On en parle à demi-mot. Dirigeants politiques, responsable militaires et diplomates évoquent la question dans un souffle, comme s’ils ne voulaient pas formuler la chose. Comme si le dire pouvait accélérer ce scénario catastrophe. Aujourd’hui, tout le monde regarde avec effroi la rapidité avec laquelle l’État islamique s’étend. De partout, des jeunes partent faire le djihad ; partout ceux qui restent veulent agir ; partout des groupes se rallient à la bannière noire de l’EI et font allégeance. Sur la revue très officielle du groupe, Dabiq, le dernier numéro présentait « L’international Daech », avec les groupes nationaux tunisiens, libyens et égyptiens réunis.
Depuis plusieurs mois, le Sinaï égyptien est une zone de guerre. La dernière attaque en date n’avait jamais été vue. Opération coordonnée avec une série de voitures piégées qui explosent, déclenchant l’attaque de plusieurs barrages routiers. Dans le même temps, les renforts étaient coincés dans leur commissariat, les alentours ayant été minés par l’EI qui avait aussi posté des tireurs embusqués pour empêcher toute sortie. Ça n’est pas un attentat. « C’est une opération militaire », disent les généraux égyptiens qui ont envoyé les F16 bombarder la zone.
L’État islamique à Gaza, le scénario qui dérange. L’emprise est telle dans le Sinaï que du coup, tout le monde regarde plus haut nord. Là au bout du désert. Gaza, la cité des pleureuses. C’est le scénario qui dérange. L’EI planterait alors son drapeau noir dans la bande de Gaza et s’emparerait de la cause palestinienne. L’onde de choc serait terrible pour les belles âmes romantiques pan-arabes. Imaginez l’impact du discours : « Daech se bat au nom du peuple palestinien pour le libérer de dirigeants impies et corrompus, qui négocient avec l’ennemi sioniste ».
Imaginez la réaction d’Israël, avec Daech, installé à 60 kilomètres de Tel Aviv. La guerre serait évidemment la seule réponse possible. Personne n’oserait plus tenter d’instiller le poison jihadiste par le culte de la Paix illuminée. Là, le visage des palestiniens serait dévoilé. Toute incitation à la « paix » serait un appel au suicide. Négocier ? Ce qui était inenvisageable avec le Hamas deviendrait criminel avec Daech.
On voit aujourd’hui le drapeau noir de l’État islamique s’inviter dans certains cortèges lors d’enterrements à Gaza. À Jérusalem, Benyamin Netanyahou l’a confirmé à Laurent Fabius :
« Ils sont là. De très petits groupes, à peine formés. On les surveille et de toute manière le Hamas fera le nécessaire le moment venu ». Drapeau vert contre drapeau noir. Hamas contre Daech. Probable en effet. Avec le Hamas dans le rôle du recours, de la force stabilisante.
Oui, un vrai scénario qui dérange…
Olivier Ravanello et Or Imbar pour Tel-avivre.com
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