Covid: comment l’IHU de Didier Raoult traque les mutations du coronavirus à Marseille

La France fait face à un nouveau variant du coronavirus venu d’Angleterre. A Marseille, les équipes du Pr. Raoult à l’IHU Méditerranée Infection traquent les mutations du virus depuis le début de la pandémie. Une dizaine de variants sont apparus. Certains ont disparu, d’autres sont en cours. Publié le 12/01/2021 à 11h30

Le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU Méditerranée Infection
Le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée Infection • © Photo Christophe Simon/AFP

À l’IHU Méditerranée Infection, dirigée par le professeur Didier Raoult, les équipes traquent les moindres mutations du Sars Cov-2 à l’origine de la pandémie de Covid-19.
Le variant anglais ne leur a pas échappé. Dès que la personne revenue d’Angleterre à Marseille s’est présentée à l’IHU avec des symptômes, les infectiologues ont soupçonné la présence du mutant. Et ont vite réagi.
« J’ai demandé à ce que l’on travaille ce week-end pour faire les séquences », explique le Pr. Didier Raoult, le directeur de l’Institut, dédié aux maladies infectieuses et contagieuses. « Nous avons demandé aux personnes qui avaient été en contact avec la malade de venir le vendredi. Le samedi soir, nous avions déjà les résultats, avec 6 cas déclarés de variant anglais ».

A chaque épidémie, un mutant

Fortement médiatisé, ce variant anglais a fait apparaître au grand public l’existence des mutants, leurs conséquences. Pour autant, ils sont sous surveillance depuis des mois, au fil de leur apparition. Pour le professeur marseillais, chaque mutant entraîne une épidémie différente.
« À l’IHU, cela fait plus de quatre mois qu’on parle de mutants, car on fait les génomes, on les voit les variants. On en est à une dizaine importants ».
Apparus en Chine, en Europe, en Afrique, au Maghreb, ces variants sont repérés grâce au séquençage. L’IHU Méditerranée Infection possède « le laboratoire de microbiologie le plus équipé en séquences au monde », selon son directeur.
« Ici nous travaillons beaucoup sur les génomes, comme les Anglais d’ailleurs. Mais la France malheureusement n’a jamais cru au séquençage. On le découvre maintenant. Le pays a pris du retard par rapport aux Anglais qui séquencent dix fois plus que les Français », tacle l’infectiologue.
Parmi ces mutants, il en est un qui attire particulièrement l’attention des chercheurs de l’IHU de Marseille. Il est responsable de l’épidémie actuelle qui se manifeste depuis le début septembre sur notre territoire.  Et a donné lieu au deuxième confinement décidé par les autorités sanitaires.
« Il a fait plus de morts que lors de la première épidémie », poursuit le professeur Raoult. Ce mutant du coronavirus interroge encore les spécialistes.
« On ne sait pas d’où il vient, il a accumulé un nombre de mutations qui ne peut pas être une évolution normale, parce que ces mutations se font une par une. Vous ne pouvez pas voir apparaître, sauf à ce qu’il y ait une épidémie inconnue quelque part, un mutant qui ait tant de mutations d’un coup ».

Sur la piste des visons

Pour le professeur Raoult et son équipe, il existe une piste sérieuse : celle des visons.
« Il y a eu une épidémie chez les visons, qui est apparue en juin au Danemark. On sait que c’est transmissible chez l’homme, on sait que ce sont des mutants différents, Il y a eu plus de 600 cas humains. Il y a un papier hollandais qui montre début novembre que 67 % des gens qui s’occupaient des visons étaient positifs, avaient été infectés ».
Les autorités danoises ont procédé à l’abattage de 13 millions de visons l’été dernier. En France, sur les quatre élevages de visons, un seul a été abattu.

 

« Personnellement, je pense que les élevages de visons sont un réservoir incontrôlable », ajoute Didier Raoult.
« Il y a, semble-t-il, un virus prélevé de cet élevage éliminé en France, qui est séquencé ou en cours de séquence, mais qui n’est pas disponible, ce qui est très regrettable », dénonce le spécialiste des maladies infectieuses.
« Je le regrette, car on a besoin de savoir quelle est l’origine de ce variant tellement différent. Je pense que toutes les données devraient être disponibles tout le temps, nous c’est ce qu’on fait à l’IHU. Je ne comprends pas que les autres ne le fassent pas. Cela nous permettrait de voir si ce mutant que nous avons ici provient des élevages français ».

Le foyer initial italien, du nord de l’Italie, est associé de manière géographique, très nettement, avec des élevages de visons. Il est possible que cela ait été un amplificateur du début de l’épidémie en Europe.

Pr Didier Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée Infection

« Donc il faut faire attention, au départ, c’est une zoonose, ça n’est pas une maladie seulement humaine. Tous les modèles prédictifs d’évolution qui ne tiennent pas en compte des écosystèmes et des animaux sont tous faux par définition ».
Ce lien entre l homme et l’animal est au cœur de l’actualité cette semaine. Dans un zoo de Californie, deux gorilles ont été testés positifs à la Covid-19, et présentent des symptômes, comme de la toux. Selon la direction du zoo, il s’agit du premier cas connu de coronavirus chez les grands singes.
C’est en raison notamment de cette prudence, que Didier Raoult ne se prononce pas encore sur la contagiosité du variant anglais, dont six cas positifs ont été récemment découverts à Marseille. Deux autres doivent être encore confirmés.
« Tout dépend de l’environnement, du moment où circule le virus. La bonne chose dans cette affaire, c’est que les gens vont se rendre compte qu’il y a des variants dans ce pays. Qu’ils peuvent donner lieu à d’autres épidémies. Il faut être très attentif parce que je ne sais pas si la vaccination va protéger contre ces variants ou pas. On n’en sait rien, on verra bien ».

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