Manuel Valls le 7 janvier 2015 à Matignon. - Bertrand Guay - AFP

Manuel Valls : «Par ses insultes envers la France, Erdogan se fait le chantre de l’islamisme radical»

TRIBUNE – S’agissant du Moyen-Orient, la France doit adapter sa politique étrangère aux réalités nouvelles que chacun peut observer, argumente l’ancien premier ministre.

Manuel Valls, le 25 octobre

Depuis plus de trente ans, le Moyen-Orient traverse des crises, des chocs et des ruptures. L’effondrement du bloc soviétique a consacré les États-Unis comme seule hyperpuissance ; les attentats du 11 septembre 2001 et l’avènement du terrorisme islamiste globalisé, avec al-Qaida et l’État islamique, ont bouleversé l’islam, les équilibres du monde et de la région.

Les printemps arabes, avec leurs espoirs et leurs échecs, ont souligné la friction permanente entre aspirations démocratiques parfois fragiles et crispations autoritaires, identitaires, extrémistes.

La menace iranienne

Le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Les causes et les conséquences sont multiples : l’effondrement de l’Irak après l’intervention américaine, puis du Yémen et de la Libye ; le drame syrien et l’exode de plusieurs millions de réfugiés, causant la plus grande situation d’urgence humanitaire de notre ère ; la quasi-disparition, dans certains pays, des chrétiens présents depuis toujours ; l’abandon par les Occidentaux, une nouvelle fois, des Kurdes qui avaient été les seuls à lutter sur le terrain contre les islamistes; le clivage ancestral sunnite – chiite plus que jamais exacerbé.

Le grand bénéficiaire de ces bouleversements est l’Iran qui a bâti un arc chiite et imposé des protectorats en Irak, en Syrie et au Liban.

Les velléités nucléaires et la prolifération balistique du régime des mollahs s’imposent aujourd’hui comme la principale menace sécuritaire régionale, et au-delà. À ce titre, la levée de l’embargo sur les armes à destination de l’Iran doit tous nous inquiéter.

Une nouvelle donne

Les lignes de front se multiplient et le conflit israélo-palestinien apparaît donc, malgré la guerre larvée entre Israël et le Hamas à Gaza, comme un contentieux local, de basse intensité.

À l’évidence, les anciens empires, perse, ottoman, russe, cherchent à retrouver leurs rôles dans la région. Malgré un désengagement progressif, débuté sous la présidence de Barack Obama, les États-Unis continuent, à travers leurs relations privilégiées avec Israël et l’Arabie Saoudite, à peser.

On le voit avec le plan Trump-Kushner qui a incontestablement fait bouger les lignes.

L’Europe reste en grande partie absente car elle n’est pas une puissance militaire, elle est divisée et sans vision dans cette partie du monde. Elle est également soumise au chantage des réfugiés de la part de la Turquie.

Sortir d’une tradition diplomatique obsolète

Et la France, engagée courageusement dans la région contre l’État Islamique comme au Sahel, jouant de tout son poids politique au Liban pour aider le pays à sortir de la crise, démontrant la plus grande fermeté face à la Turquie, ne s’est pourtant pas défaite, sur la question israélo-palestinienne, d’une tradition diplomatique obsolète. Il est urgent d’en sortir.

La formule visant « la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale des deux États » est caduque. C’est une langue morte. Les accords d’Oslo et leurs conséquences, l’évolution des rapports de force, la nouvelle donne géopolitique rendent tout retour en arrière impossible.

Par crainte d’une rupture avec le monde arabe et les Palestiniens, paralysée par les passions qu’agite ce conflit jusque dans notre pays, la diplomatie française s’est figée.

Nous avons pourtant les atouts — la culture, l’histoire, la connaissance de la région, une relation de confiance établie avec les Palestiniens — pour proposer. Car la paix ne tient pas au succès d’un numéro d’équilibrisme, ce n’est pas non plus un arbitrage moral mais l’entrée consentie dans un nouveau paradigme.

Jérusalem capitale d’Israël

C’est pourquoi je crois que la France doit désormais reconnaître que Jérusalem est bien la capitale d’Israël. Depuis la déclaration de David Ben Gourion à la Knesset en 1949 jusqu’aux reconnaissances internationales aujourd’hui, ce mouvement est irréversible. La protection des lieux saints des trois grandes religions monothéistes doit bien entendu être garantie.

Nous devons encourager la création d’un État palestinien. C’est aussi dans l’intérêt d’Israël et indispensable pour bâtir une paix durable. Mais encore faut-il dénoncer l’absence de processus démocratique et la corruption qui gangrènent l’Autorité palestinienne, mettre un terme à l’illusion du retour des réfugiés, exiger des dirigeants palestiniens la condamnation du terrorisme et de l’incitation à la haine, et leur conseiller de négocier avec les Israéliens sur de nouvelles bases territoriales. La diplomatie exige, aussi, du parler vrai.

Après la paix signée avec l’Égypte en 1979 et la Jordanie en 1994, une normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes est en cours : les Émirats arabes unis et Bahreïn il y a quelques semaines, le Soudan hier et d’autres qui suivront demain. C’est l’aboutissement du rapprochement avec Israël face à la menace iranienne.

C’est, surtout, la réaction aux mutations économiques et la nécessité pour ces pays de penser l’ère post-pétrole en développant des coopérations avec Israël, « start-up nation », partenaire d’innovation incontournable.

C’était le rêve de Shimon Pérès : bâtir la paix autour du savoir et de la recherche. La France, forte d’une alliance stratégique, de sécurité et de défense avec les Émirats arabes unis, doit accompagner ce mouvement car il l’engage.

Il est porteur d’espoir pour la région et pour nous-mêmes : des sociétés que l’on croyait pieds et poings liés à une tradition archaïque multiplient les signes d’ouverture et s’autorisent le dialogue avec d’autres identités, d’autres valeurs. Ne soyons pas naïfs, cela mettra du temps mais c’est une bonne nouvelle. Lire la suite 

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/manuel-valls-par-ses-insultes-envers-la-france-erdogan-se-fait-le-chantre-de-l-islamisme-radical-20201026

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires