Quand Sud Education relaie le discours indigèniste

Quand Sud Education relaie le discours indigèniste

FIGAROVOX/TRIBUNE – Les 18 et 19 décembre prochains se tiendra à Saint Denis un stage pour enseignants organisé par le syndicat Sud Education 93 intitulé « Au croisement des oppressions. Où en est l’antiracisme à l’école ? ». Barabra Lefebvre dénonce le projet politique et religieux des «antiracistes» contemporains.


Barbara Lefebvre, enseignante, Co-auteur de «Une France soumise» (Albin Michel) et de «Autopsie d’un déni d’antisémitisme» (L’artilleur, 2017)


On entend souvent dire que la formation continue des enseignants est insuffisante, trop théorique, éloignée des réalités de la classe. Se former est un droit des enseignants, on pourrait considérer que c’est un devoir. Nous, enseignants, sommes nombreux à nous former individuellement par des lectures ou des conférences. Les formations proposées par l’Education nationale ou par des organisations syndicales jouent un rôle tout aussi important. C’est pourquoi il était utile d’informer avec précision sur la formation promue par Sud Education et sa section 93 (Seine Saint Denis). Je dis informer et non alerter car je doute fort que ce qui va suivre inquiète assez les autorités syndicales et universitaires pour agir. Chacun se retranchera comme d’habitude derrière les principes de liberté syndicale, de liberté d’association, du droit à la formation pour justifier son inaction ou plutôt son impuissance.

Les 18 et 19 décembre prochains se tiendra à Saint Denis un stage pour enseignants organisé par le syndicat Sud Education 93 intitulé «Au croisement des oppressions. Où en est l’antiracisme à l’école?». Le stage est mis en œuvre par le CEFI (Centre d’études et de formation interprofessionnel), un organisme de formation dûment déclaré auprès de la DIRECCTE qui s’adresse aux acteurs des secteurs privé et public. Le CEFI se donne pour objet de «gagner les luttes, résister et élaborer». On est donc en cohérence avec le thème du stage de Sud Education 93 : oppressions / antiracisme / école. Les formules clés sont posées dès l’intitulé. La convergence des luttes? On y est.

La documentation disponible en ligne pour présenter le stage respecte, comme il se doit en milieu «progressiste», la novlangue inclusive et enfile les perles du sabir postcolonial indigéniste: racisé, blanchité intersectionnalité, islamophobie, racisme d’Etat (et ses variantes: racisme structurel ou systémique), minoration sociale et ethnoraciale. En les écrivant, je m’aperçois que le logiciel Word de Microsoft mérite une sérieuse mise à jour car il surligne la plupart de ces termes inconnus de notre nomenclature orthographique de blancs colonialistes racistes. Heureusement, les penseurs de l’intersectionnalité (rien à voir avec les carrefours giratoires) sont là pour refonder la langue, prélude à la grande réorganisation des esprits formatés à la ségrégation raciale et/ou religieuse comme au bon vieux temps de l’Afrique du Sud ou de l’Amérique ségrégationniste.

Les indigénistes racialistes utilisent la lutte contre la ségrégation raciale pour servir leur rêve d’un néo-apartheid.

Car, c’est bien le paradoxe des indigénistes racialistes que d’utiliser la lutte contre la ségrégation raciale pour servir leur rêve d’un néo-apartheid: au prétendu racisme d’Etat des blancs ils vont subsister ou au moins imposer la cohabitation avec un racisme des «racisés», ces groupes en situation de minoration (sic).

En tant qu’enseignante, à la lecture de cette documentation, je ne peux retenir mon indignation de voir une fois encore le terrain scolaire instrumentalisé par ces idéologues du séparatisme racial au nom d’un soi-disant antiracisme. N’est-il pas scandaleux au regard des principes démocratiques sur lesquels repose l’école républicaine que l’on engage des enseignants, dans le cadre d’une formation professionnelle, à adopter des postures contraires au droit, contraires à la posture de neutralité de l’enseignant, contraire au principe même d’égalité? En effet, deux ateliers sont organisés selon la règle de la «non mixité raciale». Le ministre s’en est heureusement ému via Twitter.

Le premier atelier est animé par deux institutrices pour l’heure anonymes qui enseignent dans le 93. Il a pour objectif «d’établir des outils de lutte et des stratégies pour faire face aux oppressions liées au concept de race mais aussi de genre et de classe à l’école». On pourrait imaginer que l’horizon en serait une classe «en non mixité raciale», ou au moins en la divisant entre oppresseurs et opprimés. Cela créerait en effet un climat propice au travail et à la camaraderie!

Le second atelier révèle la toxicité de cette pensée indigéniste qui ne voit le monde qu’à travers le prisme des races. En ce dernier après-midi de stage, les enseignants stagiaires sont divisés en deux groupes: les racisés et les blancs. Ces derniers seront en «autogestion» avec le soutien de militants de Sud Education 93, blancs eux aussi espérons-le car il ne faudrait pas que les «enseignants blancs» soient corrompus dans leur effort de penser par les «racisés».

Les « enseignants blancs » doivent « interroger leurs représentations et postures dominantes », étant entendu que leurs élèves « subissent quotidiennement le racisme systémique » des blancs.

