Les enjeux vitaux d’Israël en Syrie, en Iran, voire sur d’autres champs de bataille obligent Israël à conserver une alliance vigilante avec la Russie, tout en privilégiant celle avec les Etats Unis. Ce n’est pas un équilibre facile, mais jusqu’à là il a tenu. C’est ainsi que l’Ukraine voire l’Arménie paraissent être sacrifiés sur l’autel des intérêts vitaux d’Israël.

Les bases militaires en Syrie, un outil de pression russe contre l’OTAN en Méditerranée.

Anna Borshchevskaya, spécialiste de la politique russe au Moyen-Orient au sein du Washington Institute, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

Alors que les tensions entre Moscou et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) autour de l’Ukraine ne font que s’intensifier, la Russie semble de plus en plus déterminée à utiliser ses bases militaires en Syrie comme levier pour faire pression sur les Occidentaux. Ces dernières semaines, le Kremlin a expédié vers sa base aérienne de Hmeimim (gouvernorat de Lattaquié) des chasseurs transportant des missiles hypersoniques de type Kinjal et des bombardiers stratégiques à longue portée Tupolev Tu-22M dans le cadre de ses exercices en Méditerranée. Des manœuvres considérables menées simultanément à celles de l’OTAN dans cette région. La spécialiste de la politique russe au Moyen-Orient au sein du Washington Institute, Anna Borshchevskaya, analyse pour L’Orient-Le Jour l’importance des bases militaires russes en Syrie dans le contexte de la crise en Ukraine.

Mardi dernier, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, s’est rendu en Syrie pour s’entretenir avec le président syrien Bachar el-Assad. Quel était le but de cette visite entreprise en période de tensions extrêmes autour de l’Ukraine ?

Selon le ministère russe de la Défense, M. Choïgou a « informé le président syrien des exercices navals russes » en Méditerranée orientale. Il a discuté de la coopération militaro-technique contre le « terrorisme international », de l’aide humanitaire russe à la Syrie et de ce qu’il a qualifié de « souffrances causées par les sanctions prohibitives des États-Unis et des pays occidentaux ». M. Choïgou aurait également inspecté la base aérienne russe de Hmeimim.

Dans quelle mesure la présence russe dans cette base aérienne et dans l’installation navale de Tartous (Ouest) est-elle essentielle pour Moscou dans le cadre de sa rivalité avec l’OTAN ?

C’est stratégiquement vital car, historiquement, la Méditerranée orientale a toujours été une arène-clé de compétition entre le Kremlin et l’Occident. La Russie impériale et la Russie soviétique ont toutes deux cherché à y prendre pied, car Moscou savait qu’il aurait une meilleure position vis-à-vis de l’Occident sur de multiples fronts s’il avait une assise dans cette région. La Russie a déjà utilisé sa position à Hmeimim et à Tartous comme tremplin pour projeter sa puissance sur le flanc sud de l’OTAN, sur le sud de l’Europe en général et sur l’Afrique du Nord, y compris la Libye.

Quel rôle les bases aérienne et navale russes de Hmeimim et de Tartous peuvent-elles être amenées à jouer au regard de la crise actuelle en Ukraine ?

La visite de M. Choïgou est intervenue alors qu’auparavant, le 20 janvier, le Kremlin avait annoncé que la marine russe organiserait un certain nombre d’exercices massifs qui impliqueraient toutes ses flottes, du Pacifique à l’Atlantique. Peu après, Moscou a déployé à Hmeimim des bombardiers à longue portée à capacité nucléaire et des avions de chasse transportant des missiles hypersoniques ultramodernes pour les besoins de ces exercices.

Le déploiement des missiles Kinjal en Syrie est particulièrement remarquable. Les analystes suggèrent que Moscou a l’intention de montrer la capacité de l’armée russe à menacer le groupe d’attaque du porte-avions américain en Méditerranée. Le contexte le plus important à cet égard est la crise ukrainienne, qui est entièrement orchestrée par Moscou. Le Kremlin utilise tous les leviers de pression et la position de la Russie au large de la Syrie en Méditerranée lui donne des options supplémentaires en mer Noire pour faire pression sur l’Ukraine.

La base de Hmeimim est utilisée par la Russie depuis son intervention militaire en Syrie fin 2015, soit un an après l’annexion de la Crimée par le Kremlin. Dans quelle mesure les fronts ukrainien et syrien sont-ils liés?

