L’Etat Islamique (Daesh) affirme avoir exécuté 489 « opérations martyrs » en Irak, Syrie et Libye, au cours des conq premiers mois de 2016. Ce tableau provient des données mensuelles publiées par Amaq, le bras de la propagande du soi-disant Califat (Daesh) qui diffuse des infographies résumant les attaques-suicide menées par le groupe terroriste.

La plus récente infographie d’Amaq (squr la droite) indique que les djihadistes ont exécuté 119 « opérations martyres », uniquement durant le mois de mai. Si les statistiques d’Amaq sont exactes, alors l’Etat Islamique (Daesh) est en train de lancer des attaques-suicide à un niveau historiquement le plus élevé.

Au début de ce mois, par exemple, le Département d’Etat a rapporté qu’il y a eu 726 « attentats-suicide » exécutés par tous les perpétrateurs autour du globe en 2015.  Par conséquent, tous les groupes terroristes réunis , dont l’Etat Islamique (Daesh), ont mené une moyenne de 61 attaques-suicides par mois en 2015. L’Etat Islamique a presque doublé ce taux en mai et l’a débordé par 20 attentats de plus chaque mois cette année, selon les tableaux produits par Amaq.

Les données référencées par Foggy Bottom sont comilées par le Consortium National d’Etudes du Terrorisme et de Répliques au Terrorisme (START) qui observe « une base de données des événements non-classifiés compilés à partir des informations sur les attentats terroristes disponibles en sources ouvertes ».  

Selon les données du START, on a déjà assisté, en 2015, à) un nombre record d’attentats-suicide. Mais 2016 est actuellement en train de passer à un rythme tel qu’il va éclipser ce point culminant.

Bien que les prétentions d’Amaq soient difficiles à vérifier de façon indépendante, ces statistiques sont raisonnables, étant donnée l’échelle à laquelle Daesh mène ses attaques. Les hommes d’Abu Bakr al Baghdadi revendiquent de façon routinière des attentats-suicide simultanés. L’organisation s’en prend à de multiples adversaires dans chaque pays où elle opère, en faisant de l’usage des attentats-suicide ( l’une des tactiques djihadistes les plus efficaces) un instrument particulièrement important. Par exemple, le Département d’Etat a remarqué que « en moyenne, les attentats-suicide en 2015 ont été 4, 6 fois plus létales que les attentats qui ne sont pas commis par un terroriste-suicide ».

Une vidéo récente d’Al-Hayat, un autre organe porte-parole de Daesh, claironnait cela comme l’opposition entre la mentalité du « Califat et celui du monde ». Dans « La Religion du Kufr (Kouffar) est Une », Al Hayat exprime de façon claire que l’entreprise d’Al Baghdadi est en guerre contre virtuellement tout le reste du monde. Le sous-titre de la vidéo : « L’Etat Islamique et sa méthodologie traitant des partis d’Apostats et des Nations d’Incroyance », souligne le degré jusqu’auquel il s’agit bien d’une stratégie délibérée de la part du groupe terroriste.

L’usage prolifique des « Martyrs » par l’Etat Islamique (Daesh) éclaire probablement, à la fois, ses forces et ses faiblesses. D’un côté, il y a probablement plus de gens, de façon prédominante des jeunes gens, désireux de mourir pur la cause des djihadistes aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu auparavant. (On doit aussi faire remarquer que des adolescents et même des enfants sont utilisés dans des attentats-suicide). De l’autre côté, la plupart des terroristes-suicide de l’organisation sont expédiés dans des zones où le « Califat » est mis au défi, y compris sur des localisations qui se trouvaient auparavant sous son contrôle.

The Long War Journal évalue que Daesh est contraint de déployer beaucoup de ses « martyrs », parce que ses prétentions territoriales  sont en recul en Irak, en Syrie et même en Libye. 

Le Long War Journal a récolté les chiffres fournis par les infographiques d’Amaq de janvier jusqu’en mai 2016. On peut voir les version en anglais de ces infographiques ci-dessous. 

On peut extraire les observations suivantes à partir des statistiques d’Amaq.

La plupart des « opérations-martyres » de Dqaesh, 3003 des 489 revendiquées (62%) ont été menées en Irak. Approximativement la moitié d’entre elles (152 de 303) ont été lancées dnas la Province d’Anbar, où les djihadistes sont engagés dans des combats féroces contre les forces gouvernementales irakiennes et les milices chiites soutenues par l’Iran, depuis des mois. Salahuddin (52 attentats-suicide), Ninive (40), Baghdad (32), et Kirkuk (17) sont les zones ciblées les plus fréquentes. 

L’Etat Islamique a lancé 175 attentats-suicide en Syrie (36% du total) au cours des 5 premiers mois de l’année. La province d’alep (59) a été la cible la plus fréquente, suivie par Hasakah (33), Eir Ez Zor (25), Homs (20) et Raqqa (14). Raqqa, est bien entendu, la capitale de facto de l’Etat Islamique. Les données fournies par Amaq indiquent que 12 des 14 attentats-Suicide à cet endroit, cette année, ont été menés en février.

