Des voix arabes critiquent le Rejectionnisme palestinien

Des voix arabes critiquent le Rejectionnisme palestinien

 

Par Manfred Gerstenfeld

L’établissement de relations entre Israël, les Emirats Arabes Unis (EAU) et Bahrein a eu un certain nombre d’effets de bord. L’un d’eux a été que certaines personnalités du monde arabe ont commencé à expliquer pourquoi ces nouvelles étapes franchies par ces deux pays étaient possibles en dépit du fait qu’elles ne contiennent aucune promesse d’instauration d’un Etat Palestinien.

Dans plusieurs articles, des auteurs arabes critiquent le rejectionnisme palestrinien[1]. Quelques exemples : l’érudit coranique des EAU, Waseem Yousef a accusé les Palestiniens et le cercle dirigeant palestinien de ne pas respecter le drapeau des EAU, alors même qu’Israël le fait flotter fièrement. Le compte de Yousef est suivi par 1.6 million de visiteurs^[2].

Le 8 Septembre, le quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, basé à Londres, a critiqué l’Autorité Palestinienne pour son rejet de l’accord de normalisation des Emirats avec Israël. Il mentionnait spécifiquement la conférence d’urgence récemment tenue par les factions palestiniennes pour protester contre cette normalisation  depuis Beyrouth, Ramallah et en ligne^[3].

Les journaux quotidiens en Arabie Saoudite, aux Emirats et en Egypte ont récemment publié des dizaines d’articles condamnant les Palestiniens pour leurs cercles dirigeants ingrats. Certains articles affirmaient que les cercles dirigeants palestiniens avaient exploité la cause palestinienne durant sept décennies et extorqué beaucoup de financements de la part des Etats du Golfe. Certains ont même accusé les responsables palestiniens de leur avoir pris l’argent et d’avoir délibérément rejeté toutes les initiatives de paix dans le but de perpétuer cette situation et de demeurer au pouvoir^[4].

Le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) est constitué du Qatar, du Koweit, du Bahrein, d’Oman, d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis. Le secrétaire Général du CCG Nayef al- – Hajraf a exigé des excuses de la part des dirigeants palestiniens pour leur critique des accords de normalisation des Emirats avec Israël. Il a accusé les leaders palestiniens « d’incitations et de menaces » au cours d’une rencontre des chefs des différentes factions palestiniennes.

Le CCG a diffusé un communiqué qui dit que  » Le secrétaire général a condamné les mensonges questionnant la posture historique des nations du Golfe, visant à soutenir les droits des Palestiniens et appelle les dirigeants palestiniens qui ont participé à ce rassemblement, chapeauté par le Président Mahmoud Abbas, a présenter leurs excuses pour ces violations et déclarations provocatrices et erronées, qui s’inscrivent à rebours de la réalité des relations entre les Etats membres du Conseil de Coopération (du Golfe) et le peuple palestinien fraternel[5]« .

 Plusieurs commentateurs arabes ont ressenti le besoin d’expliquer où en sont actuellement ces pays arabes, qui normalisent leurs relations avec Israël, concernant l’établissement d’un Etat Palestinien. C’est partiellement nécessaire du fait que cette instauration de relations va à l’encontre le l’initiative de paix arabe de 2002. Elle appelait, en effet, à la normalisation avec le monde arabe en échange d’un retrait complet d’Israël aux lignes d’avant 1967 – « Un juste règlement de la question des réfugiés palestiniens » fondé sur la résolution 194 des Nations Unies et l’établissement d’un Etat palestinien avec Jérusalem -Est pour capitale[6]« .

Ceux qui soutiennent les accords aux Emirats et à Bahrein ne peuvent admettre ouvertement l’entière vérité sur cette affaire. S’ils le pouvaient, une telle déclaration, par exemple, pourraient être rédigée comme suit : « Les intérêts de notre pays ne tiennent pas l’instauration d’un Etat Palestinien pour une priorité absolue. Nous sommes menacés de façon cruciale par l’Iran. Israël peut être un allié en cas d’agression de l’Iran. Notre accord a encore été facilité puisqu’Israël a reporté son plan d’instauration de la souveraineté sur certaines parties du territoire de Judée-Samarie. Aux Etats-Unis, il y a actuellement une administration qui a la volonté de nous fournir des armes avancées, si nous nous accordons avec ses plans pour la région. Sin un Etat palestinien émerge, nous en serions heureux. Mais, c’est bien loin d’être une priorité pour nous ».

Une option alternative, qui apparaît parfois, consiste à insister sur le fait que la lutte en cours pour un Etat Palestinien est fondamentalement une question à résoudre par les Palestiniens eux-mêmes.

La percée d’Israël avec ces deux pays arabes ne constitue pas seulement une lourd revers pour les Palestiniens. Elle révèle aussi une partie de l’énorme échec des politiques au Moyen-Orient de l’ancien Président Barack Obama, qui a courtisé les Arabes de multiples façons. Peu de temps après son élection en tant que Président des Etats-Unis, il s’est rendu en visite en Egypte et a délibérément choisi de ne pas se rendre en Israël[7]. Pourtant, en dépit de cela et malgré les pressions exercées sur Israël, Obama et son Secrétaire du Département d’Etat John Kerry n’ont pas réussi à établir la moindre relation entre Israël et un Etat arabe. C’est une très faible performance, comparée à celle de son successeur pourtant tant décrié.

