Jean Kahn désapprouvait le voyage de la honte 1999

Le Judaïsme français perd un grand homme de conviction

C’est quelque peu tardivement mais non moins sincèrement que je souhaiterais, à ma façon, rendre hommage à M. Jean Kahn (Z »L), ce grand homme de conviction que j’ai eu l’honneur de connaître et de rencontrer à plusieurs reprises dans différentes manifestations auxquelles il assistait malgré le lourd handicap qui était le sien depuis de nombreuses années.

C.E Nephtali.
Comme il fut déjà déclaré et écrit, c’est effectivement une très grande perte pour le Judaïsme français car il était un des derniers sinon le dernier grand de notre époque.

Il faut se souvenir que M. Jean Kahn présida plusieurs organisations juives (CRIF, Congrès Juif Européen et Consistoire Central de France, entre autres) et se consacra à l’accueil des « rapatriés » d’Afrique du Nord et aux Droits de l’Homme dans le monde. C’est ainsi qu’il s’impliqua en faveur des Boat People et qu’il organisa des convois humanitaires au Kosovo en 1999 sur le territoire de la République Fédérale de Yougoslavie.

En 2000, il initia des voyages de solidarité en Israël lors des troubles (intifada) qui s’y produisaient. La même année, pour ‘Hanouccah, il fut à l’origine de cette merveilleuse opération qui permit à 1000 familles nécessiteuses de notre Communauté de commémorer cette belle fête des Lumières. Et tout cela sans oublier les voyages de la Mémoire à Auschwitz. Il convient également de se souvenir de son action lors de la douloureuse affaire de la profanation de Carpentras en mai 1990.

M. Jean Kahn était intraitable dans la défense d’Israël sans pour autant vouloir, comme certains malheureusement, vouloir donner des conseils aux dirigeants israéliens. Et j’ai encore souvenance de sa forte désapprobation, voire de son opposition à ce « voyage de la honte », comme qualifié par un Grand Rabbin, qu’avait cru bon d’organiser en mars 1999 M. Henri Hajdenberg alors Président du CRIF, ce Monsieur à qui d’ailleurs, le 21 mars 1999, j’avais envoyé la lettre ci-dessous, lettre restée sans réponse.
Cette forte désapprobation de M. Jean Kahn s’était d’ailleurs concrètement traduite par la suspension de la participation du Consistoire au sein du CRIF. En février 2011, mon Ami Moïse Cohen, Président d’Honneur du Consistoire de Paris et ancien vice-Président du CRIF, publia le très beau texte se terminant par cette interrogation « Alors, à quand le retour du Consistoire au CRIF ? ». A-t-on répondu à cette question ?

crif.org/fr/tribune/Reintegrer-le-CRIF-Par-Moise-Cohen Article original

M. Jean Kahn, je vais arrêter là mon petit texte, peut être maladroit d’ailleurs, en souhaitant que vous reposiez en paix, étant convaincu que vous prierez pour Israël ainsi que pour notre Communauté pour lesquels vous vous êtes tant dévoué sur cette terre.

Charles Etienne NEPHTALI

Monsieur Henri Hajdenberg, Président du CRIF
39 rue Broca 75005 PARIS

Monsieur le Président,

Sous peine de vous choquer, j’ai trouvé l’initiative du CRIF inappropriée et inutile. C’est, à mon sens, une ingérence inadmissible et très fortement déplacée de Français, fussent-ils Juifs, dans les affaires internes d’un Etat souverain : Israël.

Vous ne manquez pas, et vous n’avez pas tout à fait tort, de critiquer, voire de gloser sur ces Juifs qui veulent faire la politique israélienne sur les bords de Seine, à Deauville ou Juan-les-Pins. Pourquoi donc, Monsieur, avez-vous décidé ce voyage si controversé? Orgueil ? Publicité ? Recherche d’honneurs ?

