La plupart des français et franco-tunisiens ont voté à gauche comme au premier tour, mais la victoire de François Hollande en a soulagé beaucoup. Face à un bras-de-fer serré entre les candidats, le prochain enjeu en Tunisie sera les législativesL’atmosphère était bien calme vers 14h du côté du lycée Gustave Flaubert dans la banlieue nord de Tunis à la Marsa. Installé dans les locaux du lycée, un bureau de vote destiné aux français en Tunisie attend les électeurs. L’affluence a surtout eu lieu le matin confirme un des membres du consulat de France, mais «le taux de participation est sans aucun doute plus élevé que les autres années». L’élection a été largement remportée par François Hollande en Tunisie comme le confirme les résultats provisoires lundi 7 mai 5278 voix pour Hollande (71, 03%) et 2153 voix pour Sarkozy (28, 97%).

Le bureau de vote à la Marsa dimanche 6 mai

La majorité des votants de ce côté de la capitale sont des franco-tunisiens qui ont voté deux fois dans l’année 2011-2012, une fois lors du scrutin historique du 23 octobre pour la Tunisie et aujourd’hui pour le futur président de la république français. A l’entrée du bureau de vote de la Marsa, les deux drapeaux, français et Tunisiens flottent en symbiose. Cette double nationalité, c’est une fierté qu’il revendique des deux côtés. L’un d’eux Moncef, agriculteur, qui habite depuis cinquante en Tunisie, a d’ailleurs choisi François Hollande, justement à cause de la question de la double nationalité quelque peu mise à mal par l’UMP (même si Nicolas Sarkozy avait démenti être pour sa suppression). Comme d’autres électeurs, il a aussi été marqué par le renforcement de la dérive extrémiste.

«C’est sûr que vu d’ici on ressent beaucoup plus les discours sur l’immigration et la question de l’immigration «choisie», à savoir donner le droit de vote aux canadiens, américains mais pas à certains arabes, pour moi c’était éliminatoire dès le départ. » Sélim, franco-tunisien travaillant au consulat plaisante à moitié en déclarant que certains de ses amis franco-tunisiens ont «voté Front National au premier tour, juste par pique pour les Tunisiens de France ayant voté Ennahdha».

Pour lui, l’enjeu des élections françaises était important car il déplore le fait de ne pas avoir pu choisir son président lors des élections tunisiennes. «Mais c’est resté très serré jusqu’au bout, le dernier débat entre Hollande et Sarkozy m’a décidé».

L’entrée du lycée Gustave Flaubert à la Marsa

Pour son collègue, les élections françaises ont toujours été une échappatoire durant l’ère Ben Ali «c’est vrai que l’on avait la possibilité de voter et d’être politisé. Je me souviens, pendant des années, j’allumais la télévision pour suivre France 2 ou TF1 et je suivais chaque campagne présidentielle avec passion. Maintenant c’est Nessma TV , Hannibal qui viennent s’y ajouter, c’est une vraie richesse de pouvoir voter dans les deux pays.»

A l’entrée du bureau de vote à la Marsa, les photos des deux candidats sont côte à côte, le doute quant à l’issue du scrutin est encore présent chez quelques uns. Devant la sortie, quelques électeurs discutent en catimini : «C’est de la folie si Sarkozy passe, on est reparti pour cinq ans.» déclare l’un d’eux.

Pour Sabrine jeune tunisienne naturalisée française, c’était la campagne de Hollande en faveur de la jeunesse qui l’a le plus touchée. A 22 ans, elle expérimente pour la première fois le vote en France : «J’ai tout suivi au niveau de la campagne électorale. Ce qui m’a interpellé chez François Hollande c’est surtout les thèmes proches de mes préoccupations : l’éducation, la TVA et la jeunesse. Et puis, c’est celui qui m’est apparu le plus sincère des deux.»

