ANALYSE | Isaac Herzog, le président qui voit déjà plus loin

Daniel Haïk

Beaucoup voient déjà Isaac Herzog briguer le poste de Premier ministre à la fin de son mandat

Dans quelques jours, Isaac Herzog marquera les six premiers mois de sa présidence de l’Etat d’Israël. Six mois à peine sur un septennat entier, cela peut paraître insuffisant et prématuré pour dresser un premier bilan de son action. Pourtant, il n’est pas exagéré d’affirmer que durant cette courte période, le président Herzog a déjà su donner à la fonction suprême un style novateur qui lui est propre, et qui séduit de plus en plus d’Israéliens.

Fonction de représentation et lot de consolation

Depuis la création de l’Etat d’Israël, la fonction de président et le peu de poids accordé à ce poste ont souvent été au cœur de vifs débats. On raconte ainsi que David Ben Gourion, premier chef de gouvernement israélien, avait œuvré en faveur de l’élection du célèbre chimiste Haïm Weizmann au poste de président, pour une seule raison: neutraliser politiquement celui qui était son principal rival en lui confiant une fonction purement honorifique! Weizmann n’avait pas été dupe: il racontait à qui voulait l’entendre qu’en tant que président, le seul endroit dans lequel on le laissait mettre son nez, c’était… son mouchoir!

Elus par les 120 députés de la Knesset, les premiers présidents de l’Etat, souvent de célèbres intellectuels et scientifiques, se sont effectivement cantonnés à « inaugurer les chrysanthèmes » tout en étant le reflet de la « sagesse juive », placés au-dessus de la mêlée politique.

A partir de 1993, année des accords d’Oslo et de l’entrée d’Israël dans ce que l’on appelait, alors, l’ère de la normalité, le poste de président est devenu une sorte de « lot de consolation » pour hommes politiques frustrés de n’être pas devenus Premiers ministres. Ce fut le cas d’Ezer Weizman puis de Moché Katsav, et même en partie de Shimon Peres. Ce dernier a toutefois su redonner à cette fonction une partie de son prestige en s’imposant, en dépit de son passif politique controversé, comme un président consensuel. Reuven Rivlin aurait voulu ressembler à son prédécesseur, mais ce pur produit de la droite nationaliste « jabotinskienne », que Benyamin Netanyahou méprisait, n’a jamais réussi à faire l’unanimité, s’attirant souvent par ses déclarations « libérales » les critiques des supporters du Likoud.

Bon sang ne saurait mentir

Mais force est de constater qu’Isaac Herzog, qui a succédé à Reuven Rivlin le 7 juillet dernier, imprime un style qui ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs, à l’exception peut-être de son père, Haïm Herzog, qui a occupé la fonction suprême de 1983 à 1993.

Son ascendance familiale est d’ailleurs sans doute l’un des atouts majeurs dont dispose Isaac Herzog pour donner à sa fonction un éclat qu’elle n’a pas eu depuis longtemps. Les Herzog appartiennent en effet à l’aristocratie israélienne: le grand-père de l’actuel président, Isaac Halévy Herzog, a été le premier grand rabbin du pays, et a laissé le souvenir impérissable d’une sommité religieuse dévouée à la renaissance d’Israël au lendemain de la Shoah. Son père, Haïm, ancien officier supérieur de l’armée de Sa majesté durant la guerre, a su concilier pendant son mandat présidentiel le flegme britannique et la « houtzpa » israélienne, pour devenir l’un des présidents les plus appréciés.

Enfin son oncle, Abba Eban, lui a inoculé lorsqu’il était jeune le virus de la diplomatie, un virus que manifeste Isaac Herzog très fréquemment depuis son accession à la présidence. Certains affirment même que son expérience diplomatique vient compenser les carences du tandem Bennett-Lapid en la matière.

