« La séparation entre Israéliens et Palestiniens est nécessaire »

100 ans plus tard on s’aperçoit que Vladimir Ze’ev Jabotinsky  avait raison. La vision de Ben Gourion dans laquelle la coexistance était possible semble avoir été contredite par l’histoire. A l’inverse celui que la gauche avait critiqué voire vilipendé pour ses positions se voit aujourd’hui conforté dans ses positions justement par des hauts gradés de gauche. Ironie de l’histoire ces hauts gradés font du Jabotinsky sans le savoir.

La « Muraille d’acier »

En , Jabotinsky publie un texte fondamental dans la structuration de sa pensée : la « Muraille d’acier ». Dans ce texte, Jabotinsky critique la démarche du courant sioniste majoritaire, et entend promouvoir une politique alternative en Palestine.

Le cœur de sa réflexion est la résistance arabe au sionisme, qui pour lui ne pourra que s’amplifier avec la colonisation juive. Il se demande quelle réponse le sionisme doit lui apporter : « Sur le plan émotionnel, j’éprouve à l’égard des Arabes les mêmes sentiments qu’envers les autres peuples : une indifférence polie. Sur un plan politique, […] je considère qu’il est absolument impossible d’expulser de quelque manière que ce soit les Arabes de Palestine, où vivront toujours deux peuples ».

Mais il ne faut pas se faire d’illusion : « les Arabes de Palestine n’accepteront jamais la transformation de la Palestine arabe en un pays à majorité juive. […] Que le lecteur passe en revue tous les exemples de colonisation dans d’autres contrées. Il n’en trouvera pas un seul où elle se soit faite avec l’accord des indigènes ».

Jabotinsky se moque de ceux qui prendraient les Arabes pour des « imbéciles qu’on peut escroquer. […] Ils sont aussi fins psychologues que nous. On peut leur raconter ce qu’on voudra, ils lisent aussi bien dans notre cœur que nous dans le leur ».

Ceux qui croient possible un accord avec les Arabes, croient que ceux-ci donneront leur pays aux Juifs en échange de la promesse de l’égalité et d’une amélioration du niveau de vie. Pour Jabotinsky, c’est ridicule, et ils ont au fond un « mépris fondamental » pour les Arabes. Ils ne voient finalement en eux qu’« une populace avide, disposée à vendre sa patrie pour une ligne de chemin de fer. […] La Palestine n’en demeurerait pas moins aux yeux des Arabes palestiniens le centre et la base de leur existence nationale indépendante8 ».

Le sionisme devra donc s’imposer grâce à une « Muraille d’acier », une armée juive. On retrouve ici le thème de la légion juive, qui est au cœur de l’analyse politique de Jabotinsky : le sionisme devra s’imposer par la force.

Jabotinsky ne rejette pas la coopération avec le Royaume-Uni : il souhaite son aide pour ériger cette « Muraille d’acier ». Il ne rejette pas non plus un accord avec les Arabes. On peut au contraire discuter avec eux « d’une garantie contre l’expulsion, de l’égalité des droits. […] Je crois et j’espère que nous pourrons leur donner ces garanties […] mais la muraille d’acier est le seul moyen d’y parvenir ». Il n’y aura un accord que lorsque le rapport de force sera clairement établi en faveur des sionistes : « autrement dit, le seul moyen d’obtenir un accord dans l’avenir, c’est de totalement renoncer à en obtenir un dans le présent8 ».

Vouloir bâtir un rapport de force sur le terrain n’est pas spécifique à Jabotinsky. Les meneurs sionistes de toute obédience perçoivent l’immigration juive et la Haganah comme les outils de ce rapport de force. La spécificité de Jabotinsky réside dans la brutalité avec laquelle il pose le problème, et dans son insistance sur le volet militaire du rapport de force à créer.

Juin 2023 voilà une tribune qui sort, et qui donne raison à Jabotinsky , 100 ans plus tard …

Quatre anciens chefs militaires ou diplomatiques israéliens estiment que leur pays doit s’engager pour une solution à deux États afin de protéger sa démocratie mais aussi sa sécurité.

Du haut de ses 75 ans, Israël peine encore à définir son caractère et son projet. À l’intérieur du pays, des centaines de milliers de personnes descendent dans la rue chaque semaine depuis plus de quatre mois afin de protester contre le projet du gouvernement de faire passer des « réformes » qui, si elles sont promulguées, feront d’Israël soit-disant  « une démocratie illibérale ». À ses portes, faute de définir quel avenir il envisage avec ses voisins palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, Israël navigue entre des cycles de violence de plus en plus fréquents contre le premier territoire et l’annexion rampante du second.

Ainsi, la seizième opération israélienne dans la bande de Gaza en moins de vingt ans a débuté le 9 mai par des frappes visant des responsables du djihad islamique palestinien, en réponse au tir de plus d’une centaine de roquettes vers Israël la semaine précédente. Nommée « Bouclier et flèche », elle a duré cinq jours, jusqu’à ce que les bons offices de l’Égypte permettent d’obtenir un nouveau cessez-le-feu.

