NETFLIX Emilie et son compagnon Nicolas, dans le documentaire des frères Naudet.

13-NOVEMBRE – Une salle plongée dans l’obscurité, un micro pendu au-dessus de soi, et un écran pour seul interlocuteur. En entrant dans le studio réquisitionné pour le tournage de « 13-Novembre: fluctuat nec mergitur« , Emilie Forquin a d’abord été « déstabilisée » par cette atmosphère confinée.

Puis le lieu s’est transformé en « bulle » tranquille. Elle a raconté son concert au Bataclan, et s’est sentie « mieux ».

Emilie et son compagnon Nicolas, rescapés de l’attaque dans la salle de concert parisienne en 2015, font partie de la quarantaine de témoins des attentats de Paris et Saint-Denis passés devant la caméra des frères Jules et Gédéon Naudet dans le cadre de leur série documentaire disponible à partir de ce vendredi 1er juin sur Netflix.

En trois épisodes d’une heure, victimes, soigneurs et représentants de l’autorité retracent le fil de cette soirée qui a bouleversé leur vie.

À l’écran, les témoins semblent interrogés dans l’environnement qui était le leur ce soir-là. Un café parisien, une caserne de pompiers, l’abord d’un stade ou une salle de spectacle obscure.

Mais il s’agit en réalité d’une reconstitution a posteriori. Pour « rajouter de l’intimité » à leur documentaire, les frères réalisateurs ont isolé les témoins dans un studio noir, avant d’incruster des images de fond au moment du montage du film.

« Nous voulions mettre le spectateur au plus près, dans la peau de la personne qui était là« , expliquent les Français, rencontrés par Le HuffPost.

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Une conversation intime, les yeux dans les yeux

Cheveux bruns et courts, lunettes sur le nez, Emilie, 37 ans, raconte face caméra sa soirée du 13 novembre 2015. Elle et son compagnon, venus spécialement depuis la Normandie pour le concert des Eagles of death metal, s’étaient placés au premier étage.

Lorsque les tirs ont retenti, ils se sont cachés avec d’autres spectateurs dans une loge avant de grimper dans les combles du Bataclan, où ils ont attendu jusqu’à l’arrivée de la police.

Quand elle raconte sa « sale nuit » devant la caméra, Emilie est seule au milieu d’une grande salle toute noire. Une bougie tamise l’ambiance. Des spots de lumière l’éclairent par derrière, et un micro est suspendu au-dessus d’elle pour capter les moindres tressaillements de sa voix.

Face à elle, elle n’a qu’un rideau noir et un prompteur, un écran qui est aussi une caméra. Elle y voit le visage de Jules Naudet, qui pose les questions et reconstitue avec elle une forme de conversation intime, les yeux dans les yeux.

Tout le reste de l’équipe, son compagnon Nicolas et d’autres caméras sont dissimulés derrière le rideau.

Si l’installation peut sembler froide et l’écran comme une sorte de barrière insensible, Emilie dit en avoir compris l’intérêt après un temps d’adaptation. Elle ne se sentait pas observée.

Elle remarque « la pudeur de toute l’équipe technique » dissimulée et entend, lorsque son récit devient dur, les « raclements de gorge très discrets » venant de derrière le rideau.

« Épuisée »

Elle qui se dit « portée sur l’émotion » -quand son compagnon est plutôt « factuel »- a eu besoin de faire une pause au milieu des trois heures d’interview.

« J’ai lâché toutes mes larmes, raconte-t-elle au HuffPost. Toute l’équipe est sortie, et je suis restée avec Nicolas dans le studio pour reprendre mes esprits ».

Ressasser ce 13 novembre ne s’est pas fait sans douleur. « J’étais très stressée et angoissée les jours précédant le tournage », dit Emilie, qui s’était jusqu’ici préservée de l’exposition médiatique. « Le soir de l’enregistrement, j’étais épuisée. Et le lendemain, ça a tout ressassé et rebrassé », ajoute-t-elle. Après quelques jours de travail, Emilie s’est « mise en arrêt », « perturbée psychologiquement ».

« On leur demande quand même de se mettre à nu », reconnaît Jules Naudet, qui explique avoir parlé à des psychologues avant d’entamer le projet, pour s’assurer que l’expérience ne perturberait pas la reconstruction personnelle des témoins.

« En fait, témoigner faisait partie de cette reconstruction. Cela les a aidés à se réapproprier ce moment qui leur avait échappé », estime-t-il.

On a montré une part d’humain dont on n’avait nous-mêmes pas conscience »Emilie Forquin, rescapée du Bataclan

Emilie ne regrette pas pour autant sa démarche. « Il fallait montrer que cette soirée a été destructrice pour certaines choses mais qu’elle a aussi révélé de l’humanité. Et on a réussi à le faire avec Nicolas. On a montré une part d’humain dont on n’avait nous-mêmes pas conscience. »

Une semaine avant la sortie du documentaire, elle a pu voir les trois heures consécutives lors d’une projection privée organisée dans un auditorium de l’Hôtel de Ville, à Paris.

« Cela fait deux ans et demi que je n’ose pas m’informer sur ce qui s’est passé ce soir-là, parce que je sais que c’est terrible. Voir ces images et entendre ces récits m’a rappelé que cette soirée, ce n’était pas que le Bataclan. C’était aussi le Stade de France et les terrasses », raconte Emilie. À la fin de la projection, elle a rejoint sa voiture sous des trombes d’eau. « Cette pluie a été bénéfique, elle m’a permis de me laver de tout ce que j’avais vécu. »

 Le HuffPost

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