semaines afin de donner le temps à ses avocats de faire comparaître des témoins. Ils seront finalement 25 à comparaître à la barre au cours des prochaines semaines, selon le site d’information Ynet.

Lors des premières audiences, le soldat s’est défendu en déclarant au tribunal qu’il était jugé « pour satisfaire le monde et les médias ».

Il a également reproché à ses supérieurs d’avoir menti sous serment et de l’avoir enfoncé au lieu d’essayer de le « comprendre ». Ses officiers, qu’il accuse d’avoir menti sous serment, « ne l’ont pas écouté, et l’ont humilié devant tout le monde ».

Le procès d’Azaria, qui s’est ouvert le 9 mai au tribunal militaire, doit déterminer si sa vie était en danger au moment où il a tiré la balle dans la tête d’al-Sharif.

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