Manfred Gerstenfeld interviewe le Dr. Irwin J. (Yitzchak) Mansdorf
“Au cours de la dernière décennie, j’ai développé un programme universitaire sur le conflit palestino-israélien à l’intention des étudiants juifs américains qui étudient en Israël durant une année. L’idée qui est à l’origine de ce cours consiste à enseigner aux étudiants entrant à l’université aux Etats-Unis le type de relation qui existe entre Israël et le monde arabe.
“Ce programme, qui dure tout au long de l’année universitaire, met l’accent sur l’interaction entre l’histoire et les événements actuels. Il apporte une compréhension approfondie des points de vue de ceux avec lesquels les Israéliens sont ostensiblement en conflit, à savoir ceux qu’on identifie comme les Arabes palestiniens”.
Irwin J. (Yitzchak) Mansdorf, Docteur, dirige le programme du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (CAPE-JCPA) des études israélo-arabes. Il est psychologue clinicien, chercheur dans le domaine de la guerre psychologique et il s’est occupé de victimes du terrorisme, autant que de questions concernant le stress post-traumatique en situation de guerre.
Il remarque que : “Les étudiants n’apprennent pas seulement ce que les Arabes palestiniens pensent, mais aussi comment différents secteurs de la population israélienne ressentent la situation. Ils accèdent à “l’empathie” – qui un sentiment distinct de la “sympathie” – à l’égard de ceux qui ont des points de vue différents. Ces étudiants accroissent ainsi leur prise de conscience et leur sagacité à un niveau auquel ne parviennent pas les autres étudiants. Le but est qu’ils se mettent à la place de ceux qu’ils essaient de comprendre. Les conférenciers invités leur expose un vaste panorama de points de vue, qui va de celui des Israéliens qui se considèrent comme des nationalistes à celui des Arabes palestiniens qui sont sympathisants de mouvements qui s’opposent à l’Etat d’Israël.
“Les excursions sur le terrain sont un élément majeur de ce cursus et elles contribuent à maintenir la classe vivante et éveillée. Avant chaque séjour, les étudiants se penchent sur la littérature pertinente qui expose le cas et assistent à des interventions sur le sujet. A la suite de l’excursion, on demande aux étudiants de disséquer ces questions par une recherche et des documents écrits, autant que grâce à des tables rondes en classe et à un panel de débats proposés en atelier. Nous nous efforçons de faire en sorte que les étudiants perçoivent autant que possible les dynamiques à l’oeuvre à travers le regard de ceux qui sont impliqués en tant qu’acteurs. En faisant en sorte que les étudiants observent autant les expériences vécues par les Israéliens que les Palestiniens, ils sont en mesure d’assimiler des idées nouvelles.
“Les étudiants rencontrent des Arabes vivant des deux côtés de la ligne verte. Ils participent à des discussions approfondies avec des Arabes Israéliens de leur âge et observent comment les enfants israéliens et arabes interagissent, dans les écoles intégrées. Nous visitons des maisons d’Arabes Palestiniens et rencontrons des familles qui ont perdu des membres du foyer dans des heurts violents contre Tsahal.
“Nos étudiants sont encouragés à experimenter ce qui doit probablement se passer régulièrement lors de fouilles à des barrages routiers de la sécurité. Nous cherchons aussi à apprendre ce que pensent les Israéliens qui ont été à l’avant-garde du mouvement des implantations. Les séjours sur le terrain sont interactifs et pas seulement des stages d’observation. Les étudiants rencontrent aussi des soldats de Tsahal qui sont en contact direct avec la population locale, des Israéliens qui vivent et travaillent au milieu des Arabes et des Arabes qui vivent et travaillent parmi les Juifs.
Les dissertations sont un excercice central dans l’expérience de cette formation. Nous ne devons pas seulement prêter attention à ce que les personnes disent, mais étudier tous les aspects d’un raisonnement. On exige des étudiants qu’ils examinent un problème et exposent leurs propres réponses. Plus important, ils doivent argumenter les logiques qui les sous-tendent, qui doivent être soutenues par une source importante qui partage leur ligne argumentative. Par exemple, après avoir écouté un panel de discussion soutenant les points de vue opposés, les étudiants doivent analyser chaque camp et débattre pour savoir pourquoi un argument peut être soutenu et prendre le pas sur un autre. La même chose prévaut, lorsqu’ils lisent un article d’opinion. On leur demande ensuite un écrit final, avant l’accès au diplôme, qui passe en revue l’ensemble de travaux considérés comme un défi pour les perspectives sionistes traditionnelles.
“Les étudiants sélectionnés à participer à ce cours doivent être personnellement motivés et intellectuellement préparés à une expérience universitaire et personnelle qui puise dans les ressources de chacun. L’étudiant juif typique ne va probablement pas être exposé à des mentalités diverses et variées ni aux gens qu’ils vont rencontrer au cours de notre formation. En tant que tel, nous cherchons à recruter des étudiants qui soient potentiellement des leaders, par opposition à ceux qui pourraient choisir de s’assoir sur le banc de touche.
“Je suis de près ce qui se produit lorsque ces étudiants retournent aux Etats-Unis. Nos diplômés sont, proportionnellement, très impliqués dans les activités de meneurs pro-israéliens sur leurs campus. Les étudiants formés au JCPA ont dirigés des groupes connectés à Israël dans beaucoup d’institutions de l’Ivy League et d’autres institutions de haut niveau, souvent une année après l’autre. Ils sont à l’avant-garde dans les interactions avec ceux qui mettent en cause l’existence d’Israël sur les campus. Beaucoup d’étudiants sont revenus en Israël pour servir dans Tsahal, ou comme internes de recherche au JCPA. Nous programmons souvent des séances avec d’anciens élèves sur les campus et maintenons une présence sur les réseaux sociaux, où les étudiants continuent de débattre de certaines questions et d’échanger des idées et des opinions.
“Cette formation est conçue pour permettre aux étudiants de juger des événements de façon indépendante et ne cherche pas à les influencer d’une manière ou d’une autre. Cela présente encore un autre défi pour des étudiants qui ont été élevés à l’abri des points de vue et des expériences qui divergent de ce qui est communément accepté à l’intérieur de leurs groupes de pairs et des communautés dont ils sont originaires. Alors que certains étudiants trouvent que ce défi peut être émotionnellement menaçant, ceux qui persévèrent et achèvent leur cursus se trouvent plus forts et mieux préparés à faire face à des situations qui suscitent le malaise et auxquelles d’autres ne sont pas habitués.
“Les étudiants sont aussi impliqués dans la recherche. Les sujets de recherche passés comprennent des études sur les attitudes des étudiants des universités américaines, l’évaluation de la crédibilité de certains messages en usage dans la guerre de propagande, et l’exploration des mécanismes qui sous-tendent l’état d’esprit des partisans de BDS. Nos diplômés ont assisté à des projets de recherche du JCPA sur de tels sujets sur leurs propres campus.
“Les compétences affinées par les participants à cette formation les préparent à rédiger des articles d’opinion exerçant un droit de critique. Beaucoup de nos étudiants ont publié des articles d’éditorial, autant à l’université qu’au sein de la presse communautaire. Pour résumer, notre cursus prépare les étudiants à devenir des penseurs critiques disposant de facultés de raisonnement créatif”.
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.
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