VOICI Des textes qui concernent l’histoire des patriarches qui commence avec l’histoire d’Abraham.

Plus exactement, avec l’arrivée d’Abraham dans le pays de Canaan, et vous savez d’après les textes précédents que c’est en ce temps-là des patriarches le nom donné à la terre qui s’appellera la terre d’Erets Israël, parce que les Kenaanim l’occupaient en ce temps-là. Il y a déjà d’ailleurs dans la Parashah de cette semaine un verset qui l’indique :

[Lekh Lekha – Gn. 15:6] :

 וְהַכְּנַעֲנִי, אָז בָּאָרֶץ

Et le Cananéen se trouvait en ce temps-là dans le pays.

Le Midrash établit de façon très claire que cela implique que le Canaanéen était envahisseur dans ce pays qui faisait partie de l’héritage de la descendance de Shem. Vous vous rappelez ceux qui étaient là à la soirée de Hoshaana Raba qu’effectivement Abraham est un des descendants de Shem par son ancêtre Ever. D’où le nom de Avraham Ha-Ivri, Abraham l’hébreu.

Je ne veux pas revenir sur l’identité d’Avraham en tant qu’hébreu, peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir par la suite. Je veux simplement rappeler un point qui me semble important : il y a deux périodes dans l’histoire d’Abraham :

Dans la première période de sa vie il se nomme Abram, et c’est encore le nom qu’il a dans les textes que nous allons aborder aujourd’hui. Cela se réfère à un thème très important : c’est l’identité de l’hébreu en exil au temps précédent dans les différentes générations qui vont de Ever l’ancêtre d’Abraham jusqu’au temps d’Abraham dan la civilisation babylonienne de ce temps-là surtout connue sous le nom de la civilisation d’Our-Kasdim capitale des Chaldéens, qui à l’époque était la dynastie dominante de ce que nous appelons en général sous le nom de Babel dans l’histoire des Malkhouyiot, ces grands empires que l’histoire d’Israël a traversé. Babel est le premier des empires de l’antiquité biblique en tout cas dans l’ordre de la cohérence du récit biblique.    

Je vous rappelle qu’Israël a traversé l’histoire de quatre grands empires : nous sommes d’après cette typologie historiosophique à la fin de l’histoire du quatrième empire qui est l’empire de Rome.

Il y a d’abord l’empire de Babel, ensuite l’empire de Perse, ensuite l’empire de Grèce et l’empire de Rome. Et nous avons traversé ces 4 empires avec 4 sorties d’exil qui en fait sont 3 puisque la Grèce et Rome font partie de la même période historique du point de vue de ce problème. Etant donné que l’exil du peuple d’Israël au temps de l’empire grec était un exil sur sa terre.

Je vous le rappelle très brièvement :

1-      Nous sommes sortis de ce Babel d’Our-Kasdim avec Abraham. Et il y avait en ce temps-là une annexe – les historiens vont dresser l’oreille mais il me faudrait plus de temps pour nuancer – une annexe de la civilisation babylonienne qui était la civilisation égyptienne. Et nous finissons de sortir de ce temps de Babel avec la sortie d’Egypte au temps de Moïse en tant que peuple. Mais nous sortons de Our-Kasdim avec Abraham à la racine première de notre identité dont nous allons suivre la carte d’identité avec la Parashah de Lekh Lekhah de cette semaine.

 2-      Nous sortons de l’empire de Perse avec Ezra et Néhémie. Tsivat Tsion. C’est au temps des événements que raconte le livre d’Esther.

3-      Nous sortons de la domination grecque avec les Makabi.

4-      Et nous sortons de l’empire romain de notre temps avec l’état d’Israël contemporain.

Je reviens au début de l’histoire. L’identité de l’hébreu dans la civilisation de Babel est Aram. D’où le nom araméen en français. Je vous avais cité un certains nombres de références dans la bible et le talmud à ce sujet, il sera sans doute nécessaire d’y revenir.
A partir de maintenant je dirais Abraham suivant la loi de la Halakhah : à partir du moment où Abram a changé de nom pour devenir Abraham, il est interdit de le nommer de nouveau Abram sinon pour rappeler qu’il s’appelle en réalité Abraham – c’est d’ailleurs un thème pour lui-même : pourquoi la Guémara interdit-elle d’appeler Abraham Abram, si nous avons le temps rappelez-le moi en fin de cours.

Cette petite d’Abraham famille d’Abraham rescapée des Hébreux de cette civilisation d’Our-Kasdim de ce qu’il faudrait appeler du temps de l’énorme Shoah de Babel. Il y a une énorme Shoah à Babel, une famille d’Hébreux est rescapée. Il y a une Shoah à la sortie d’Egypte : c’est un cinquième du peuple hébreu qui sort d’Egypte sous la direction de Moïse. Je ne continue pas la suite qui est très longue et se poursuit jusqu’à nous comme vous le savez.

Abraham est accompagné par un certain nombre de personnages qui ont la même racine d’identité et avec lesquels il va se trouver aux prises dans cette histoire de ré-émergence de l’identité hébraïque, de sa coquille araméenne, en hébreu nous disons la Qlipah, son écorce araméenne qui est très difficile à finir d’évacuer jusqu’à ce que Jacob le petit fils d’Abraham reçoive le nom d’Israël, ce qui donne l’authenticité de cette identité araméenne en Abraham revenue hébraïque. Pour le nom de Jacob devenant Israël il faudra trois générations de sélection d’identité.

Entretemps vont apparaître des lignées divergentes dans la même racine de cet Abraham qui était alors araméen : l’hébreu de l’exil.

C’est un thème extrêmement important que nous allons essayer de suivre le plus possible en coup de projecteur mais il faudrait effectivement reprendre toute l’histoire du livre de Bereshit en détail, ce qui prendrait des années, avec un cours par semaine. il faudrait voir ce que la Torah Shébéal peh nous a dit de tout cela. Les sources sont très nombreuses. Je vous indique l’auteur principal qui a donné le plus grand contenu à cette étude, c’est le Shlah qui a donné toutes les nuances de ces thèmes d’identité. Cela commence évidemment dans les Midrashim, ceux du Zohar, le Kouzari de Judah Halévi, le Maharal. Cela explose dans le Shlah et corollairement dans le Peri Tsadik aussi.

Et nous arrivons donc à l’identité hébraïque retrouvée avec Jacob lorsqu’il reçoit le nom Israël. Nous avons là un programme d’étude, dont nous aborderons certaines dimensions, parce que c’est cette histoire que nous vivons de nouveau sus une autre forme de notre temps, où nous revenons d’une identité d’exil et avec le projet de retrouver l’identité hébraïque à l’échelle d’une société toute entière.

Et les problèmes qui explosent dans cette expérience, non de résurrection comme  on peut le trouver dans un vocabulaire sioniste israélien mal traduit, mais disons de restauration de la nation hébraïque. On ne peut pas parler de résurrection car on ne ressuscite que des cadavres, et grâce à Dieu le peuple juif n’a jamais été jusque-là bien qu’il ait eu des tribulations assez analogues, vous avec compris.

Loth :

Il y a un personnage que je voudrais mettre en évidence dans la première partie de l’étude de ce soir qui est Loth, le neveu d’Abraham qui sort d’Our-Kasdim avec Abraham. Et dans notre parashah nous voyons comment il font un long chemin ensemble. Et finalement ils se séparent. Loth va fonder une toute autre lignée, une double lignée d’ailleurs, celle de Amon et de Moav qui vont installer des rivalités terribles avec Israël, les premières rivalités à Israël, et qui ont accompagné l’histoire d’Israël pendant tout le temps dont parle la Bible jusqu’au moment où Ruth revient de chez Moav, et devient l’ancêtre du roi David.

Ruth ne vient pas de n’importe où. Elle revient d’une lignée qui s’était écartée de la souche originelle : la famille d’Abraham. Puisque son ancêtre c’est Loth qui aurait pu être un Abraham. Mais c’est un Abraham disons déviant. En terme un peu vulgaire qui me vient à l’esprit : un raté de l’histoire. Mais ces ratés font souches. Ce sont des identités d’impasse mais qui se reproduisent. Il y a une sorte de génie de la machine à polycopier les erreurs qui fait qu’elles sont dans le monde et qu’il faut se mesurer à elles. Voilà donc un moment de l’étude que nous aurons à découvrir : les rapports d’Abraham à Loth.

