Turquie : au moins 13 soldats tués et 55 blessés dans une explosion à Kayseri

L’attentat à la bombe visait un bus transportant des militaires dans cette ville du centre de la Turquie. Cette attaque survient une semaine après l’attentat qui a fait 44 morts à Istanbul.

LE MONDE | • Mis à jour le |Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

Une voiture piégée a explosé à proximité d’un bus transportant des militaires, à Kayseri, le 17 décembre.

Treize soldats turcs sont morts et 56 personnes ont été blessées lors d’une attaque à la voiture piégée survenue samedi 17 décembre à Kayseri, une ville de plus d’un million d’habitants au centre de la Turquie. L’attentat s’est produit à 8 h 45, heure locale, lorsqu’un bus transportant des militaires a été percuté par une voiture bourrée d’explosifs. Selon l’état-major, il n’est pas exclu que des civils figurent parmi les blessés.

Les soldats venaient de la caserne Zincidere, un centre d’entraînement des unités commandos de l’armée turque situé non loin de Kayseri. Profitant d’une journée de permission, ils se rendaient en ville. Mais alors que leur bus passait devant le campus de l’université Erciyes, une voiture s’est approchée au plus près et a explosé.

L’attentat de Kayseri n’a pas encore été revendiqué, mais les autorités turques pointent du doigt le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « De par son style », a souligné le vice-premier ministre Veysi Kaynak, « de part le type d’explosifs utilisés », a renchéri un autre vice-premier ministre, Numan Kurtulmus, il est la copie du double attentat-suicide qui a causé, une semaine plus tôt, la mort de 44 personnes (dont 36 policiers) devant le stade de foot de Besiktas, dans un quartier du centre d’Istanbul, et qui avait été revendiqué ensuite par les Faucons pour la liberté du Kurdistan (TAK), proche du PKK.

« Ces attaques terroristes sont liées à ce qui se passe en Syrie et en Irak », a déclaré peu après le président turc, Recep Tayyip Erdogan, appelant à la « mobilisation nationale » contre le terrorisme. Ce nouvel attentat survient au moment où l’armée turque, alliée à des éléments de l’Armée syrienne libre (ASL), tente de conforter son avancée vers Al-Bab, un bastion de l’organisation Etat islamique (EI) dans le nord de la Syrie.

Attentats-suicides à répétition

Situé à environ 25 km de la frontière turco-syrienne, la ville est convoitée par les Unités de protection du peuple (les YPG, des milices kurdes syriennes), qui la voient comme le tremplin idéal pour réaliser la jonction entre les cantons kurdes de Syrie, Kobané et Djezireh à l’est, Afrine à l’ouest.

Depuis 2015, la Turquie est la cible d’attentats-suicides à répétition de la part du PKK et de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI). Dès que la trêve amorcée entre Ankara et le PKK a volé en éclats, en juillet 2015, la guerre a enflammé les régions du sud-est de la Turquie. Elle a ensuite débordé sur les grandes villes du pays : Ankara, Istanbul, Bursa, Adana, Kayseri.

En faisant couler le sang à Kayseri, un fief du Parti de la justice et du développement (AKP – islamo-conservateur), au pouvoir, une ville où les Kurdes ne sont pas présents et où la rébellion kurde n’a aucune assise, le PKK veut montrer qu’il peut frapper n’importe où.

Fini la guerre des années 1990, quand les rebelles faisaient le coup de feu dans les montagnes. Forte de l’expérience acquise en Syrie, où des membres du PKK combattent les djihadistes de l’EI aux côtés de leurs « frères » du parti kurde syrien PYD (Parti de l’Union démocratique), l’organisation a opté pour l’utilisation de kamikazes.

Pour la plupart, il s’agit de jeunes Kurdes originaires du sud-est de la Turquie. Selon les enquêteurs, Burak Yavuz, 20 ans, originaire de la province de Sanliurfa, dans le sud-est de la Turquie, a été identifié comme l’un des auteurs du double attentat-suicide de Besiktas.

Féroce répression contre le mouvement kurde

En ayant recours aux mêmes méthodes que l’EI, le PKK met en danger le Parti démocratique des peuples (HDP, kurde), sa vitrine politique. Les attentats ne font qu’attiser la soif de revanche de la part des autorités et de la population. Le 13 décembre, Besime Konca et Caglar Demirel, deux députés du HDP ont été arrêtés pour leur « soutien » présumé au PKK. Au parlement, où le HDP a 59 élus, treize sièges sont désormais vides, leurs occupants sont en prison. Le 15 décembre, le siège du parti HDP à Ankara a été mitraillé, sans faire de victimes.

La répression envers le mouvement prokurde est féroce. Cinquante-six maires de localités kurdes ont également été arrêtés ces derniers mois. Parmi eux figure Ahmet Türk, le comaire de Mardin (ville située à une cinquantaine de kilomètres de la Syrie), connu pour être la personnalité la plus consensuelle au sein du mouvement. Arrêté le 21 novembre, le vieux militant, 74 ans, porteur d’un stimulateur cardiaque, a été transféré à la prison de Silivri à Istanbul.

Le climat de violence ne fait que renforcer le discours officiel de la « forteresse assiégée », lâchée par ses alliés traditionnels, l’Union européenne et les Etats-Unis. « La Turquie musulmane et indépendante est sous la menace d’un consortium de croisés sionistes et de terroristes. Le PKK agit sous l’impulsion des pays occidentaux », écrivait l’éditorialiste Tamer Korkmaz dans les colonnes du quotidien progouvernemental Yeni Safak, le 13 décembre.

lemonde.fr

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