Manfred Gerstenfeld interviewe Isaac Lipschits.

“La discrimination d’après-guerre, contre les Juifs aux Pays-Bas, s’est manifestée de plusieurs façons. Les autorités rabaissaient les Juifs et négligeaient leurs intérêts. L’impression de l’opinion publique était que la communauté juive ne représentait plus rien, même pas elle-même.

Isaac Lipschits, historien et politologue, a été Professeur d’Histoire Contemporaine de l’Université de Groningen, en 1971. En 2001, il a publié un livre, devenu un best-seller en Hollande. Son titre se traduirait par : La « petite » Shoah : les Juifs dans la Hollande d’après-guerre. Il est décédé en 2008.

“Un cas de discrimination particulièrement criante concernait les Juifs apatrides d’origine allemande. Le Gouvernement d’Hitler avait décrété quiconque fuirait l’Allemagne perdrait automatiquement sa nationalité. Après la guerre, le Gouvernement hollandais a décidé de ne pas reconnaître la validité de la législation imposée par Hitler. Les réfugiés d’Allemagne, de fait, apatrides – dont la majorité était juive – redevenait des citoyens allemands et étaient traités comme des nationaux allemands.

“Les autorités néerlandaises, par une logique devenue folle, considéraient, à présent, ces prétendus Juifs Allemands rejetés comme des « citoyens ennemis ». Plus d’une centaine de ces survivants juifs revenant de Bergen-Belsen, ont été arrêtés à la frontière hollandaise. Dix-huit ont été internés dans un camp, avec des collaborateurs néerlandais et des membres de la SS arrêtés. Ils devaient travailler dans une carrière de gravier et étaient frappés comme les autres, par des gardes hollandais. Lorsqu’ils s’en sont plaints à l’officier commandant le site, celui-ci leur a rétorqué qu’il n’était pas l’ami des Juifs. Il a, ensuite, fait en sorte que les Juifs, qu’il considérait comme des gens difficiles à mener, doivent travailler encore plus dur. Ce n’est que bien plus tard qu’il s’est fait renvoyer. Les biens subsistants de ces survivants ont été confisqués et redistribués au titre de la propriété de l’ennemi. Cela a pris énormément de temps à leurs avocats pour pouvoir les récupérer.

“Les écrivains juifs rappellent souvent leurs expériences négatives, aux Pays-Bas libérés. Gerhard Durlacher , un survivant d’Auschwitz, a écrit qu’ils étaient plus traités comme de la marchandise, plus que comme des passagers. Quand il a demandé à l’ancien voisin de ses parents s’il restait quoi que ce soit des biens de leur famille, on lui répondu par la négative, alors même que ce voisin portait le costume du père de l’auteur .

“Avant la guerre, la communauté juive organisée était régulièrement consultée par le gouvernement, quels que soient les intérêts en jeu. A présent, la communauté était si réduite qu’on n’entendait même plus parler des problèmes particuliers la concernant. Par exemple, une commission désignée par le gouvernement, qui devait s’occuper des indemnisations pour les préjudices subis par les bâtiments religieux, ne comportait aucun membre juif, quand bien même aucune autre communauté n’avait été victime d’autant de dégâts contre ses lieux de culte.

“Un autre exemple : durant la guerre, les institutions des villes le long de la côte, avaient été évacuées par crainte d’un débarquement britannique. Elles comprenaient la Fondation Clara, qui prenait soin des enfants juifs atteints de tuberculose. Après la guerre, toutes les organisations ont été remboursées pour les coûts supplémentaires auxquels elles ont eu à faire face. Sauf, la Fondation Clara, qui en a été exclue, parce que les autorités d’après-guerre considéraient qu’elle avait été transférée pour préparer la déportation de ses pensionnaires .

“Et même alors, on gérait, aux Pays-Bas, les situation de catastrophe de manière différente que toute autre situation normale. Cela dit, « l’approche égalitaire » du gouvernement a désavantagé les Juifs, à cause de l’application des lois relatives à l’héritage d’avant-guerre, selon des normes conçues pour une société de temps de paix, ayant des taux de mortalité ordinaires. De fait, les Juifs ne décomptaient pas leurs morts, mais plutôt leurs survivants.

“Le pays était en difficultés économiques, en 1945. La politique du Ministre des finances, Piet Lieftinck, décrétait que tous les Hollandais devaient contribuer à la reconstruction financière du pays. Le gouvernement hollandais, cependant, a laissé les Juifs payer substantiellement plus que la part qui aurait dû leur être allouée. On peut même insister sur ce point : ce sont les Juifs qui ont financé une partie largement disproportionnée de la reconstruction des Pays-Bas.

“Un certain nombre de Hollandais avaient subi divers dommages matériels, mais chaque Juif, à lui seul, avait perdu bien plus, si ce n’est la totalité de ses biens. Le gouvernement hollandais le savait, pourtant il a refusé de reconnaître l’exceptionnalité de cette position sociale, comme si le faire aurait été à son détriment. Il est même allé un stade plus loin et a profité, en toute connaissance de cause, de cette situation.

“De nombreux Juifs étaient aussi désavantagés, à cause d’une autre loi d’avant-guerre. Si quelqu’un avait loué un appartement, reloué à d’autres, après les déportations, les nouveaux locataires étaient habilités à demeurer. Dans les Pays-Bas d’après-guerre, on constatait une pénurie dramatique de logements. Aucune mesure n’a été prise pour aider les Juifs à trouver de la place, en dépit des circonstances exténuantes qu’ils avaient vécues et continuaient de vivre.

“Le gouvernement hollandaise a toujours nié sa part de responsabilité pour ce que les autorités néerlandaises ont fait subir aux Juifs durant la guerre. Dans presque tous les cas, la police hollandaise a expulsé ces Juifs de leurs maisons sur ordre des Allemands. Elle a aussi pris les enfants des orphelinats juifs, les vieux de leurs maisons de retraite et les malades de leurs hôpitaux juifs. Après l’arrestation des Juifs, la police néerlandaise faisait l’inventaire des meubles, à l’intérieur des maisons, avant de les envoyer comme « c adeau du peuple de Hollande au Peuple allemand ». Les policiers savaient pertinemment qu’ils exécutaient une politique inhumaine et scélérate qui aurait dû ne pas relever de la mission des forces de police.

“Dans le journal de la police des temps de guerre, on peut lire des “avis de recherche” à l’encontre de Juifs qui ont caché leurs biens, plutôt que de les livrer à la LIRO, une institution établie pour extorquer leurs biens aux Juifs. Le même journal établit des listes de noms de Juifs qui ne se sont pas rendus à des points de rendez-vous, pour être conduits dans les camps de concentration et d’extermination. Le gouvernement d’après-guerre a nié toute responsabilité pour les actes de ces fonctionnaires et tant d’autres de responsables du gouvernement ».

Ceci est une version abrégée d’une interview, initialement publiée dans le livre de Manfred Gerstenfeld : Europe’s Crumbling Myth: The Post-Holocaust Origins of Today’s Anti-Semitism.“L’effondrement du Mythe de l’Europe : les origines de l’antisémitisme d’aujourd’hui juste après la Shoah ».

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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Ruth

immakhchemam!!

benjamin

c est grave et revoltant.. mais pas grand chose a cotè du traitement des survivants peu nombreux helas de la shoah revenus chez eux en pologne …. il y a eu des pogroms ou plus de 200 juifs ont ete tuès par la populace polonaise et ce en …..1949…a lire le tres beau livre le massacre des innocents qui relate en detail ce fait absolument revoltant …