Invité de l’Association des Amis francophones de l’Université de Tel-Aviv, le Dr. Denis Charbit a proposé jeudi 23 novembre à ses membres une initiation à travers les méandres du système et des familles politiques en Israël, depuis leurs origines dans les années 20 jusqu’à nos jours.
Par le Dr. Denis Charbit, Maître de conférence au département de sociologie, sciences politiques et communication à l’Université Ouverte, auteur de nombreux ouvrages, dont Qu’est-ce que le sionisme? ( 2007), Israël et ses paradoxes (2015), et Dialogues israélo-palestiniens, à paraitre à l’occasion de l’année croisée France/Israël en 2018.
« Chaque démocratie possède un caractère spécifique dû à son histoire et au contexte dans lequel elle se développe », explique le Dr. Charbit, qui signale qu’on a pu classer Israël parmi « les démocraties qui auraient pu ne pas être ». En effet, entouré de cinq pays arabes qui tentèrent de l’envahir dès sa naissance, dans un état de guerre permanent depuis sa création, ayant connu un afflux d’un million de nouveaux immigrants qui firent alors doubler sa population en quatre ans et poussé par la nécessité d’établir une armée pour se défendre, l’Etat d’Israël aurait pu évoluer bien différemment. Ce d’autant plus, continue le chercheur, que la plupart de ses fondateurs, qu’ils soient venus de la Russie tsariste, de la Pologne antisémite ou des pays arabes n’ont jamais connu la démocratie dans leurs pays d’origine.
Comment des personnes qui ne savaient pas ce que c’était que la démocratie l’ont choisie
Comment s’explique donc ce « miracle » qui a fait que « des personnes qui ne savaient pas ce que c’était que la démocratie » en ont sans hésiter fait le choix et, malgré les conditions rappelées ci-dessus, n’ont jamais cédé à la tentation de « l’homme fort » ?
Le Dr. Charbit l’explique par différentes raisons. La première, mais qui aurait pu ne pas être suffisante, est tout d’abord qu’il s’agissait d’une exigence de l’ONU pour la création de l’Etat. La deuxième est due à la nature de l’ancêtre de l’Etat d’Israël, le mouvement sioniste qui s’est dès ses débuts organisé de la manière la plus démocratique possible, y compris la participation des femmes. Puis vient le fait que, lors de sa création en 1948, le jeune Etat a déjà derrière lui un demi-siècle d’organisation politique.
En effet toutes les familles politiques actuelles du pays trouvent leur origine dans l’ancien ‘Yichouv’ formé par les immigrants juifs depuis le début du 20e siècle : l’actuel Parti travailliste est l’héritier du Mapaï, le Likoud celui du parti Herout, le courant national religieux celui du Mafdal et du parti Mizrahi, les partis du centre viennent des Sionistes généraux, le parti ultra-orthodoxe a été créé en 1912; et même le Parti communiste de Palestine, ancêtre de l’actuel Parti communiste d’Israël, qui attire aujourd’hui essentiellement un électorat arabe, est né en 1920.
Enfin, et cette raison semble fondamentale pour le chercheur, Ben Gourion, premier Premier Ministre d’Israël, bien qu’originaire de Russie, choisit l’option occidentale, celle du judaïsme américain, la démocratie étant le seul régime compatible avec ce choix. C’est donc le lien avec la Diaspora et le judaïsme américain qui apparait, pour le Dr. Charbit, comme le mobile central du choix de la démocratie par le jeune Etat juif.
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