Je pense qu’il y a une corrélation claire dans le sens où (le président russe) Vladimir Poutine se sent de plus en plus enhardi au cours de ces années critiques. Le fait que le président Barack Obama n’a pas réussi à faire respecter la ligne rouge en Syrie a signalé au niveau mondial que les États-Unis n’allaient pas donner suite à leurs menaces. M. Poutine a annexé la Crimée l’année suivante et il est intervenu en Syrie un an plus tard. Ces événements ne se limitent évidemment pas à cela, mais le président russe ne se lance pas généralement dans des combats qu’il ne pense pas pouvoir gagner, et la perception continue de la faiblesse de l’Occident a contribué à lui faire croire qu’il pouvait s’en tirer avec une intervention – et jusqu’à présent, cela s’est malheureusement avéré être le cas – tant en Ukraine qu’en Syrie.

Ces dernières semaines, la Russie aurait particulièrement veillé à éloigner l’Iran des ports de Tartous et de Lattaquié, et fermé les yeux sur les raids israéliens contre les sites iraniens en Syrie. Cela est-il lié à la volonté russe de s’assurer de son contrôle sur cette région à l’heure où les tensions s’intensifient en Ukraine?

La Russie a régulièrement fermé les yeux sur les raids israéliens en Syrie, ce n’est pas nouveau. La question essentielle est que la crise ukrainienne affecte tout le monde et qu’en ce qui concerne Israël, ce dernier se trouve dans une position difficile vis-à-vis de la Russie. Celle-ci contrôle en effet le ciel syrien et Israël dépend donc de la bonne volonté de la Russie pour poursuivre ses opérations.

La Russie chercherait également à connecter les ports de Tartous et de Lattaquié à celui de Crimée. Quel est l’objectif russe à travers une telle manœuvre ?

Moscou travaillait déjà à créer des liens entre la Crimée et ses bases militaires en Syrie, cela dure depuis plusieurs années. L’objectif de la Russie est de renforcer sa position stratégique dans cette région, c’est-à-dire la mer Noire, la Caspienne et la Méditerranée, où elle a historiquement cherché à consolider son assise. Elle peut exercer une pression sur l’Ukraine et sur l’ensemble de l’Europe, notamment sur l’OTAN, sans oublier de projeter sa puissance dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

Dans quelle mesure les États-Unis pourraient-ils utiliser leur présence dans l’est de la Syrie pour contrer l’influence de la Russie via ses positions dans l’Ouest syrien ?

Il est possible que les États-Unis renforcent leur position, mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas. Ce que les Occidentaux devront faire, c’est contester la présence russe en Méditerranée avec plus de force ainsi qu’en mer Noire. Nous ne savons toujours pas quelle est la politique syrienne de l’administration Biden, mais nous constatons que le projet d’approvisionnement énergétique du Liban via la Syrie ne fera que renforcer le régime d’Assad.

Nous constatons également qu’Assad revient dans le giron de la légitimité des États arabes, avec ce qui semble être une approbation tacite de l’Occident. Ces développements ne peuvent qu’enhardir M. Poutine, même indirectement, car ce que les Occidentaux font dans cette région du monde, stratégiquement vitale, a un impact direct sur l’Ukraine en particulier, sur l’Europe dans son ensemble et, plus largement, sur la crédibilité mondiale des États-Unis.

Quelle est la stratégie future de M. Poutine vis-à-vis de ses positions militaires en Syrie ?

Poutine semble vouloir préserver ses acquis et les étendre chaque fois que cela est possible, à condition que cela n’entraîne pas de coûts très élevés. Il s’agit d’un tremplin utile pour la projection de puissance russe dans de multiples directions et Moscou voudrait s’y accrocher. Dans la mesure où cela est possible, la Russie continuera à chercher d’autres accès portuaires stratégiques dans la région, comme en Libye.

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Ratfucker

L’accès des Russes à la Méditerranée passe par le Bosphore. Merdogan va se trouver devant une alternative pénible: comment passer pour le calife alors qu’on laisse défiler la flotte des Infidèles sous son balcon?

Forceetjustice

Avec Zemmour Président les muslims l’auront un peu plus dans le baba ! Israël n’aura pas dans son dos un traître et un fumier dont il faudra se méfier ! L a haute fonction publique française est corrompu jusqu’à la moelle, alors que l’armée française et les vraie patriotes français soutiennent et admirent Israël !