Diplomatie aussi discrète qu’efficace

Une chose est sûre: au cours des six derniers mois, le président Herzog a multiplié les contacts efficaces, en étroite concertation avec les deux « Premiers ministres ». Il a rouvert un canal direct de dialogue avec le président turc Erdogan, qui a favorisé la libération le mois dernier des époux Oknin, injustement emprisonnés à Istanbul. En septembre, il a secrètement rencontré à Amman le roi Abdallah, peu après la venue toute aussi discrète du Premier ministre Bennett. Il s’est aussi entretenu au téléphone avec le président chinois Xi Jinping, et a permis de désamorcer des tensions entre Beijing et Jérusalem à la suite des pressions accentuées de l’administration Biden. Bref, de l’avis de hauts diplomates israéliens, l’activité diplomatique du président Herzog, y compris dans le dossier des accords d’Abraham, est souvent très efficace et bénéfique à l’Etat d’Israël.

Autre atout diplomatique: le président Herzog est discret. Contrairement à Naftali Bennett et Yaïr Lapid, il évite soigneusement de récupérer le crédit de telle ou telle rencontre, et œuvre en silence pour le bien d’Israël dans de multiples dossiers, en particulier celui du nucléaire iranien, comme il l’a prouvé lors de la présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur américain à Jérusalem, Thomas Nides.

Seul bémol: Isaac Herzog évite de s’impliquer dans les relations avec les Etats-Unis, et ce pour une double raison: d’abord parce que Bennett et Lapid sont profondément engagés dans celles-ci, et ensuite parce que le nouvel ambassadeur d’Israël à Washington n’est autre que son propre frère, Mike Herzog… Cependant, les relations solides qu’il a nouées avec les différents courants du judaïsme américain lorsqu’il était président de l’Agence Juive, contribuent à apaiser les tensions accumulées par le précédent gouvernement, comme on l’a vu dans la tentative présidentielle de trouver un compromis autour des offices pluralistes sur l’esplanade du Mur occidental.

Le président de tous

Sur le plan intérieur, on perçoit justement nettement qu’Herzog aspire à être le président de tous les Israéliens. Son élection, le 2 juin dernier, avec le soutien de 87 députés sur 120 – un record – est un excellent point de départ. Mais le chef d’Etat ne s’en contente pas. Sa décision d’aller allumer la première bougie de Hanoucca dans le caveau des Patriarches à Hébron, tout comme sa présence lors de l’inauguration de la convention du journal Haaretz, ou la nomination du communiste Dov Hanine dans une commission sur l’environnement, prouvent que le 11ème président veut dialoguer avec tous les courants idéologiques en Israël, en rapprochant et sans fâcher. Enfin, alors que Naftali Bennett évite de briefer le chef de l’opposition sur les développements sécuritaires majeurs, Herzog peut servir de courroie de transmission, tant il conserve de bonnes relations avec Netanyahou depuis qu’il a été ministre du Travail au sein de son gouvernement.

Si l’on ajoute aux bons points de cette présidence une excellente couverture médiatique, de multiples contacts avec la société civile et une Première dame, Michal, qui remplit parfaitement son rôle, on comprend pourquoi Isaac Herzog s’impose comme la véritable bonne surprise de ces six derniers mois, loin devant Bennett et Lapid.

A tel point que certains observateurs brûlent les étapes, et osent d’ores et déjà, affirmer que ce « sans faute » place le président, qui n’a que 61 ans, en pole position pour briguer à la fin de son mandat, le poste qu’il n’a jamais occupé mais dont il rêve vraiment: celui de Premier ministre.

 i24NEWS
Photo by Yonatan Sindel/Flash90 Le président israélien Isaac Herzog, le 7 novembre 2021

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הנרי ביטן

Une erreur majeure dans cet article. Le chef de l’opposition à la Knesset, un statut officiel doté de prérogatives et de mesures concrètes, est défini par la loi. Celle-ci dispose qu’il est tenu informé de l’état de tous les dossiers critiques en cours, même les dossiers les plus secrets. A cet effet, une réunion de coordination a lieu tous les 15 jours entre lui et les services du 1er ministre au siège du chef du gouvernement. Affirmer, comme le fait l’auteur, qu’il n’est pas tenu informé, tient de la contre-vérité.

andre

Et on se souvient avec respect et emotion d’Abba Eban: je ne savais pas qu’Isaac Herzog etait son neveu.