Vers 16h30 (17h30 heure française) l’affluence reprend et parmi les quelques électeurs qui se pressent, l’un d’eux n’est pas inconnu. Grand de taille , cheveux grisonnant et port altier, le petit-fils de Bourguiba, Mahdi vient «commettre son vote» comme il le dit en plaisantant. Franco-tunisien de par sa grand-mère Mathilde Lefras (première épouse de Bourguiba)c’est la première fois qu’il vote pour la France : «avant je ne votais pas, pour moi c’était une question de principe, si je ne vote pas en Tunisie, alors je ne vote pas non plus en France. Cette année, tout a changé, c’était une excellente expérience de pouvoir voter dans les deux pays.» Mais pourtant il ne croit pas à la double nationalité, « En Tunisie, je suis tunisien et en France , pour les français, je suis français. » conclue-t-il après son vote qu’il voit avant tout comme un vote « utile » et un « devoir ».

Et après? Les victorieux de la gauche abordent déjà la question des législatives après l’annonce des résultats à l’hôtel Belvédère dans le centre-ville de Tunis. L’affiche de François Hollande accueille le visiteur dès l’entrée. Dans la salle du QG socialiste, des roses sont disséminés un peu partout et un projecteur qui a permis de suivre en direct les dernières minutes avant la gloire diffuse les images d’une Bastille en fête. Pour Patrick Thonneau, délégué régional de François Hollande pour les élections, la victoire est avant tout un «soulagement» mais aussi une «fierté»:

«Nous étions vraiment inquiets car Nicolas Sarkozy voulait vraiment gagner, on sent qu’il s’est acharné jusqu’à la fin avec l’appel à la mobilisation de l’électorat d’extrême droite».

Mais sa fierté, c’est celle de «l’élan de la jeunesse qui s’est donné les moyens de faire gagner la gauche.» Il regarde déjà la suite avec excitation. «C’’est plutôt positif car au Sénégal et au Mali, nous avons eu aussi une majorité pour François Hollande, alors qu’en général les français à l’étranger votent plutôt à droite. L’idée c’est donc de poursuivre le combat pour les législatives.»

Autour de lui, Tunisiens, franco-tunisiens et français fêtent la victoire. Anouar, tunisien, se dit ravi qu’à Sfax, Hollande ait fait 60 %, alors que «la ville est plutôt conservatrice», un clin d’oeil pour l’avenir de la gauche tunisienne? La fin de la soirée électorale se déroule sur les réseaux sociaux où les Tunisiens ne manquent pas de commenter la victoire de la gauche. Quant à Willis from Tunis, la caricaturiste tunisienne ne manque pas de pointer du doigt l’avenir de l’ambassadeur français en Tunisie, proche de Nicolas Sarkozy.

Caricature de Willis from Tunis dimanche 6 mai 2012

Pour Samir Marzouki, professeur de français, l’intérêt des Tunisiens pour ces élections est révélateur d’un lien encore très profond entre les deux pays.

«Moi-même j’étais étonné de voir autant de Tunisiens suivre avec passion ces élections et crier leur joie quant au départ de Sarkozy. Peut-être est-ce aussi une manière pour la gauche tunisienne de compenser leur échec électoral et de voir un espoir pour les prochaines élections. »

Sur Facebook, les vannes vont de bon train. Selon le blogueur Bassem Bouguerra, l’élection de François Hollande marque une avancée pour l’avenir des relations franco-tunisiennes notamment à la suite de la dernière annonce de François Hollande sur la suppression de la dette tunisienne. Dans son post intitulé « Is François Hollande, a tunisian victory ? » celui-ci voit aussi dans l’élection, une rupture avec l’image dévalorisée de la France pour son soutien à Ben Ali. Certains internautes tunisiens reprochent au quotidien Libération d’avoir piqué le «Normal !» tunisien pour sa Une du lundi, expression très utilisée en Tunisie mais ce le jeu de mots qui revient le plus reste le fameux «Sarko dégage !».

Lilia Blaise – SLATE.fr Article original

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Armand Maruani

Les tunisiens sont rassurés , ils pourront continuer à vociférer  » Mort aux Juifs  » . Avec la clique rouge fasciste ils auront des alliés .