Quel intérêt aviez-vous à vous rendre, j’allais presque écrire « à vous prosterner », devant M. Moubarak, le roi Abdallah et le criminel Arafat ? Quelles en furent les retombées ? Quels résultats positifs avez-vous obtenus de ce voyage qualifié par vous-même et vos compagnons de voyage « d’historique » ? Vous avez été les seuls d’ailleurs à vous attribuer ce satisfecit ! Je ne pense pas que vous ayez « plaidé pour la paix » !
M. Moubarak, ce pharaon moderne d’un pays où l’antisémitisme de la presse et des intellectuels est largement toléré, ne s’est pas privé de critiquer Israël. Vous ne vous êtes contentés que d’accepter la prétendue séparation de l’état égyptien et de la presse et la justice. Naïveté ? Inconscience ? Peur ? Je m’interroge.

Le Roi Abdallah, devant lequel le Grand Rabbin Sirat à récité, comme prévu par nos Sages, n’a pas hésité, dès le lendemain, à mettre en pratique le raccordement électrique de la Jordanie avec l’Egypte en violation flagrante des clauses du traité de paix qui lie son pays à Israël prévoyant un raccordement tripartite. Ce même Roi protestant et accusant Israël de ne pas respecter les accords israélo-jordaniens lorsque Israël décida, en raison de la sécheresse exceptionnelle qui a régné dans la région, de restreindre le quota d’eau devant être livré à la Jordanie. Comment avez-vous réagi ? Qu’avez-vous dit ?

Que penser de vos déclarations, Monsieur, prétendant que le « président Arafat » ne ferait plus allusion à une auto proclamation le 4 mai prochain d’un état indépendant avec Jérusalem comme capitale ? Que penser de ces « franches discussions » et du « sérieux du président Arafat » ? On sait ce qu’il en est : le lendemain et les jours suivants le même Arafat déclarait l’inverse en Allemagne, en Angleterre et ailleurs. Vendredi dernier, il faisait même une déclaration inadmissible, menaçante et belliqueuse qui a « attristé » le Grand Rabbin Sirat, lui qui n’avait pas manqué, depuis ce scandaleux voyage, de parler de ce « président malade mais responsable », de cette « Palestine »…. « Si les Israéliens ne sont pas contents, qu’ils aillent boire l’eau de la mer morte » a déclaré Arafat en brandissant la menace d’une nouvelle intifada, avec « des armes cette fois » ! Avez-vous été « attristé » vous aussi ? Vous ne connaissez donc pas la mauvaise foi de cette engeance !

Je ne me sens pas représenté par les participants à ce voyage d’allégeance, « ce voyage de la honte », comme qualifié par un Grand Rabbin dans une Grande Synagogue de Paris, voyage qui n’aura satisfait que vous-mêmes et les pays hostiles à Israël. D’ailleurs, il est évocateur que la France, ayant systématiquement des positions pro-arabes et anti-israéliennes, ait apprécié votre malencontreuse et regrettable initiative. Vous avez, Monsieur, créé un fossé dans la Communauté et votre « un état palestinien est inéluctable » m’a scandalisé, et je ne suis pas le seul.
M. Netanyahou a bien fait de ne pas recevoir « nos » prétendus « représentants ». En tant qu’homme poli, il vous a envoyé un courrier mais sachez lire entre les lignes. Le Président Jean Kahn a très bien fait de désavouer ce voyage et de suspendre la participation du Consistoire au sein du CRIF. M. Alex Moïse de la FOSF en a fait de même. J’approuve sans réserve tout comme j’approuve ce que vous aurait dit le Président Ezer Weizman, à savoir « de faire votre alyah si vous voulez aider Israël » et que « les Arabes ont le numéro de téléphone et l’adresse d’Israël s’ils veulent dire quelque chose ».

Vos « bons offices » sont superflus et déplacés ! M. le Président, vous devriez en tirer les conclusions. Si j’avais quelque pouvoir, je vous demanderais respectueusement de démissionner ! Je vous souhaite néanmoins de bonnes fêtes de Pessah.

Charles Étienne NEPHTALI