Les 11 opérations-martyres restantes se sont déroulées en Libye. De façon intéressante à souligner, Amaq prétend qu’il n’y a eu qu’une seule attaque-suicide en Libye entre janvier et avril. Mais le schéma pour mai montre 10 attentats de ce genre. 9 parmi ces dix ont été exécutées dans et autour de Syrte, la base centrale des opérations du groupe en Libye. La présence de l’Etat Islamique à Syrte fait l’objet d’offensives depuis de multiples directions depuis des semaines, les djihadistes perdant de leur emprise  sur certaines des villes voisines et sur des installations cruciales. Ainsi le groupe tente probablement d’entraver les avancées de ses rivaux par le déploiement d’attentats-suicide.

Les forces irakiennes sont les cibles les plus fréquentes des « opérations-martyres » de l’Etat Islamique, puisqu’elles ont été touchées 279 fois entre janvier et mai. Le régime de Bachar al Assad est la seconde cible la plus fréquente de Daesh, que les djihadistes-suicide ont frappé en 89 occasions. Les autres terroristes-suicide ont frappé les « unités kurdes » YPG (54 fois), « l’opposition syrienne » (31 fois), les Peshmergas (25 fois), Fajr Libya (10 fois) et les combattants du Général Khalifa Haftar en Libye (1 fois).

Les Véhicules-chargés-D’Explosifs-Improvisés (VBIED) sontutilisés plus souvent que les terroristes-suicide chargés de ceintures explosives,selon Amaq. Ses tableaux mentionnent 301 VBIED utilisés lors des attentats-suicide (62% du total) par comparaison avec 184 attentats utilisant des ceintures, des gilets et des vestes chargés d’explosifs. Les 4 restants sont listées comme des « opérations duales ».

En supposant que les statistiques d’Amaq soient justes, alors on peut dire que la machine « à martyrs » de Daesh bat des records en termes de rythme d’opérations suicide.

Dans un but illustratif, le  Long War Journal a comparé les affirmations d’Amaq à des données rapportées dans le Rapport annuel par pays du Département d’Etat sur le Terrorisme entre 2005 et 2015. Les données de 2005 jusqu’en 2011 proviennent du Centre National de l’Antiterrorisme (NCTC) alors que les données de 2012 jusqu’en 2015 ont été accumulées par le START (cité plus haut). La méthodologie consistant à faire la traçabilité des attentats terroristes a évolué à travers le temps et ce résumé bref ne prend pas en compte ces changements.

Comme on l’aperçoit sur la charte ci-dessous, les données rassemblées par le NCTC et le START indiquent que toutes les organisations terroristes autour du globe – dont l’Etat Islamique, al Qaïda et ses branches régionales, les Talibans, l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (connu sous l’acronyme de Boko Haram), ainsi que d’autres groupes terroristes djihadistes et non-djihadistes – ont mené une moyenne de 61 attentats-suicide par mois en 2015. Dans aucune autre configuration statistique annuelle cette figure n’a excédé 50 suicides-terroristes auparavant. De 2009 à 2012, il y a eu moins de 30 attentats-suicide par mois globalement.

L’Etat Islamique affirme que ses combattants ont exécuté près de 98 « opérations-martyrs » par mois jusqu’à présent en 2016. C’est 37 attentats-suicide de plus par mois que toutes les autres organisations terroristes combinées, en 2015.

Cela vaut la peine de mentionner encore une fois qu’il y a eu plus d’attentats-suicide, en 2015, 726 au total, que dans n’importe quelle année auparavant, selon les statistiques du NCTC et de START. Avant cela, en 2014, on a assisté à un record sur les phases précédentes de 575 attentats-suicide. Par conséquent, la courbe de tendance s’est accentuée au cours de ces dernières années. Au rythme actuel (il est loin d’être certain que l’Etat Islamique puisse le maintenir), l’Etat Islamique exécuterait plus de 1.100 attentats-suicide cette année, simplement en Irak, en Syrie et en Libye. Les statistiques d’Amaq ne comprennent pas les attentats commis ailleurs.

Pour ajouter une autre perspective aux « opérations-martyres » actuelles de l’Etat Islamique, on doit considérer les données publiées par le Washington Post en 2008. Selon le Post, il y avait eu juste 54 attentats-suicide au total en 2001, quand les « martyrs » d’Al Qaïda ont lancé les détournements d’avion les plus dévastateurs de toute l’histoire de l’humanité. Bien que l’écrasante majorité des attentats-suicide de l’Etat Islamique soient lancés essentiellement en zone de guerre au Moyen-Orient, avec comparativement relativement peu en Occident (Paris et Bruxelles), les « martyrs » d’Al Baghdadi dépassent ce tableau chaque mois.

Tandis que les attentats-suicide ont été relativement rares en 2001, ils sont maintenant une occurrence ordinaire, en particulier dans les zones de guerre telles que l’Irak et la Syrie.

Les tableaux infographiques des « opérations-martyres » “de juin à mai 2016, sleon Amaq (en anglais) :

Thomas Joscelyn est chercheur principal à la Fondation pour la Défense des Démocraties et rédacteur en chef du The Long War Journal.