Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach.

A l’occasion de sa visite en Israël et dans les territoires sous contrôle palestinien les 17 et 18 novembre 2013, le Président de la république François Hollande, a répété la position traditionnelle de la France, concernant les relations entre israéliens et palestiniens : « partage de Jérusalem en tant que capitale des deux entités israélienne et palestinienne, renonciation au droit au retour des palestiniens et arrêt de la colonisation israélienne».

Le Président François Hollande joue la carte du consensus international qui repose sur des « erreurs communes » en Droit international et les concepts faussés qui en découlent.

1°- la caducité de la résolution 181 concernant le partage de Jérusalem.

La première erreur en Droit international a été commise à la fin de la 1ere guerre mondiale, lorsque les puissances occidentales ont imaginé que les pays arabes pourraient accéder à l’autodétermination et à une organisation nationale sur la base d’un fonctionnement démocratique. Le principe a été posé en 1918 par le Premier Ministre britannique Lloyd Georges du Royaume-Uni, futur mandataire pour la Palestine : « L’Arabie, la Mésopotamie, la Syrie et la Palestine ont, d’après nous, le droit de voir reconnaître leurs aspirations nationales séparées, et (…) le principe d’autodétermination nationale est donc applicable à ces cas de la même manière qu’aux territoires européens occupés ».

Le mandat sur la Palestine confié par la Société des Nations à la Grande Bretagne a donc envisagé l’émancipation des populations arabes locales dans l’article 22 para 4 du Pacte de la SDN : « Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules » (Pacte SDN, Art. 22, par. 4).

C’est donc sur la base d’un principe démocratique qu’ont été envisagés le partage de la Palestine et de Jérusalem, le 29 novembre 1947, avec la résolution 181. L’Assemblée Générale des Nations Unies avait imaginé la capacité pour les populations arabes de Palestine de s’autodéterminer, principe repris dans le « B » de la première partie, avec le principe « d’une commission chargée de recevoir les pouvoirs de la puissance mandataire », « d’organiser les frontières entre l’Etat arabe et l’Etat juif », « la mise en place de Conseils provisoires de gouvernement » (article 3) dans une « phase transitoire avant l’organisation d’assemblée constituante » bénéficiant du « transfert des fonctions d’Etat » (article 7) et « l’organisation d’élections sur la base d’un principe démocratique » (article 9 et10). Les futurs Etats juif et Arabes devaient donc fonctionner selon un mode démocratique avec organisation d’élections pour désigner les représentants de chaque entité. C’est cette même résolution 181 qui prévoyait le partage de Jérusalem entre les juifs et les arabes de Palestine, résolution que la partie arabe de Palestine a refusée.

Les populations arabes de Palestine étaient incapables de s’autodéterminer selon un mode démocratique, en 1947, tout comme les populations arabes en général, comme l’a démontré ce qui était communément appelé le « printemps arabe », les valeurs de l’Islam n’étant pas solubles dans celles de la démocratie.

En tout état de cause, le Président Français ne peut invoquer un principe posé par la résolution 181 (qui préconisait des modalités de partage de Jérusalem), sans tenir compte du refus des arabes palestiniens d’appliquer la résolution 181 en 1947, des dispositions contemporaines des palestiniens à l’égard d’Israël, des guerres menées contre l’Etat juif et de la configuration nouvelle du Moyen Orient qui en résulte. La norme internationale doit tenir compte de la réalité des situations, non des phantasmes.