Il est peu probable qu’actuellement, Obama diffuse un communiqué disant : « Le Président Trump ne devrait pas tirer tout le crédit de l’établissiment des relations entre deux pays arabes et Israël. Une partie du mérite est indirectement le mien[8]. Seulement à cause de l’Accord JCPOA, que j’ai négocié avec les Iraniens, ces derniers se sont sentis suffisamment en sécurité pour étendre massivement leurs activités terroristes moyen-orientales. Plusieurs états arabes considèrent cela comme une menace existentielle. Ainsi, j’ai indirectement facilité l’instauration de relations avec Israël ». 

Dans le même temps, John Kerry a aussi fait l’objet de moqueries, de la part de l’actuel Secrétaire aux Affaires étrangères, Mike Pompeo et de plusieurs médias[9]. Kerry affirmait : « Je peux vous dire avec certitude que, et cela m’a été réaffirmé au cours des deux dernières semaines, parce que j’ai parlé aux dirigeants de la communauté arabe, il n’y aura aucune avancée ni aucune paix séparée avec le monde arabe sans remise en route du processus de paix palestinien. Tout un chacun doit être bien conscient de cela. C’est une dure réalité (et personne ne peut la changer)[10]« .

L’établissement de relations entre les EAU, Bahrein et Israël est aussi une véritable gifle pour beaucoup de masochistes israéliens. Un récent éditorial du Ha’aretz, rédigé par l’ancien dirigeant du Meretz, Yossi Beilin, s’intitulait : « Il est temps pour les Etats Arabes de larguer une nouvelle bombe -politique – sur Israël ».

Beilin répétait alors plusieurs de ses mauvaises évaluations précédentes, en écrivant :  » Nous devrions garder à l’esprit que nous ne pouvons ni ne devons contourner le besoin d’une solution pacifique avec les Palestiniens, fondée sur deux Etats, sous la protection d’une confédération ou sans elle. C’est le seul moyen pour nous d’assurer qu’une minorité juive ne dominera pas une majorité arabe à l’avenir. Aucune paix avec aucun état arabe ni aucun groupe d’Etats arabes ne peut nous en assurer ». De cela, on peut tirer qu’il est clair que Beilin est plus obsédé par l’éventuialité que les Israéliens puissent dominer les Palestiniens que par la culture de la mort profondément immergée au sein de la société palestinienne[11]« .

Israël et les deux émirats du Golfe n’en sont qu’au début d’un processus. Les déclarations d’auteurs arabes critiquant le rejectionnisme palestinien et la nécessité pour les Palestiniens de s’occuper de leurs propres affaires ne viennent juste que d’émerger. Pourtant, la voie est tracée et cette tendance ne va probablement que se développer, en particulier si d’autres états arabes supplémentaires suivent le même chemin de l’instauration de relations officielles avec Israël.

 

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est Président d’honneur du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem. Il a été conseiller stratégique pendant plus de trente ans pour certaines des corporations dominantes dans le monde occidental.  Le prix du Lion de Juda, de l’Institut Canadien de Recherche Juive fait partie des récompenses qu’il a obtenues, lui attribuant le titre d’Autorité internationale dominante en matière d’Antisémitisme Contemporain. Son principal livre sur le sujet  est : The War of a Million Cuts The struggle against the delegitimization of Israel and the Jews and the growth of New antisemitism.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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[1] https://besacenter.org/perspectives-papers/palestinian-rejectionism/

^[2] https://4il.org.il/2416/

^[3] www.memri.org/reports/saudi-columnist-palestinians-have-no-right-judge-arab-countries-wishing-normalize-relations

^[4] www.clevelandjewishnews.com/jns/arab-media-blasts-palestinians-over-denouncement-of-uae-israel-peace-deal/article_3a877dbe-5531-581c-98cf-d453a552956a.html

[5] www.trtworld.com/magazine/apologise-for-slamming-the-uae-over-israel-ties-the-gcc-tells-palestinians-39581

[6] www.theguardian.com/world/2002/mar/28/israel7

[7] https://edition.cnn.com/2009/POLITICS/06/04/egypt.obama.speech/

[8] www.armscontrol.org/factsheets/JCPOA-at-a-glance

[9] www.foxnews.com/media/pompeo-obama-kerry-mideast-peace-israel; www.meforum.org/61565/history-proves-john-kerry-wrong-again

[10] www.foxnews.com/politics/john-kerry-mocked-for-2016-claim-that-there-will-be-no-separate-peace-between-israel-arab-nations-without-the-palestinians

[11] www.haaretz.com/middle-east-news/.premium-it-s-time-for-arab-states-to-drop-another-bombshell-on-israel-1.9173482