Ces Kurdes qui rentrent volontairement d’exil

Alors que l’afflux de réfugiés ne tarit pas en Europe, certains migrants – fatigués par l’incertitude de leur sort – décident de rentrer au pays.

Un camp de réfugiés à Passau, en Allemagne.

Un été dingue. C’est ainsi qu’il décrit les cinq derniers mois. Depuis le moment, en juin, où il a décidé de prendre clandestinement la route de l’Europe, jusqu’à son retour au Kurdistan irakien il y a quinze jours. Retour volontaire, précise-t-il. Fahmin Hamadamin Ahmad le dit désormais tout net: il n’échangerait pas une vie de migrant en Europe contre un seul jour chez lui.

«Je voulais essayer»

A 35 ans, début de calvitie et barbe de trois jours, Fahmin fait partie d’un groupe de cinquante migrants kurdes tout récemment rentrés à Erbil depuis l’Allemagne. Tous des retours volontaires. Certains ont passé des semaines, des mois, sur la route. Dépensé des milliers de dollars, risqué leur vie pour atteindre la terre promise. Mais une fois sur place, seule la déception était au rendez-vous. «Je me doutais que la vie en Europe n’était pas tout à fait ce qu’on imagine», admet Fahmin en tripotant distraitement son iPhone 6 posé sur la table. «Mais je voulais essayer. La vie ici était devenue trop pénible.»

25000 départs

Selon le Ministère irakien des migrations, quelque 25 000 personnes, en majorité des jeunes hommes, ont quitté la région du Kurdistan depuis 2014 pour tenter de rejoindre l’Europe.

Après les années dorées à l’or noir et la croissance à deux chiffres, le Kurdistan s’est soudain réveillé l’an dernier avec le groupe Etat islamique (Daech) à ses portes et une gueule de bois économique carabinée. L’effort de guerre contre Daech, la fuite des investisseurs face à la menace djihadiste, les disputes avec Bagdad et la présence de deux millions de déplacés et réfugiés ont fait plonger l’économie.

«Je ne trouvais plus de travail.» Fahmin a arrêté l’école à 14 ans pour travailler dans des ateliers de fabrication d’aluminium. «Ajoutez la guerre, la corruption, le népotisme… J’en avais assez.»

«La mer, c’est trop dangereux»

C’est ainsi qu’il s’est retrouvé, une nuit de juillet, à ramper sous les barbelés de la frontière entre Turquie et Bulgarie avec une soixantaine d’autres clandestins, en majorité syriens. «On a dû marcher douze heures», se rappelle-t-il. Dans son sac à dos, des vêtements de rechange, de l’eau et du chocolat. Fahmin avait choisi la route terrestre. «La mer, c’est trop dangereux.» Pour 8000 dollars – toutes ses économies – un passeur le prenait en charge jusqu’en Allemagne.

Fahmin sait qu’il a eu de la chance. Non seulement il est resté en vie, mais le voyage s’est déroulé sans encombre. Comme beaucoup, Fahmin avait choisi l’Allemagne «parce qu’on dit qu’ils acceptent plus les réfugiés, et parce que j’y ai des amis». Une fois arrivé dans le pays, rapidement arrêté par la police, il est placé en camp de détention.

Attente insupportable

Commencent alors l’attente insupportable, la confusion et l’incertitude. Ne rien savoir de l’avancement de son dossier. Etre ballotté d’un camp à un autre comme un bagage encombrant. Sentir les regards hostiles dans la rue. Partager une douche et des toilettes avec cinquante autres personnes. Faire des heures de queue pour des nouilles trop cuites et une tranche de pain mou. «Un jour, au bout de près de deux mois dans le camp, j’ai rencontré un autre Kurde. Ça faisait plus de six mois qu’il était là. Il ne savait toujours pas si son dossier avançait.»

C’était le 1er octobre. Il se souvient précisément de la date où il a décidé que c’était fini, que la vie en Europe ne méritait pas de se sentir «pire qu’en prison, parce qu’au moins en prison on sait ce qui va nous arriver». Il a demandé à rentrer. «Je ne voulais pas gâcher peut-être trois ans de ma vie à attendre comme ça dans un camp, sans rien savoir. Dans mon camp, on était une vingtaine à vouloir rentrer.»

Retour en avion

Moins de trois semaines plus tard, Famine et 49 autres Kurdes atterrissaient à Arbil dans le cadre du retour volontaire. «Je n’ai pas de regrets : j’ai tenté l’aventure, je sais que ce n’est pas pour moi.» Son regard se perd à l’horizon. C’était vraiment un été dingue, répète-t-il. «Au moins, je suis content d’être revenu en vie.»

(TDG)

(Créé: 09.11.2015, 07h27)

Source : tdg.ch/monde

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oxomars

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai de la compassion pour ce peuple Kurde qu’aucune institution internationale n’a voulu reconnaître comme nation à part entière.

D’eux, on ne connaît que leurs positions politique mais rares sont les articles qui relatent leurs façons d’appréhender la vie quotidienne, leur organisation sociale, etc ..

Il serait intéressant de les connaître un peu plus car à moyen terme, les Kurdes compteront dans le paysage Moyen-Oriental et Israël a besoin d’alliés.