NDLR : Tout le monde a déjà oublié les promesses d’Ariel Sharon qui à l’époque disait  » on se retire de Gaza, mais à la moindre incartade on envahi ce territoire à nouveau » .

Idéologie messianique

Cependant, avec le tir de plus d’un millier de roquettes en direction de localités israéliennes, ce nouveau cycle d’affrontements rappelle également que l’armée israélienne n’est pas en mesure, à elle seule, de résoudre le problème gazaoui et que les problèmes de ce type ne se prêtent pas à des solutions exclusivement militaires.

C’est pourquoi, après avoir consacré une grande partie de notre vie adulte à défendre Israël dans les sphères militaire, diplomatique et du renseignement, nous tirons la sonnette d’alarme pour deux raisons : les attaques portées contre les institutions et les valeurs d’Israël, sous couvert de « réforme judiciaire », menacent notre démocratie, et l’absence de décision quant à notre projet national à l’égard des Palestiniens précipite le glissement vers une « formule » à un État, enlisé à jamais dans un conflit sans issue, une réalité qui menacerait à la fois notre sécurité et notre identité juive.

Cette inquiétude est partagée par l’ensemble des 500 membres du mouvement des Commandants pour la sécurité d’Israël (CIS), tous anciens généraux et hauts responsables de l’armée israélienne, de la police et des services de sécurité intérieure (Shin Beth) et extérieure (Mossad), ou ex-hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères.

Annexion rampante de la Cisjordanie

Nous sommes parvenus à la conclusion que la séparation entre Israéliens et Palestiniens est nécessaire pour assurer la protection de tous. Nous jugeons de surcroît, à la lumière de notre expertise en la matière, que les dispositifs de sécurité nécessaires à notre défense peuvent être négociés et mis en place dans le contexte de la séparation voulue entre les deux peuples. Quatorze millions de personnes vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée : 7 millions de Juifs et 7 millions d’Arabes. Deux scénarios sont dès lors envisageables : la séparation dans le cadre d’une solution définitive à deux États ou un conflit sans fin dans le cadre d’un État unique.

La poursuite de l’annexion de facto de certaines parties de la Cisjordanie conduira inévitablement à l’effondrement de l’Autorité palestinienne, déjà fragile aujourd’hui. Israël se trouvera alors confronté à un choix cornélien : laisser le Hamas, profitant de la vacance du pouvoir, s’emparer des territoires concernés, ou bien réoccuper la totalité de la Cisjordanie afin de l’en empêcher.

Nous ne nous faisons aucune illusion : les conditions de la solution à deux États, que nous appelons de nos vœux, sont loin d’être réunies. Il est néanmoins crucial de préserver la viabilité de cette option, d’abord et avant tout en inversant la tendance en faveur de l’annexion rampante, et en voie d’accélération, de la Cisjordanie. Par ailleurs, il est impératif qu’Israël définisse sa frontière orientale, de préférence dans le cadre de négociations, mais à défaut de manière unilatérale.

Une fois celle-ci définie, tous ceux qui résident à l’intérieur du périmètre relevant de notre souveraineté doivent jouir de la totalité des droits consacrés par notre Déclaration d’indépendance. Au-delà de cette frontière et jusqu’au Jourdain, l’armée israélienne continuera à assurer la sécurité jusqu’à ce que des arrangements répondant aux besoins d’Israël soient négociés et mis en œuvre.

Pas de solution militaire

Soyons clairs : le CIS, dont nous sommes membres, n’est pas un mouvement partisan. Étant cependant au fait des défis rencontrés par notre pays en matière de sécurité et de ses capacités dans ce domaine, nous sommes parvenus à trois conclusions. La première : nous sommes plus forts que tous nos adversaires. La seconde : comme l’a une nouvelle fois démontré l’opération « Bouclier et flèche », il n’existe pas de solution militaire permettant de résoudre notre conflit avec les Palestiniens. La troisième : pour qu’Israël n’ait à renoncer ni à sa sécurité, ni à son caractère juif, ni à sa nature démocratique, nous devons parvenir à un accord qui réponde à nos besoins en matière de défense, mais qui garantisse aussi la souveraineté et la dignité des Palestiniens.

Dans cette perspective, le combat actuel pour la défense de notre démocratie coïncide avec notre mission première, celle de faire advenir la fin de l’occupation. Nous sommes convaincus qu’Israël est suffisamment fort pour prendre les risques nécessaires, que les risques inhérents à l’absence de séparation sont bien plus importants que les risques associés à une solution finale à deux États et que c’est la seule voie qui vaille la peine d’être empruntée pour l’avenir de notre pays. Nous croyons qu’il ne peut y avoir de sécurité sans démocratie et que notre démocratie ne saurait être pérenne tant que nous occuperons un autre peuple contre son gré.

