Faire un voyage en Allemagne, en tout cas pour moi, n’a rien d’une escapade touristique.

Au terme de trois jours à Berlin, avec l’ami que j’accompagnais, nous étions las, infiniment pesants de tant de questions qui n’appelaient aucune réponse satisfaisante.

Nous tournions autour de cicatrices mémorielles, les nôtres, mais aussi celles de tant d’autres, empêchés définitivement de venir demander une quelconque réparation.Mémorial de l’Holocauste

Nos pas nous avaient conduits tout d’abord au Mémorial de l’Holocauste réalisé par Peter Eisenman.

2771 stèles de pierre grise, en plein centre de Berlin.

Des pierres pour évoquer la cendre… et abolir l’oubli.

Puis ce fut le musée juif, à l’architecture déstabilisante, faite de lignes brisées.

Daniel Libeskind, l’architecte, a d’ailleurs appelé son œuvre «Entre les Lignes».

La forme extérieure du bâtiment est un zigzag (ou un «blitz», éclair, comme l’appellent les berlinois) dans la plus pure tradition expressionniste allemande.

Une extraordinaire ligne brisée, qui plie tout son volume pour incarner les cassures de l’histoire des juifs en Allemagne.

«J’ai conçu une matrice irrationnelle susceptible d’être mise en relation avec une étoile comprimée et démantelée : celle-ci ressemble à l’étoile jaune qui a été tant portée en ces lieux »; voilà ce qu’en dit D. Libeskind.

Impossible de conserver l’équilibre à l’intérieur du bâtiment.

Chacun des visiteurs marche, en tentant en vain d’être dans son axe, avec un sentiment permanent de malaise.

Wannsee

Villa Marlier

Il nous restait quelques heures avant notre retour.

C’est alors que Wannsee s’imposa comme le point d’orgue de cet étrange séjour.

À une quinzaine de kilomètres de Berlin, Wannsee est une jolie petite ville groupée autour d’un lac.

Au bord du lac, quelques très belles demeures, dont la Villa Marlier où se tint, en février 1942, la réunion secrète de 15 fonctionnaires du Grand Reich.

Se trouver dans cette villa, savoir qu’en ce lieu se décida la «Solution finale de la question juive», être les enfants des survivants, si peu nombreux, de ceux dont on venait d’un trait de plume de décider leur extermination, me donna une violente et soudaine envie de m’éloigner de ce lieu, de ce pays.

Et soudain, alors que nous traversions les bois, pour retourner à Berlin, j’aperçus au milieu de la route un renard, un beau renard roux.

Nous arrêtâmes la voiture un instant, le temps d’un échange sans mots. Puis je le vis s’enfoncer dans les bois.

Ce renard, source de beauté sauvage et de grâce, me ramena vers des rives plus sereines.

J’ai repensé à Sophie Scholl et à ces jeunes héros allemands de La Rose Blanche, qui avaient lutté, et perdu leur vie, pour nombre d’entre eux, en se dressant contre les nazis, refusant de cautionner l’idéologie meurtrière de la sélection de la race voulue par le chancelier Hitler.


Renard roux

Ligne de fracture

Berlin est une ligne de fracture, une ville détruite, à l’image de millions de vies ôtées.

Mais c’est également une ville consciente de ses responsabilités et qui a mis en place une véritable pédagogie de la transmission de la Mémoire pour les générations futures.

Je dis souvent qu’être un enfant de bourreau ne fait pas de soi un bourreau.

Comme être un enfant de déporté ne fait pas de nous des victimes, mais des êtres mutants, porteurs d’une responsabilité transgénérationnelle.

Nous avons été le réceptacle du malheur, nous en connaissons le poids.

Devons-nous nous condamner à le porter encore et toujours?

Ou au contraire nous ouvrir à la lumière, à l’espérance, forts de ce que nous savons de la fragilité humaine?

Sarah Oling/ Benillouche Blog Article original

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