Victor Hugo. Carnets d’amour à Juliette Drouet (Charles Méla et alii) Gallimard, 2022.

La poésie est une grâce divine. Et celle de Victor Hugo en est, à mon humble avis, la quintessence. Je remercie donc les éditeurs de ce beau livre qui publient des inédits : les carnets secrets d’une passion qui s’étend sur un demi siècle.. J’ai particulièrement apprécié la beauté, le caractère incontournable des mots d’amour qui propulsent la passion amoureuse dans la stratosphère et la rendent immortelle. Je n’avais plus lu ni relu de poèmes de Victor Hugo depuis belle lurette et cette redécouverte m’émeut au plus haut point.
Si je m’écoutais, je reproduirai dans ce bref compte-rendu tous les vers de l’auteur que mon éminent collègue et ami, le professeur (et ancien doyen), Charles Méla nous rappelle avec tant de finesse ; difficile pour un philosophe de développer cette grande sensibilité à la poésie, notamment aux poèmes d’amour. Vive la fibre littéraire !
Hugo évoque l’âme qui se projette dans l’âme de l’être aimé, le cœur qui rejoint l’autre cœur, ou pour citer un vieil adage : les paroles qui sortent du cœur touchent profondément le cœur. Retenez cette belle déclaration du grand poète : deux choses sont dans les yeux d’une femme, les regards et les larmes…
L’amour défie le temps. Il ne tient pas compte, non plus, de l’âge ni des générations. On connait l’échange entre Benjamin Disraeli et la femme mûre dont il était tombé follement amoureux. Jeune, beau, intelligent et fortuné, Premier ministre de sa gracieuse majesté la reine Victoria, Disraeli veut convaincre la femme qu’il aime, d’accepter de devenir son épouse alors qu’elle a quinze ans de plus que lui. Ils deviennent amants mais la femme hésite à s’engager davantage en raison justement de son âge. Elle redoute de se voir délaissée lorsque la différence d’âge sera trop visible. Disraeli a alors cette formue extraordinairement contestable mais belle : la femme qu’on aime n’a pas d’âge…
Les femmes ont joué un grand rôle dans la vie et aussi l’œuvre du grand poète Victor Hugo dont le convoi funéraire fut suivi par près de deux millions de personnes… Du jamais vu !
Ce que des paroles ne sauraient dire, les regards le disent, ce que les regards ne pourraient exprimer, les larmes l’expriment. Une vieille tradition religieuse fait une déclaration à peu près similaire sur la sincérité et l’insoupçonnable sincérité des larmes. Lorsque tous les canaux de la rémission des péchés sont inopérants parce que la divinité est scandalisée par les violences des humains sur terre les larmes versées attestent de la sincérité de l’âme qui se veut t pure et authentique.
Mais Victor Hugo était très attiré par les femmes, or les histoires d’amour finissent mal, en général car quand on a vingt ans on dit des choses qu’on ne dit plus du tout à soixante.
Comme on peut le lire dans le second texte, les deux amants n’étaient pas appelés à se rencontrer, ni à devenir follement amoureux, ce qui n’exclut de la part de Juliette une vie amoureuse bien remplie et chez Hugo un insatiable appétit de conquêtes féminines… Mais le couple a survécu à tous les bouleversements. Hugo, à sa manière, est resté proche de cette comédienne qu’il avait rencontrée dans un cadre professionnel… C’était une femme qui avait vécu auparavant bien des expériences amoureuses.
Quand on suit les différentes déclarons des deux amants -et notamment celles de Hugo, on se rend compte que rien ne pouvait briser un tel amour, ni le passé amoureux de la femme, ni les fréquentes infidélités de l’homme. Et Dieu sait que dans ce couple qui a résisté à tout, seule la mort pouvait avoir le dernier mot… Rien d’autre ne pouvait séparer ces amoureux.
Comment conclure, sinon en redonnant la parole au poète :
Oh ! Pour le reste de la vie
Qu’on nous plaigne ou qu’on nous envie
Tant que nos cœurs se comprendrons
Puisse une sereine pensée
A ton chevet serein fixée
Poser ses ailes sur ton front !
J’aime mieux un sourire de toi que tous le cantiques des anges. J’aime mieux l’amour que la religion. J’aime mieux un baiser qu’une prière. Dieu ne remplit que l’âme, une femme remplit le cœur.
Tout est dit.
Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève.  Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020

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galil308

Je vis depuis 42 ans avec une femme de 25 ans
J’en ai aujourd’hui 70, elle, toujours 25..
Elle est toujours mon amie, est devenue Mamie
En même temps que moi Papy,
Toujours dans l’émotion, toujours dans l’envie…
Pour peu que l’on nous prête vie.
Merci ma mie …

habibi

Tout n’est « grâce divine », mais pour en avoir conscience, il faut déjà vivre naturellement en Dieu cad au delà de l’enfermement auto-centré mental et égotique dans une ouverture supra-individuelle. Les grands maîtres suppliciés, comme Jésus et bien d’autres, l’ont illustré de manière exemplaire.