Et puis dans cette Parashah nous voyons qu’Abraham est relié à un autre personnage de cette famille qui est son propre fils par Agar l’égyptienne alors qu’Abraham se nomme encore Abram avant la mutation d’identité qui fait que Abram redevient Abraham l’ancêtre de Jacob. Abram n’est pas l’ancêtre d’Isaac il est l’ancêtre d’Ishmaël. C’est quand Abraham est déjà Abraham que Isaac va naître, c’est après la circoncision d’Abraham que Isaac va naître. Et donc d’une certaine manière, de cette souche originelle, à part Loth qui était d’origine très proche d’Abraham, Ishmaël fils de Agar va procéder de cette souche originelle. Et vous savez les dimensions de la rivalité qui s’installeront à travers Ishmaël par rapport à Israël. C’est sans doute le problème de gros plan auquel nous allons nous mesurer depuis le retour contemporain en Erets Israël. Pour ceux d’entre vous qui ont encore souvenir de ce qu’avait été Galout Arav – la diaspora des communautés juives en pays d’islam, c’est une longue histoire des rapport entre le peuple d’Israël les Juifs de l’exil avec l’islam en Golah. 

Mais dès qu’Israël revient sur sa terre alors les dimensions de ce problème changent de niveau c’est de nouveau le conflit tel qu’il est raconté par la Bible qui est mis en évidence : le conflit entre Ishmaël et Isaac, c’est à qui échoit la promesse de la terre d’Abraham. Et vous savez à quel point ce sera l’enjeu des élections prochaines.

J’essaierais de prendre un peu de temps à la fin du cours pour étudier ou au moins lire un passage du Zohar qui parle de la relation entre Abraham et Ishmaël. C’est un verset du chapitre 17 que nous verrons tout à l’heure. Et je vous dirais une petite préface à partir d’une interview qui est paru dans Haarets. Le journaliste a très bien fait son travail de journaliste puisqu’il m’a fait dire des choses que.. bref. Alors cela servira de mise au point.  Je dois vous dire qu’il a vraiment bien fait son travail : le contenu de l’article cela passe. Ce n’est pas moi qui l’ai écrit et je ne l’aurais jamais écrit comme ça, mais cela passe à la rigueur. Je pense que la direction du journal lui a imposé un titre accrocheur pour les lecteurs et alors cela a été lu dans tout le pays et on n’a fait de moi quelqu’un que je ne suis pas. C’est pourquoi je dis que le journaliste a très bien fait son travail : en prenant une phrase sortie de son contexte et en lui donnant un portée politique qui n’a rien à voir avec ce qu’elle veut dire… On en parlera un peu tout à l’heure. J’ai décidé quand même de faire une mise au point, vous aurez la surprise de la lire lorsqu’elle paraitra. J’en parlerais tout à l’heure.

Je vous incite quand même à lire l’article.

Déjà le premier verset que nous allons lire où il est question de la famille d’Abraham c’est à la fin de la Parashah de Noa’h. Chapitre 11 verset 27 : c’est la fin de la généalogie de Shem après nous avoir donné l’ascendance de Abraham – dont le nom éclate à partir de ce moment-là en gros plan dans le récit biblique sur l’histoire de l’humanité – à travers Shem et Ever on nous parle de ce qui se passe dans la famille de Tera’h qui est le père d’Abram devenu Abraham. Et le verset dit :

11:27:

וְאֵלֶּה, תּוֹלְדֹת תֶּרַח–תֶּרַח הוֹלִיד אֶת-אַבְרָם, אֶת-נָחוֹר וְאֶת-הָרָן; וְהָרָן, הוֹלִיד אֶת-לוֹט.

Voici les générations de Tera’h: Téra’h engendra Avram, Na’hor et Harân; et Harân engendra Loth.

Donc Loth est le fils de Haran frère d’Abram. Encore au temps du niveau de l’identité Aram des Hébreux. L’identité araméenne des Hébreux en exil en Our-Kasdim. On apprend que Haran meurt à Our-Kasdim.

וַיָּמָת הָרָן, עַל-פְּנֵי תֶּרַח אָבִיו, בְּאֶרֶץ מוֹלַדְתּוֹ, בְּאוּר כַּשְׂדִּים

Harân mourut al penei en présence de Tharé son père, en son pays natal, à Our-Kasdim.

Al penei Tera’h en présence de Tharé son père il y a ici une indication qu’il faudrait étudier mais je ferme la parenthèse.

En hébreu le mot de Moledet se traduit en français par « la patrie ». Mais le sens strict étymologique de Moledet c’est le pays natal : le pays où l’on est né.

Vous voyez qu’il y a énormément de vocabulaire qui gène la prise de conscience d’identité dans lesquels les Juifs sont interpellés de notre temps. Je vous donnerais un exemple. Si on me demande quel est ma patrie, que répondre ? Je suis né en Algérie, je ne peux pas dire que c’est l’Algérie ma patrie ! Et pourtant c’était ma terre natale… Vous voyez la différence.

On arrive au verset 11:31 où l’on apprend comment se fait cette sortie d’exil dans la famille de Téra’h père d’Abraham. Le mot de cette Aliah si j’ose dire c’était Abraham. Les Midrashim sont très clairs : c’est Abraham qui convertit Tera’h à l’hébraïsme si j’ose dire. Et Tera’h est le chef de famille. Un des Midrashim indique que pour ne pas porter atteinte à l’honneur de Téra’h – commandement qu’Abraham doit respecter –  Abraham doit respecter l’honneur de son père même si son père resistait à la prise de conscience d’Abraham, la Torah aussi respecte l’honneur du père d’Abraham verset 11.31:

וַיִּקַּח תֶּרַח אֶת-אַבְרָם בְּנוֹ, וְאֶת-לוֹט בֶּן-הָרָן בֶּן-בְּנוֹ, וְאֵת שָׂרַי כַּלָּתוֹ, אֵשֶׁת אַבְרָם בְּנוֹ; וַיֵּצְאוּ אִתָּם מֵאוּר כַּשְׂדִּים, לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן, וַיָּבֹאוּ עַד-חָרָן, וַיֵּשְׁבוּ שָׁם.

Tera’h prit Abram son fils…

Alors qu’on s’attendrait ce qui dans la réalité existentielle – cela nous arrive comme c’est arrivé à Abraham – ce sont les fils qui trainent les pères dans ce pays, vous avez remarqué?

On s’attendrait à ce que le verset dise l’inverse.

Tera’h prit Abram son fils et Loth fils de Haran son petit-fils et Saraï sa brue femme de Abram son fils. Ils sortirent tous de Our-Kasdim pour aller en direction du pays de Canaan. 

C’est la première fois que la Torah nous raconte cette décision de mettre fin à l’exil des Hébreux en Our-Kasdim. Rappelez-vous le Midrash qui explique ce qui se passe à Our-Kasdim. C’était un gigantesque four crématoire. La fournaise d Our-Kasdim. Le Hitler de l’époque s’appelait Nimrod. Personnage paradigme très important dans l’histoire d’Abraham. Un personnage modèle : le tyran au temps d’Abraham. Et à chaque époque il y a un Nimrod. Il s’est appelé une fois Torquémada, Haman, Hitler… Aujourd’hui il a énormément de sosies. Mais quoiqu’il en soit c’est la première fois qu’on nous dit qu’il y a une décision prise par les rescapés de rescapés de rescapés des Hébreux. C’est très impressionnant, sur tout un peuple, une seule famille rescapés des fours crématoires de Our-Kasdim ! Et ils y vont spontanément : vous remarquez qu’il n’y a aucune révélation à Tera’h ou à Abraham encore dans le texte pour dire que c’est le temps ? C’est une prise de conscience de la famille d’Abraham sur motivation d’Avraham qui a pris d’elle-même l’initiative qui va être confirmée  quelques versets après au début de la Parashah de Lekh Lekha.

Il y a une controverse chez les Méfarshim : cette confirmation de Lekh Lekha donnée à Abraham est-elle donnée déjà à Our-Kasdim ou à ‘Haran ? Ce n’est pas un point de détail, c’est un autre sujet. Quoiqu’il en soit, que la confirmation ait été donné à Our-Kasdim ou à ‘Haran, on ne peut pas ne pas se rendre compte que l’initiative est d’abord venue de la famille d’Abraham. Après, Dieu confirme. Nous retrouvons le même thème à la sortie d’Egypte. L’initiative vient d’abord de Moïse qui se heurte à la résistance des Hébreux et des Égyptiens. C’est 40 ans après que Moïse ait pris l’initiative et qu’il s’est trouvé en but avec le refus des Hébreux en Egypte et des Egyptiens bien sûr, que Dieu lui confirme son initiative dans la révélation du buisson ardent.

Nous voyons ici un thème très parallèle. Dans l’ordre du récit, ils décident d’aller au pays de Canaan. D’après la manière classique de lire ce texte, ils ne savaient pas où ils devaient aller !  La thèse classique c’est qu’il s’agit de Mésopotamiens que Dieu par décret de Sa Volonté a décidé de transformer en hébreux… J’ai critiqué précédemment cette thèse classique. J’ai toujours été étonné de voir comment les commentateurs et les historiens, Na’hmanide excepté, ne mettent pas en évidence cela qu’il ne s’agit pas de mésopotamiens !

Si c’était des Mésopotamiens on aurait des droits sur Bagdad ! On a déjà droit sur Damas grâce à Eliezer serviteur d’Abraham. C’est encore une autre histoire.

S’il s’agissait de Mésopotamiens, par quelle magie se seraient-ils transformés en Hébreux, et par quel magie Dieu les enverrait-il en Kenaan sans leur dire où c’est ?

On voit dans le premier verset du chapitre 12 dans le message de Dieu à Abraham que c’est en Erets Kenaan qu’il faut aller. Dans le verset précédent que nos sommes en train de lire 11:31:

לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן   lalechet artsah Kena’an : ils savent où ils vont parce qu’ils rentrent chez eux tout simplement !

A partir du moment où il y a prise de conscience du danger de disparition totale dans l’exil de Our-Kasdim, il y a un « sionisme » avant la lettre qui prend Abraham et il décide de rentrer chez lui.

Regardez à quel point le texte est clair. Et je me demande encore pourquoi on ne le lit pas comme il est écrit !  Voilà le premier point.

Fin du verset 31 :

וַיָּבֹאוּ עַד-חָרָן, וַיֵּשְׁבוּ שָׁם

Ils arrivèrent jusqu’à ‘Haran et ils s’intallèrent là-bas.

‘Haran est sur la frontière entre le pas d’Our-Kasdim et Erets Israël qui ce temps s’appelle le pays de Kenaan, pour les raisons indiquées précédemment.

On appelle cette contrée, cette marche entre la grande Babel des Casdéens à l’époque, plus tard on l’appelera l’Assyrie qui s’appelle dans la tradition juive : Aram Naarayim, Aram Tsovah. Expressions que l’on peut retrouver en histoire ou géographie, c’est finalement la frontière entre Erets Israël et Babel. Aram Naarayim, Aram Tsovah cela implique une partie de la Syrie et du Liban.

Dans ces derniers versets, nous avons une typologie extrêmement éclairante de ce qui se passe dans le peuple d’Israël. Ici nous avons le modèle dans la famille d’Abraham de ce qui se passe dans le peuple d’Israël lorsque cette décision de retour est prise. Encore une fois, vous remarquez qu’elle a été provoquée par la Shoah du temps. Je pense que si le texte de la Torah ne donne pas directement comme cause de la Aliah d’Abraham la Shoah, c’est dire que même sans Shoah, Abraham aurait pris cette décision. C’est le Midrash qui indique qu’il est rescapé des fours crématoires d’Our-Kasdim – « la fournaise de Kasdim ». Le Midrash explique qu’on y jetait les Hébreux dans le feu.

C’est effarant à quel point on n’a pu passer des milliers d’années sans se rendre compte que cette éventualité-là était réelle. C’est le Midrash qui met tout cela en évidence, comme si l’essentiel c’est le mouvement historique qui fait que les Hébreux étaient dans la civilisation du temps. Si on se pose la question de savoir ce qu’il y faisaient : il y faisaient ce que tous les fils d’Israël font dans la civilisation du temps, à travers le temps, que ce soit Babel, Paras, Yavan ou Romi… etc.

C’est un autre sujet : c’est le mystérieux problème de la relation de ce peuple d’Israël à l’universel humain à travers les grands empires des civilisations humaines.

Et puis, c’est ce mouvement là que la Torah met en évidence. Ils étaient là-bas et à un certain moment Abraham revient. C’est le moment où le tyran de l’empire en question est Nimrod, modèle de tous les tyrans, personnage modèle du tyran au moment de la nécessité du retour de ces exils sempiternels. D’après la typologie traditionnelle, grâce à Dieu nous avons eu que trois patriarches. Donc il n’y a que 3 exils et pas 4. Vous voyez la chance que nous avons par rapport à nos ancêtres.

Invité dans un aréopage de non-juifs, on me demandait de parler de Pessah. Alors j’ai raconté la situation des Hébreux juste après la sortie d’Egypte quand il y avait la mer rouge devant et l’armée égyptienne derrière. J’ai dit alors : nos ancêtres ont eu de la chance, ils n’ont eu que l’armée égyptienne…

Ceci dit toute cette histoire est en train de finir puisque nous sommes à la fin de la troisième sortie d’exil et qu’il n’y en n’a pas 4.

***

Q: Les gens accompagnant Abraham étaient-ils monothéistes ou étaient-ils idolâtres ?

