Contesté sur la scène politique libanaise et déstabilisé par la précarisation du régime syrien, le Hezbollah, jusqu’ici acteur majeur des conflits régionaux, est devenu temporairement tributaire des tensions croissantes au Moyen-Orient.La chasse aux agents doubles

Moussa Sadr, Imad Mughniyé, Ragheb Harb, Abbas Moussaoui, Ruhollah Khomeyni (Gilles Rubin)

La défection en décembre 2006 de Reza Ali Asghari, commandant des Pasdaran et fondateur du Hezbollah, a porté un rude coup au Hezbollah et à son parrain iranien.

En effet, Asghari a communiqué à la CIA et au Mossad la cartographie des réseaux de financement du parti de Dieu. Ses informations ont permis le démantèlement de nombreuses cellules implantées en Amérique latine, en Afrique de l’ouest et en Irak, et ont bouleversé les circuits de financement du Hezbollah par la diaspora chiite.

Le Hezbollah se financerait notamment par le trafic de cocaïne, de Ciuadad del Este vers l’Europe, via l’Afrique de l’ouest, et le blanchiment d’argent serait assuré par des banques émiraties et libanaises.

Contraint de revoir son organisation en profondeur, le parti doit également traquer les agents doubles en son sein, suite à l’arrestation de deux de ses principaux cadres (Mohamed El Hajj, responsable des camps d’entraînement, et un ingénieur spécialisé en balistique) et d’une dizaine de ses militants depuis juin 2011, convaincus de collaboration avec la CIA.

Ripostant aux infiltrations dans ses rangs, le Hezbollah a arrêté des dizaines d’informateurs libanais en 2011 et cet automne, la CIA a reconnu la perte de son réseau d’agents au Liban et a transféré le personnel de son antenne beyrouthine à Dubaï.

La remise en cause de la résistance islamique

Exposition du Hezbollah à Baalbeck en juillet 2007 (Gilles Rubin)

Réitérant son soutien au régime de Bachar al-Assad et accusant l’opposition syrienne d’être manipulée par les Etats-Unis et Israël, Nasrallah a réaffirmé le 6 décembre que son parti n’abandonnerait jamais ses armes, que la résistance (à Israël) recrutait et formait de plus en plus de combattants et que son arsenal ne cessait de s’accroître.

A la fois parti politique libanais et bras armé des Forces Al Qods au Liban, le Hezbollah sera en première ligne en cas de conflit entre l’Iran, Israël et les Etats-Unis.

Pourtant, l’idée même de résistance islamique est de plus en plus décriée au Liban, en particulier par la communauté sunnite qui ne pardonne pas au Hezbollah d’avoir contribué à la chute du gouvernement Hariri en janvier 2011.

Saad Hariri (Gilles Rubin)

Ainsi, en novembre 2011, plusieurs manifestations ont été organisées par le Courant du Futur de Saad Hariri dans la région du Akkar et à Tripoli pour dénoncer le régime syrien et la domination du Hezbollah sur la scène politique libanaise.

L’attaque de Beyrouth-Ouest et du Chouf par le mouvement chiite en mai 2008 a également laissé un souvenir amer à de nombreux Libanais.

Dans un contexte de tensions croissantes entre les sunnites et les chiites sur fond de rivalité entre l’Iran et le Conseil de coopération du Golfe mené par l’Arabie saoudite, le clivage confessionnel s’accentue au Liban, en Syrie et en Irak, appuyé par des discours incendiaires de plusieurs leaders religieux et politiques.

La guerre froide entre l’Iran et l’Arabie saoudite

L’Iran et l’Arabie saoudite ne sont eux-mêmes pas en reste dans cette radicalisation, préférant une guerre par procuration qu’un conflit ouvert et frontal.

Le premier cherche à déstabiliser le royaume wahhabite en soutenant la contestation chiite dans la province pétrolifère d’Al Charquiya et dans le royaume voisin de Bahreïn, et en appuyant la rébellion zaydite au Yémen.

Le royaume saoudien a quant à lui pris la tête de la répression à Manama en mars 2011 et finance une partie de la rébellion syrienne, les mouvements salafistes et le Mustaqbal d’Hariri au Liban, les salafistes et les Frères musulmans en Egypte et en Tunisie, afin de renforcer son influence sur le Moyen-Orient arabe et d’isoler l’Iran.

A l’aube d’une guerre régionale ?

Enfin, la question du nucléaire iranien attise les tensions dans le golfe arabo-persique où transitent plus de 40% des approvisionnements mondiaux d’hydrocarbures.

Militant depuis des années pour la mise en place d’un programme nucléaire clandestin en coopération avec le Pakistan, le prince Turki al Faisal, ancien responsable des services de renseignements saoudiens (GID/GIP), a publiquement affirmé le 5 décembre dernier que son pays devait se doter de l’arme nucléaire afin de parvenir à l’équilibre stratégique face aux deux puissances régionales, Israël et l’Iran.


Bachar Al-Assad (Gilles Rubin)

Dans le pandémonium moyen-oriental, chacun se prépare à la prochaine déflagration qui paraît inéluctable, reste à savoir quelle sera la cause qui déclenchera une guerre régionale. Une intervention israélienne contre le nucléaire iranien ?

Une fuite en avant du régime syrien qui exhibait récemment sa puissance balistique et menace de provoquer le chaos dans la région s’il est renversé ? Ou une attaque du Hezbollah contre Israël sur le modèle de 2006 ?

Gilles Rubin

DE BEYROUTH À JÉRUSALEM

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