Liban : la lettre secrète de Blinken et Le Drian au président Michel Aoun.

Avant même que le Premier ministre libanais, Saad Hariri, démissionne jeudi et dénonce le président Aoun comme responsable du blocage des institutions, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian et son homologue américain, Antony Blinken, ont écrit ensemble au chef de l’Etat libanais pour exiger qu’il change d’attitude.

La scène se passe mercredi après-midi, à quelques minutes des festivités du 14 Juillet, dans le salon d’hiver de la résidence de l’ambassadeur de France à Washington, Philippe Etienne. Le ministre Jean-Yves Le Drian, arrivé la veille dans la capitale américaine, reçoit son homologue et ami Antony Blinken et sa délégation. Au fil de la conversation, les deux hommes abordent la question du Liban. Le ministre français s’y est rendu en mai pour y rencontrer le premier ministre libanais, le sunnite Saad Hariri, le président chrétien Michel Aoun et le chef du Parlement, le chiite Nabih Berri. A tous les trois, il a tenu un langage de fermeté. La France est exaspérée de voir que rien n’a bougé au Liban depuis l’explosion du port de Beyrouth et que personne ne veut remettre en cause un équilibre des pouvoirs et une répartition des postes au gouvernement en fonction des appartenances confessionnelles, un système clientéliste qui laisse libre cours à toutes les corruptions.

Lorsqu’il reçoit Antony Blinken à Paris fin juin, le Français constate une convergence d’analyse avec l’Américain, leurs deux pays restant les deux puissances d’influence occidentale au Liban depuis des décennies. Le Drian et Blinken décident donc d’envoyer à Ryad leurs ambassadrices en poste à Beyrouth pour inviter l’Arabie saoudite à faire pression à son tour sur les autorités libanaises. Là encore, cette démarche ne semble pas émouvoir le palais de Baabda où siège un président Aoun, dont le gendre, Gedran Bassil, chef du Courant Patriotique Libre a passé un pacte tacite avec le Hezbollah pro-iranien pour se maintenir au pouvoir.

Un appel à la responsabilité adressé au président libanais.

Alors mercredi, sur les hauteurs de Washington, Le Drian et Blinken se disent soudain que ce serait peut-être efficace d’écrire une lettre conjointe à l’adresse de Michel Aoun, au pouvoir depuis 2016. Leurs conseillers s’activent à trouver les termes les plus durs et les plus pressants pour convaincre le président libanais de changer d’attitude et de se résoudre à désigner un premier ministre capable de mener les réformes radicales que réclame la société civile libanaise depuis près d’un an.

La lettre est courte, quelques paragraphes seulement. Sa tonalité est grave et le langage, en résumé, est un appel à la responsabilité adressé à un homme d’Etat qui regarde son pays s’effondrer sans ciller. Le chef de la diplomatie française prend bien soin de faire figurer dans la lettre la décision de principe prise en début de semaine par les ministres des Affaires étrangères de l’UE de sanctionner d’ici la fin juillet tous les acteurs libanais qui continueraient de bloquer la situation politique libanaise.

Un nouveau Premier ministre doit être nommé.

Pour en arriver là, il a fallu obtenir l’unanimité des Vingt-Sept qui était bloquée par la Hongrie. A Budapest, la doctrine du premier ministre Orban, sous forte influence de Gedran Bassil, est qu’il faut soutenir, quoi qu’il en coûte, les chrétiens du Liban, même si cela doit se traduire par une paralysie des institutions. D’où un coup de fil avant la réunion de Bruxelles de Jean-Yves Le Drian à son homologue hongrois, Peter Szijjarto. Il se trouve que le ministre français est à Berlin ce jour-là et qu’il est aux côtés du chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas. Le binôme franco-allemand argumente auprès du collègue hongrois pour finir par obtenir son soutien sur le principe des sanctions.

Jeudi matin, la lettre franco-américaine mentionnant l’unité des Européens sur la question libanaise a été remise en mains propres au président Aoun par les deux ambassadrices de Paris et Washington. Coïncidence, quelques heures plus tard, le premier ministre Saad Hariri démissionne. Ce qui oblige le président Aoun à désigner dans les 30 jours un nouveau Premier ministre avec pour mission de former un gouvernement. Pas sûr qu’il faille attendre ce délai. L’anniversaire de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août, serait des plus cruels si aucun progrès n’était réalisé d’ici là.

C’est avec ce calendrier à l’esprit qu’Emmanuel Macron, affligé par le comportement de chefs de faction libanaises après ses deux voyages sur place l’an dernier, a convoyé un sommet international à Paris, le 4 août, sur l’avenir du Liban. Un pays où la situation économique et sociale se dégrade si vite que les économistes comparent désormais le pays du Cèdre au Venezuela. Et où la démission de Saad Hariri jeudi a fait plonger une nouvelle fois la livre libanaise face au dollar, appauvrissant d’autant la classe moyenne libanaise, toutes origines et appartenances confondues.

JDD

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Yohannah

La « fermeté «  de la France
Cela fait longtemps que nous savons ce que cela vaut sur l’échelle des chammalows et la guimauve LOL

Filouthai

Quelle déception ce Michel Aoun ! Aussi destructeur et calamiteux que Macron pour son pays, en version plus âgée !