2°- la caducité du droit au retour institué en 1948, réservé à certains palestiniens et dans des conditions spécifiques

Le Président Français se méprend également lorsqu’il demande aux palestiniens de renoncer à leur droit au retour en Palestine. En présentant cette demande, il les conforte dans leur conviction selon laquelle ils disposent d’un droit au retour en Israël, ce qui est faux. Les palestiniens déplacés en 1948 dans les pays arabes limitrophes se sont vus accorder, avec la résolution 194 III du 11 décembre 1948 un droit au retour dans leur « foyer » (à condition qu’ils en aient un), le plus rapidement possible (pas 65 ans plus tard), et s’ils acceptent de vivre en paix avec les populations juives d’Israël (ce qu’ils ont toujours refusé). A défaut, il était prévu des compensations financières (dont les palestiniens ont déjà largement profité). Non seulement l’article 194 III est caduc, puisqu’il a déjà été appliqué avec les dotations généreuses de la communauté internationale, mais en en tout état de cause, le texte concernaient les palestiniens qui avaient un foyer dans ce qui est devenu Israël (ils n’en ont plus) et non leurs enfants, petits-enfants, ou arrières petits-enfants.

Le Président Français ne peut donc demander aux palestiniens de renoncer à un droit qu’ils n’ont jamais eu, sauf à entretenir leur rancœur et accabler Israël.

3°- l’absence de colonisation israélienne de « territoires palestiniens »,
faute de « territoires définis dépendant d’une souveraineté palestinienne ».

Le président français a également appelé à l’arrêt de la colonisation des territoires palestiniens. Il s’agit encore d’un mensonge international qui repose sur des concepts faux. Le principe de libération des territoires occupés trouve sa source dans la résolution 242 (de 1967) qui pose le principe d’un règlement pacifique du conflit, le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés et la reconnaissance de la souveraineté de chaque État de la région. Or, c’était la Jordanie qui était occupée dans sa partie occidentale, non la Palestine qui n’a jamais existé en tant qu’Etat indépendant. Dans la mesure où la Jordanie a renoncé à sa souveraineté sur la Cisjordanie le 31 juillet 1988, elle a cessé d’être occupée dans la partie occidentale. Il n’y a donc plus de territoires occupés et donc plus de colonisation. D’ailleurs, la résolution du 29 novembre 2012, de l’Assemblée générale de l’ONU qui a reconnu la Palestine en tant qu’État observateur non membre ne lui a pas affecté de territoire particulier.

Sont donc caduques, les résolutions du Conseil de sécurité concernant l’occupation de la Jordanie comme la Résolution 298 du 25 septembre 1971 selon laquelle « le principe de l’acquisition d’un territoire par la conquête militaire est inadmissible » ou encore la Résolution 446 du 22 mars 1979 qui stipule : « Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem… sont totalement nulles et non avenues », voire encore la résolution du Conseil de Sécurité 478 du 20 août 1980 prise à la suite de l’adoption par Israël le 30 juillet 1980 de la loi fondamentale faisant de Jérusalem la capitale « entière et réunifiée » d’Israël. Faute de Jordanie occupée et d’Etat Palestine doté d’un territoire spécifique, il n’y a pas de colonisation par Israël de territoires.

Conséquence, la Cour Internationale de Justice s’est méprise lorsqu’elle a condamné, le 9 juillet 2004 « l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé » (p73) déclarant que « ce mur était illégal et permettait à Israël de s’approprier indûment des terres ». La Cour Suprême israélienne a donc régulièrement et justement contesté l’autorité de la CIJ.

(HCJ 102/82 Tzemel v. Minister of Defence 1983″>Article original IsrSC 37(3) 365 ; HCJ 69/81 Abu Ita v. IDF Commander in Judaea and Samaria 1983″>Article original IsrSC 37(2) 197; HCJ 9132/07 Albassioni v. Prime Minister; HCJ 769/02 Public Committee against Torture v. Government 2006″>Article original (2) IsrLR 459. David Kretzmer, The Occupation of Justice : the Supreme Court of Israel and the Occupied Territories, State University ofNew York Press, 2002, 262 p)

Le Droit international positif se doit d’en tenir compte et reconnaître la réalité des situations juridiques, telles qu’elles sont. Il ne s’agit pas de susceptibilité à ménager ou de compromis à trouver : la règle transcende le juriste, quel que soit le pays qui l’a vu naître.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach.

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