Nous voulons espérer que les amis d’Israël à travers le monde partagent cette analyse, fondée sur notre expertise en matière de sécurité, de la double menace qui pèse sur notre pays. Nous apprécions leur soutien à l’égard de tous ceux qui sont déterminés à défendre notre démocratie et à préparer la voie à un règlement du conflit avec les Palestiniens. Et nous sommes certains que notre vision, celle d’un État d’Israël recherchant inlassablement la paix avec ses voisins et ne renonçant sur son sol ni à sa sécurité, ni à son caractère juif, ni à sa nature démocratique, finira par l’emporter.

(*) Matan Vilnai, général de division (à la retraite), a été chef d’état-major adjoint de Tsahal, vice-ministre de la Défense, membre du cabinet des Premiers ministres Ehud Barak et Benyamin Netanyahou et ambassadeur d’Israël en Chine. Il préside le mouvement des Commandants pour la sécurité d’Israël (CIS). Ami Ayalon, amiral (à la retraite), a été directeur du service de sécurité intérieure israélien (Shin Bet) et commandant de la marine israélienne. Tamir Pardo, général de brigade (à la retraite), a été directeur du service de renseignement extérieur israélien (Mossad). Dr Nimrod Novik a été ambassadeur spécial et conseiller diplomatique du Premier ministre Shimon Peres.

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joseph

Serait il possible, que tous ceux , qui défendent Israel cessent d’appeler , les adversaires d’Israel « palestiniens » et les nomment « arabes de Palestine mandataire. chacun doit rappeler, que les anglais lors de leur mandat appelaient les juifs « palestiniens » et autres habitants « arabes », montrer le drapeau de la Palestine du temps du mandat, rappeler qu’avant la fin des années 70 , on parlait de conflit israélo-arabe. Aujourd’hui , tous ceux , qui défendent israel doivent détricoter le mensonge de la propagande arabe et soviètique.

Merci

Israel doit s’emparer de la judee et Samarie dans sa totalité ça fait partie d’israël et pour sa sécurité, lorsque les palestiniens voudront envahir on aura pas le choix prendre les deux régions , après les population arabes doivent partir, mais ça il faut l’annoncer à l’avance , il ne peut y avoir deux états avec le Hamas comme mouvement de base de terroristes de part et d’autres , il n’y aura jamais de pays avec les palestiniens barbares….

Filouthai

Deux peuples différents peuvent vivre en paix côte à côte… difficilement, mais ils ne peuvent pas vivre ensemble.

Guy Poron

Ces généraux , aussi intelligents soient-ils, sont aveugles et idéalisent un avenir absolument utopique! Les Arabes veulent mettre Israel dehors, un point, c´est tout! Heureusement HaShem veille et poste quelques guerriers courageux, tels Netanyahou, pour achever cette page d´histoire difficile jusqu´au retour du Messie! Am Ysrael Chai!

FRENKEL

Je donne quand même une précision à ces généraux : Il est curieux que vous passiez sous silence les accords d’Oslo conclu avec l’OLP en 1995. La Judée Samarie (Cisjordanie) a été divisée en trois zone, A, B et C. Quand vous parlez d’expansion rampante, il s’agit uniquement de la zone C, qui selon les dits accords sont entièrement sous gouvernance (civile et militaire) israélienne. Il n’a jamais été question de s’emparer des zone A et B qui sont sous gouvernance unique ou mixte (s’agissant de la zone B) de l’autorité palestinienne et où vivent 2 millions d’Arabes, les ex Jordaniens, renommés Palestiniens, et où rappelons-le quand même aucun juif n’a le droit d’habiter. Quant à la solution de deux Etats, Israël ne pourra accepter un État palestinien sous la gouvernance d’un Hamas qui lui tirerait des roquettes depuis la proche Judée. Alors, la seule solution serait que ce soit la Jordanie qui s’empare derechef de la zone A et B de la Judée Samarie (Cisjordanie).

Alain

« l’armée israélienne n’est pas en mesure, à elle seule, de résoudre le problème gazaoui et que les problèmes de ce type ne se prêtent pas à des solutions exclusivement militaires. » Et pourquoi donc ?

Pierre

Encore une fois, il ne s’agit pas d’un simple conflit territorial, il s’agit d’une guerre de religion, et jamais l’islam n’acceptera un État Juif dans un territoire qu’il considère comme terre d’islam.

Schlemihl

En politique, il ne faut jamais dire jamais, mais le programme du Hamas est très clair, et je ne suis pas sur que l’ Autorité palestinienne pense différemment. La solution des deux états me parait la plus raisonnable, mais elle se heurte à un obstacle : les dirigeants palestiniens n’en veulent pas. Et comme la droite israélienne n’en veut pas non plus et que la gauche est découragée ….. la politique consiste à essayer de faire ce qui est le mieux parmi ce qui est possible. La solution de la séparation et des deux états est elle possible ?