Restituer les livres pillés par les nazis, un devoir qui porte enfin ses fruits

(Maxim Simonienko)

Les livres pillés par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale n’ont jamais bénéficié du même traitement que les peintures volées, souvent des chefs-d’œuvre valant des millions de dollars.

Mais depuis quelques années, des chercheurs américains et européens ont mis au point une feuille de route pour retrouver les ouvrages dérobés, dont beaucoup se trouvent sous nos yeux, sur les différentes étagères des bibliothèques d’Europe.

Les cibles principales des pillages nazis étaient les familles, les bibliothèques et les institutions juives, mais aussi les francs-maçons, les catholiques, les communistes, les socialistes, les slaves et les critiques du régime.

Cette chasse aux livres volés s’est accélérée depuis 2008 : la Lost Art Foundation allemande, financée par le gouvernement fédéral, a consacré 5,6 millions $ à la recherche sur la provenance des livres des bibliothèques allemandes.

Elle est également à l’origine du projet « Contrôle initial »  visant à envoyer des chercheurs dans plusieurs bibliothèques chercher les ouvrages dérobés et les rendre à leurs propriétaires ou leurs héritiers.

Rien qu’en 2012, lorsque la Bibliothèque centrale de Berlin a créé une base de données des ouvrages recherchés, les chercheurs ont pu étudier 100.000 livres.

Selon leurs résultats, 29.000 d’entre eux avaient été volés et contenaient une marque permettant de retracer leur propriétaire antérieur. Dans le cas contraire, localiser les propriétaires s’avère être une tâche beaucoup plus compliquée.

Comme l’explique au New York Times Sebastian Finsterwalder, qui recherche l’origine des livres, l’une des méthodes de reconnaissances des livres pillés restent les marques laissées par les partisans d’Hitler : « Des milliers de livres ont été marqués par les nazis avec la lettre J, abréviation de Judenbücher (livres juifs). Ceux-ci ont été effacés après la guerre et remplacés par la lettre G, comme dans Geschenk (cadeaux). »

Les recherches ont cependant été facilitées par l’ouverture de plusieurs archives, l’arrivée d’Internet et le nombre croissant des bibliothécaires européens qui ont réalisé des inventaires de leurs étagères.

Les chercheurs affirment néanmoins que le processus peut être compliqué, car les bibliothèques d’un pays comme l’Allemagne ne disposent pas forcément d’une base de données centrale avec des ressources suffisantes pour déterminer la provenance de chaque oeuvre.

Néanmoins, lors des dix dernières années, les bibliothèques d’Allemagne et d’Autriche ont réussi à restituer à elles seules environ 30.000 livres à 600 propriétaires héritiers et institutions.

En 2015, par exemple, près de 700 livres volés dans la bibliothèque de Léopold Singer, expert pétrolier, ont été restitués à ses héritiers par la bibliothèque de l’Université d’économie et de commerce de Vienne.

Des livres en Russie et en Biélorussie

Le travail de Patricia Kennedy Grimsted, commencé dans les années 1990, s’inscrit dans l’ensemble de ces initiatives.

Elle est l’auteure de la publication Reconstructing the Record of Nazi Cultural Plunder: A Guide to the Dispersed Archives of the Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) and the Postwar Retrieval of ERR Loot qui mentionne les endroits possibles où pourraient se trouver les nombreux documents convoités par les chercheurs.

Elle a pu ainsi découvrir 10 listes d’objets volés dans des bibliothèques de France par l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, une équipe dirigée par l’idéologue nazi Alfred Rosenberg, principal responsable de la saisie des livres.

Son équipe a pillé plus de 6 000 bibliothèques et centres d’archives dans toute l’Europe, mais a laissé derrière elle des documents détaillés qui se sont révélés très utiles pour retrouver ce qui avait été volé.

« Ils espéraient utiliser les livres une fois la guerre gagnée pour étudier leurs ennemis et leur culture afin de protéger les futurs nazis des Juifs, qui étaient leurs ennemis », explique Grimsted.

Toujours selon elle, une grande partie des livres volés se trouverait maintenant en Russie, à Vladivostok. Cependant, toujours sensibles à l’histoire, les Russes auraient toujours refusé de restituer les livres volés qu’ils avaient pris aux nazis.

La Biélorussie aurait mentionné une possible restitution de quelques ouvrages… qui n’a pas connu de suite.

Rappelons que les premières opérations de récupération des objets pillés par les nazis ont été menées par l’unité des monuments, des beaux-arts et des archives de l’armée des États-Unis, mieux connue sous le nom de « Monuments Men ».

Créé par Roosevelt, cette équipe est réputée pour avoir restitué un grand nombre d’oeuvres d’art mais aussi des millions de livres après la guerre.

Le premier directeur du dépôt, le colonel Seymour J. Pomrenze, a organisé l’envoi des archives volées par les nazis à une organisation yiddish européenne créée à Vilno durant la guerre.

L’organisation, désormais connue sous le nom d’Institut pour la recherche juive (YIVO) et installée à Manhattan, abrite l’une des plus importantes collections de livres et d’artefacts yiddish au monde.

via New York Times

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires