Tunisie : les islamistes en tête du premier scrutin libre ?

Si le dépouillement est toujours en cours ce lundi en Tunisie, où les électeurs se sont massivement rendus aux urnes pour désigner une assemblée constituante à l’occasion du premier scrutin démocratique issu du « printemps arabe », les premières tendances sont favorables aux islamistes d’Ennahda.
Neuf mois après le renversement de ben Ali, les Tunisiens, pionniers du « printemps arabe », ont afflué dimanche dans les bureaux de vote pour élire démocratiquement une assemblée constituante. Le taux de participation a été supérieur à 90%, a annoncé l’Instance supérieure indépendante des élections. Les premiers résultats devraient tomber dans le courant de la journée de lundi, au plus tôt, avant l’annonce officielle attendue mardi. Les islamistes du parti Ennahda (Renaissance) sont les favoris de ce scrutin, dont les résultats seront observés avec attention dans le reste de la région emportée par les soubresauts du « printemps arabe ». « C’est un jour historique », a souligné Rachid Ghannouchi, chef de file islamiste rentré en Tunisie après 22 ans d’exil en Royaume-Uni pour conduire Ennahda aux urnes. « La Tunisie naît aujourd’hui, le printemps arabe naît aujourd’hui », a-t-il ajouté après avoir voté, accompagné de sa femme et de leur fille, toutes deux voilées. Mais en sortant du bureau, il a été hué par des dizaines de personnes aux cris de « Dégage ! » et « Tu es un terroriste et un assassin ! Rentre à Londres ».

Si le dépouillement est toujours en cours, des tendances se dessinent déjà sur le plan local. La radio publique a rapporté que, selon des résultats partiels à Sfax et au Kef, le parti Ennahda arrivait en tête dans ces deux grandes villes de province. Deux formations laïques arriveraient en deuxième position, le Congrès pour la République à Sfax et Ettakatol au Kef. Citant ses propres décomptes officieux, Ennahda affirme être en tête dans les votes à l’étranger. L’importante diaspora tunisienne a pu voter plusieurs jours avant les électeurs de Tunisie.

Que fera Ennahda ?

Interdit sous Ben Ali, Ennahda semble donc en bonne posture pour peser sur la formation de la future assemblée constituante qui désignera un gouvernement provisoire et fixera la date d’élections législatives et présidentielle. Le parti islamiste ne devrait toutefois pas remporter de majorité et risque de se heurter à un front de formations laïques, telles le Parti démocratique progressiste (PDP), soucieux de préserver les valeurs laïques de la Tunisie ; une telle « union sacrée » des formations laïques compliquerait sa quête de partenaires de coalition.

Ennahda s’est employé durant la campagne à dissiper les craintes du camp laïque et des pays occidentaux. Il présentait plusieurs candidates, dont l’une ne portait pas le voile islamique, et il s’est engagé à respecter les droits des femmes. Fait important dans ce pays, durant la période post-coloniale, la Tunisie s’est distinguée par sa volonté de créer une société qui ne soit pas fondée sur des principes religieux. La polygamie a été interdite, les femmes ont obtenu le droit de vote et l’égalité en matière d’héritage, et le port du voile a été découragé. Le camp laïque s’inquiète désormais de voir Ennahda imposer des bouleversements sociétaux par le biais d’un succès politique.

Ennahda s’en défend et il a publiquement pris ses distances avec les salafistes qui ont récemment attaqué un cinéma et une chaîne de télévision après la diffusion du film d’animation Persépolis, dans lequel Allah est incarné à l’écran, ce qui est contraire aux préceptes de l’islam. Mais pour de nombreux observateurs, les positions d’Ennahda ne sont pas claires. Lors d’un dernier meeting de campagne vendredi, Souad Abdel-Rahim, la candidate non voilée du parti, a répété que sa formation préserverait les acquis des femmes. Une grande partie des ouvrages vendus en marge de ce rassemblement étaient cependant l’oeuvre d’auteurs salafistes prônant une séparation entre les hommes et les femmes dans l’espace public et condamnant les élections comme contraires aux principes de l’islam.

TF1.fr

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