Egypte : les liens sécuritaires n’effacent pas la haine ©

Les relations entre l’Egypte et Israël demeurent confinés dans le domaine de l’action essentiellement secrète de gouvernement à gouvernement, alors que ce pays arabe est bien loin d’être prêt à rendre publique cette relation pourtant constante.

Reflétant ces relations fortes entre les officiels, mais qui restent, habituellement, « sous les radars » (discrètes), le Premier Ministre Binyamin Netanyahu a rencontré le nouvel ambassadeur Egyptien Hazem Khairat, à Jérusalem, lundi. L’ambassadeur israélien en Egypte, Haim Koren, a déclaré à la chaîn,e 10 de télévision que les « relations avec l’Egypte sont excellentes ». 

« J’ai rencontré Sissi et j’ai des réunions fréquentes avec les membres de son gouvernement », dit Koren sur le ton de l’évidence.

Cependant, la tentative d’un député égyptien et du présentateur TV Tawfik Okasha de rendre publique cette relation a débouché sur un scandale et le fait qu’il se fasse attaquer au Parlement et suspendu. 

Okasha, réputé pour son goût de la polémique, a reçu Koren à dîner à son domicile dans la province du nord-est de Dakahlia, la semaine dernière. Il a diffusé cette réception en direct lors de son émission télévisée, ce qui n’a pas manqué de déclencher le scandale. 

Lors d’une autre tentative menant à l’échec, de rendre publique cette bonne relation, l’Egypte a rejeté une requête israélienne d’organiser un match amical de football, entre les deux pays.

« Nous n’accepterons pas de participer à un match avec aucun club ou ligue israélienne », a déclaré Azmy Megahed, le porte-parole de l’Association de Football Egyptienne, à Al Arabiya. « L’idée même de jouer contre des clubs sportifs israéliens quels qu’ils soient est totalement rejetée, peu importe de quoi il s’agisse ».

L’Ambassade israélienne a posté sur Facebook dimanche, une discussion se demandant si on pouvait imaginer une telle rencontre et demandant : « Qu’est-ce que cela vous inspire et quelle est votre opnion à ce sujet? Parviendrons-nous un jour, à briser la barrière de la peur et agir comme deux peuples qui peuvent rivaliser dans tous les domaines? ». L’Ambassadeur Koren a déclaré au Jerusalem Post, lundi dernier, concernant ce match de football, que « Nous avons eu une sorte de « jeu de réflexion » sur notre page Facebook, qui consistait à imaginer la possibilité de ce qui aurait pu se passer s’il y avait pu s’organiser un match entre les deux équipes nationales d’Egypte et d’Israël ».

« Nous avons posté une photo d’un tel match qui s’est déroulé à Tel Aviv en 1934 », dit-il.

Concernant la réponse du responsable égyptien cité sur Al Arabiya, Koren a répondu qu’il « est complètement passé à côté de la question ».

« De façon surprenante, on a noté de très nombreux « likes » pour soutenir cette idée » sur Facebook, a t-il ajouté.

Zvi Mazel, le sixième Ambassadeur israélien en Egypte et actuellement chercheur associé au Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (JCPA-Le Cape) et contributeur régulier de ce journal, a déclaré au Post que la réaction hostile au Parlement contre Okasha et l’ambassadeur ne constitue guère une surprise. 

« Les élites politiques et religieuses doivent encore faire l’expérience de la paix avec Israël », dit-il, ajoutant que beaucoup d’entre eux continuent de s’identifier avec l’époque de l’ancien Président Gamal Abdel Nasser, un dirigeant nationaliste fort, et ont toujours une haine profonde envers Israël. 

« D’autres Musulmans dévots sont influencés par leur propre culture » rappelle Mazel, notant que l’Université Al Azhar, l’un des plus grands centres mondiaux d’apprentissage du Sunnisme, continue d’évoquer des conspirations américaines et israéliennes contre l’Egypte.

De plus, on ne peut pas oublier le rôle des Frères Musulmans égyptiens dans la propagation des flammes de l’antisémitisme depuis les années 1930, a poursuivi l’ambassadeur.

L’un des membres du Parlement, Muhammad Badr, a déclaré que la rencontre d’Okasha avec l’ambassadeur israélien s’inscrivait en faux avec les traditions de l’islam », fait-il remarquer. 

« Comme on le voit, même l’excellente coopération sécuritaire actuelle entre nos deux pays n’a pas changé les mentalités ».

Cependant, Mazel affirme qu’il est très positif que les médias et les politiciens égyptiens soient amenés à débattre de cette question, « puisqu’ils ne peuvent pas tous être totalement restés aveugles devant 37 ans de paix et les avantages que peut leur apporter cette coopération avec Israël ».

Selon le point de vue de Mazel, il est peu probable qu’El Sissi intervienne et probablement qu’il ne se préoccupe pas du tout du débat public sur cette question, puisqu’il s’est déjà adressé à une tribune à Al Azhar et a demandé aux penseurs de « révolutionner l’islam » et d’en finir avec les discours extrémistes.

Pourtant, Mazel pense qu’il ne faut pas s’attendre à un changement radical, mais « peut-être que des éléments plus nombreux au sein de la société civile égyptienne vont s’ouvrir l’esprit à cette nouvelle réalité et y percevoir leur propre intérêt ».

Yael Yehoshua, Vice-Président de la Recherche au sein de MEMRI (The Middle East Media Research Institute), a déclaré au Post que, malgré le traité de paix entre les deux pays, « la majorité des journalistes s’opposent à toute normalisation des relations avec Israël ». 

Reuters a contribué à ce reportage.