R:  Le Miqra n’en parle pas, non pas parce que cela ne l’intéresse pas mais parce que ce n’est pas son propos. Le Midrash en parle beaucoup. Prenons le cas de Tera’h le propre père d’Abraham. Lorsque nous avons une typologie il faut bien comprendre ce qu’est une analogie : les choses ne se répètent jamais de la même manière. Mais il un a un éclairage du thème dans sa globalité. Et par conséquent, je sens bien que nous sommes préoccupés de la comparaison entre ce qui s’est passé pour les Hébreux du temps d’Abraham et ce qui s’est passé pour nous à la fin de la génération précédente avec la Shoah. Mais ce n’est pas du tout la méthode de la tradition juive de faire des correspondances de détail. Car cela fait basculer dans le délire. Et les prophètes n’ont jamais prophétiser des détails. Cela ne veut pas dire qu’ils ne les connaissaient pas, mais cela ne fait pas partie du propos de la Torah. Elle ne s’occupe pas de cela. Elle s’occupe des grandes directions des Toladot, c’est-à-dire des mutations d’identité qui font que nous aboutirons Bimhéra Biyaménou (rapidement de nos jours) à Jérusalem et pas ailleurs, aux temps messianiques. Mais comme le croient d’ailleurs ceux qui sont ailleurs, dans leur prières en tout cas…

Et par conséquent, la question est très importante : certainement y avait-il en fidélité marrane anachronique l’identité hébraïque enfouie dans l’identité araméenne. C’est en Abraham qu’elle a ré-émergé. Et nous verrons le cas de personnages qui accompagnent Abraham, en particulier Loth. Et elle n’arrive pas à émerger jusqu’à Ruth, lorsque revient Ruth. Et ce n’est pas n’importe qui : elle a pour vocation de permettre la naissance du roi David. Tant que ces étincelles de saintetés qui s’étaient perdues ne reviennent pas, il n’y a pas encore d’occurrences messianiques concrètes. Avec Ruth on espère que David va naître…

Le Midrash sur Tera’h nous raconte comment Abraham enfant a eu sa vocation monothéiste. Il faudrait reprendre ce Midrash  en détail mais cela prendrait trop de temps. Mais j’ai la tentation de le reprendre en cours de pédagogie pour Talmoudei Torah ou même pour Gan Yéladim. Parce que dès qu’on commence à paraphraser sur des formules précises du Midrash on dit des bêtises. Je vais vous lire le Midrash en paraphrase mais sans bêtise !

Le Midrash nous dit que Abraham enfant a eu sa vocation monothéiste. Il décide de donner une leçon à son père Téra’h qui était fabricant d’idoles dans ce qui pourrait être le quartier de ces fabricants de statuettes. Il y a une certaine  noblesse dans ce genre de sensibilité religieuse mais elle n’est pas la nôtre. Et comme il était respectueux de ses parents, et qu’il ne voulait pas accuser son père d’idolâtrie, il a pris une hache et détruit toutes les idoles et mis la hache dans les bras de la plus grandes des idoles. Quand Tera’h est venu demandant ce qui s’était passé, Abraham lui a raconté une histoire : un croyant est venu apporter une obole de farine devant son idole et toutes les idoles se sont disputer pour savoir à qui irait l’offrande, et c’est la plus grande qui a gagné en détruisant toutes les autres…

Et Tera’h à son fils : C’est impossible, à moi tu veux faire croire cela ?

Et alors Abraham a dit à Tera’h le premier proverbe juif. C’est une phrase de la Guémara :

Hashma le’oznecha ma she’ata motzi mipicha

fait entendre à tes oreilles ce que tu dis avec ta bouche.

Et c’est là que Téra’h s’est converti – ou plutôt reconverti si vous voulez –  à la vocation d’Abraham. Téra’h père d’Abraham, hébreu araméen, ce n’est pas n’importe qui ! Alors derrière ce Midrash qu’est-ce qu’un fabricant d’idoles ?

C’était le grand-prêtre de la religion du temps à Our-Kasdim. Il jouait le rôle d’Israël dans les civilisation du monde : Mamlekhet Kohanim véGoï Qadosh. C’est le discours des rabbins en Golah : nous sommes le peuple des prêtres. Les prêtres de qui ? Des Goyim chez lesquels ils vivent ! C’est un thème pour lui-même. Ce qui se passe à Paris est grotesque à ce sujet puisque l’archevêque est qui vous savez. Mais les Juifs ont oublié ce que c’est que l’humour français.

Qu’est-ce qu’une idole chez les idolâtres ? C’est un symbole matérialisé de leur idéal. Qu’est-ce qu’un fabricant d’idoles ? C’est un marchand d’idéal, c’est  le grand prêtre de la civilisation idolâtre du temps. Cela ne veut pas dire que l’idolâtre païen ne sait pas devant quel idéal il se trouve lorsqu’il est devant sa statue. Ce sont nous les monothéistes iconoclastes qui avons détruits les statues, qui risquons de croire que c’est la statue qu’ils adorent. Il y a aussi des superstitieux chez eux. Mais en vérité l’idolâtre n’adore pas la statue mais ce qu’elle représente.

Si certains d’entre vous on un peu étudier la civilisation chrétienne il est bien évident que ces hommes et ces femmes qui s’agenouillent devant un morceaux de bois, ce n’est pas devant un morceau de bois qu’ils s’agenouillent, mais devant ce que cela représente. C’est pourquoi cette idole est dangereuse à cause de ce qu’elle représente. Mais il est bien évident que la ferveur du païen ne va pas au véhicule matérielle de son idéal.

De la même manière quand vous voyez à la synagogue Shabat matin les Juifs pieux adorer le Sefer Torah, croyez-vous qu’ils adorent le Sefer Torah ? Evidemment, non. Mais ils adorent ce qui est écrit dedans, ce que cela représente, la ‘Hokhmah qui est dedans. Il y a aussi des superstitieux chez les idolâtres qui pourraient être persuadés que les Juifs adorent un rouleau de parchemin.

Des Juifs déjudaïsés peuvent s’étonner de la pratique d’embrasser la Mézouza : comme le dit la Guémara : kol hapossel bemoumo possel (Kidouchin 70a) « celui qui disqualifie c’est son propre défaut qu’il disqualifie ».

C’est une projection : Celui qui accuse quelqu’un d’autre de superstition, cela veut dire qu’à sa place il serait superstitieux lui l’accusateur.

Alors ne me fais pas dire que seuls les sionistes sont de vrais Juifs. Il y a ceux aussi qui le deviendront… !

Sur la famille d’Abraham : il y a différents personnages qui vivent différemment la sortie de Our Kasdim d’Abraham. Il a un frère Haran qui est resté à Our Kasdim : « il est mort devant son père ».

Et les mots ont un sens précis dans le Midrash. C’est qu’ils n’arrivent pas à sortir. Ils sont enterrés là-bas. Et puis il y a Tera’h qui sort avec Abraham en compagnie de Loth. Mais Tera’h s’arrête à la frontière et fonde là-bas la fédération sioniste de ce temps-là. Il en est le président. C’est impressionnant de voir à quel point cette typologie est éclairante : c’est le même effort mais qui n’arrive pas au même aboutissement. Haran ne peut pas. Tera’h peut, mais pas suffisamment. Loth accompagne Abraham, mais dans le pays de Canaan il va se perdre et arriver au pays de Sodome et Gomorrhe. Vous voyez les différents niveaux. Il y en a un de la famille Na’hor qui reste là-bas.

Et c’est chez lui qu’on va aller chercher femme pour les enfants des patriarches. Les marieurs savent maintenant à quoi sert la diaspora !

Je reviens donc à ce schéma qui me semble extrêmement important, simplement en réénumérant les différentes effectuations de cette sortie d’Our-Kasdim :

=> Haran ne peut pas.

=>Tera’h sort d’Our-Kasdim mais reste à la frontière.

=> Loth accompagne Abraham mais n’arrive pas à se débarrasser de son identité araméenne. Elle devient moabite et ammonite.

=> Na’hor lui reste à Our-Kasdim, et c’est chez Na’hor qu’on va trouver Rivqah pour Yits’haq, Rachel et Léa, Zilpa et Bilha pour Jacob.

C’est donc une mise en réserve d’une partie de cette identité de la famille d’Abraham, et nous verrons plus tard pourquoi nous avons besoin de cette identité mise en réserve pour que les engendrements, les Toladot, puissent continuer jusqu’à ce qu’on arrive à l’identité d’Israël. Entretemps interdiction absolue pour les enfants des patriarches – on l’apprendra surtout avec Isaac – de revenir d’où Abraham est parti – la Yéridah est dangereuse – et de ne pas prendre femme dans le pays de Canaan. Ce serait le mélange absolu. Mais lorsque Jacob devient Israël, l’identité Israël est engendrée alors le problème des mariages exogamiques devient un tout autre problème.

Pendant le temps d’Abraham c’est l’interdiction absolue. Donc on avait besoin d’une matrice de la famille d’Abraham qui était là-bas. Après tout, si Na’hor avait accompagné Abraham notre histoire aurait été peut-être plus facile, plus heureuse. La matrice d’où est venue Rivqah, Léa et Rachel aurait été déjà là de façon beaucoup plus épurée sans doute. Mais on ne refait pas l’histoire à l’envers, on n’invente pas les Midrashim, ce que je viens de faire et je vous répète chaque fois que c’est interdit, mais vous voyez à peu près dans quelle perspective cela va. Après tout il n’y a pas de fatalité que Na’hor reste là-bas ! Rappelez-vous la Hagadah de Pessa’h lorsque l’on fait allusion à Téra’h d’après un verset, on l’appelle toujours Téra’h Avi Avraham Avi Na’hor. Il n’est pas simplement le père d’Abraham, il est aussi le père de Na’hor. C’est-à-dire le père du père des mères d’Israël. Tera’h est le père des pères d’Israël par Abraham et le père des mères d’Israël par Na’hor.

Mais il n’y a aucune nécessité que Na’hor reste là-bas. Je renferme la parenthèse.

La séparation de Loth et Abraham :

On va s’occuper dans la première partie du cours des raisons de la séparation entre Loth et Abraham. Avant d’y arriver, un principe de méthode de lecture que je répète souvent. Puisqu’on connait la suite, et qu’il y a une telle cohérence lorsque commence à se dévoiler cette cohérence du récit, on a l’impression que la suite c’est fatalement qu’elle arrive comme cela. Et plus le texte est cohérent et plus il semble que ce qu’il raconte est fatal. Il faut donc faire effort pour pouvoir suivre le dévoilement du texte, la révélation du texte. C’est difficile car on en peut pas oublier ce qu’on sait, on a lu la suite.  Il faut faire effort de virginité de lecture pour ne lire que ce qu’on est en train de lire. On ne sait pas ce qu’il y a après. Si on s’en sert ce sera pour des échafaudages de consolidation. Mais on ne sait que ce qui est dit maintenant. Ce qui est dit après arrive après. Entre ce maintenant et après il y a toute la liberté possible. Même si cela se passe autrement, même si au fur et à mesure que les événements se développent, il y a le conditionnement de cause à effet qui fait que cette part de liberté s’amoindrit. Mais elle existe et elle est toujours là. Jusqu’au bout cela pouvait être autrement !

Je prends l’exemple précédent : nous savons qu’il y a cette cohérence là qu’Abraham sort et que Nahor reste en réserve. Ce n’est pas fatal, cela aurait pu être autrement. Et certainement, si cette histoire avait commencé avec Abraham et Na’hor sortis complètement d’Our-Kasdim et entrant dans le pays, elle aurait eu une autre allure d’une autre aisance.

On aura toujours une tendance mystique ou « apikorsique » disant : « si cela s’est passé comme ça c’est que c’est ainsi que cela devait se passer… » Mais personne ne peut le savoir, puisque cela ne s’est passé que comme ça !

Je crois qu’il faut se déprendre de cette tentation qui est dans le fond d’une religiosité authentique d’une sorte de fatalité de la vérité. La vie en tout cas est au pluriel. Quand on dit Divrei Elokim ‘Hayim le mot ‘Hayim est au pluriel parce que la vie est au pluriel et qu’il n’y a pas de fatalité univoque.

Nous avons une très belle Guémara là-dessus sur les troupeaux: Pourquoi le terme les troupeaux est au pluriel ?  Adarim adarim (Sanhédrin 97). Chaque troupeau ayant son berger. Mais il y a un seul berger. Un vrai berger c’est un berger. Tous les bergers c’est un berger, il y a un seul berger, mais c’est des bergers… C’est dans Sanhédrin 97 : « Au temps du Mashia’h la vérité éclatera en morceaux ». Et on nous cite un verset avec des troupeaux.

Haémet neederet la vérité manquera, sera cachée (néadar). Et c’est la même racine que Adarim Adarim les troupeaux. Mais alors faites bien attention : ce n’est pas n’importe quoi qui est un troupeau. Il  n’y a qu’un troupeau qui soit un troupeau. Par exemple nous avons 27 troupeaux à la Knesset. 

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