C’est qu’ils ont du pain sur la planche mes collègues blancs puisque cet atelier doit leur faire «interroger leurs représentations et postures dominantes», étant entendu que leurs élèves «subissent quotidiennement le racisme systémique» des blancs. Je serai curieuse d’assister à une telle session d’autocritique. Existe-t-il des rituels de désenvoutement, de purification mentale, pour conjurer ce racisme atavique qui nous travaille depuis des siècles, de génération en génération, sous l’effet de la magie noire (ou blanche, on s’y perd)? Pendant que les «blancs» concoctent leur philtre d’amour antiraciste pour se guérir de leur vice, les «enseignants racisés» ont fort à faire dans leur atelier non mixte. Toujours dans une approche groupe de parole / remédiation par les pairs, ils vont mettre en commun leurs «récits d’expériences». A les lire, en tant que profs «racisés», ils ont «une vie professionnelle différente» qui impose de réfléchir à leurs «positions et aux enjeux» auxquels ils doivent faire face tant avec l’administration qu’avec leurs collègues, leurs élèves et les familles.

On a observé, depuis une décennie au moins, les tentatives d’entrisme indigéniste dans le corps enseignant. Pour l’instant, la greffe ne prend pas. L’immense majorité des enseignants restent attachés à la nature laïque de l’enseignement et à leur devoir de neutralité. Néanmoins, on nous rapporte de plus en plus de cas d’étudiants revendiquant une pratique religieuse ostentatoire se destinant aux concours d’enseignement. Que feront ces étudiantes portant le hijab de leur signe politico-religieux une fois lauréates et affectées dans une école de la République?

En outre, il se trouve des vacataires, sans formation, qui n’affichent pas la neutralité laïque attendue et sont pourtant recrutés pour combler les postes non pourvus ou les longues absences de titulaires. D’ailleurs, les organisateurs du stage semblent avoir connaissance de ces profils puisque les «enseignants contractuels» sont chaleureusement invités au stage! On rappellera au passage que les familles ignorent bien souvent que le «remplaçant» de l’instituteur de leur enfant n’est pas un véritable enseignant diplômé et formé comme il se doit.

Des vacataires, sans formation, qui n’affichent pas la neutralité laïque attendue, sont recrutés pour combler les postes non pourvus ou les longues absences de titulaires.

La salle des profs va-t-elle devenir un terrain miné par des enjeux raciaux? On le dirait à lire ce programme de stage… En presque vingt ans d’enseignement, je n’ai jamais assisté à de tels clivages, même si on m’a rapporté ici ou là des comportements prosélytes inadaptés. En revanche, j’ai connu des collègues d’origine maghrébine se faisant insulter par des élèves considérant qu’elles étaient des «traitresses à la cause», j’ai entendu des collègues à la peau noire se faire traiter de «bounty» (noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur). Mais il ne s’agit sans doute pas de ce racisme-ci dont débattront les stagiaires à Saint Denis les 18 et 19 décembre, puisque ces insultes sont à leurs yeux des «outils de lutte» contre l’oppression!

Le stage se clôt d’ailleurs par une table-ronde intitulée sobrement «Récits de lutte». On y retrouve une militante du Front des Mères, association qui œuvre notamment à la promotion des mères voilées pour accompagner les sorties scolaires. Voici un édifiant extrait de leur manifeste: «En réalité, soit nous, parents noirs, arabes et musulmans gagnons ensemble. Soit nous perdons ensemble, et aucun de nos enfants ne sera épargné, y compris les quelques-uns qui auront atteint les classes moyennes et supérieures, car qui peut prétendre qu’on peut être heureux en étant honteux et aliéné? Évidemment, nous voulons que nos enfants réussissent à l’école, y aient de bons résultats et s’y épanouissent. Mais nous devons refuser de choisir entre réussite scolaire et dignité. Nous devons le refuser pour nos enfants, parce que nous les aimons et que nous voulons ce qu’il y a de mieux pour eux, réussir et s’aimer soi-même, réussir et aimer les siens, réussir et avoir confiance en soi, réussir et rester digne». On sent que le «vivre ensemble» dont se gargarisent nos politiques a de belles heures devant lui… L’atelier est co-animé par le Réseau Education Sans Frontière qui milite pour la régularisation de tous les sans-papiers en prenant appui notamment sur le principe de droit du sol puisque beaucoup d’enfants d’étrangers résidant en France sans-papiers naissent sur le territoire national. Pour parler de la situation de ces enfants scolarisés expulsables en raison du séjour irrégulier de leurs parents, RESF exploite régulièrement le vocabulaire usité par les historiens pour décrire les discriminations, les persécutions et les déportations des Juifs durant la guerre.

Ce genre de mise en regard odieuse n’est d’ailleurs pas pour déplaire à un autre intervenant du stage, Marwan Muhammad l’ancien président du CCIF qui viendra exposer aux enseignants les «enjeux de l’islamophobie dans l’Education nationale». Muhammad qui aime se référer à l’antisémitisme des années 1920-30 pour décrire la situation des musulmans en France aujourd’hui. Plus les anachronismes sont grossiers, plus les mises en regard concurrentielles déforment l’histoire, plus ces boutiques idéologiques prospèrent puisqu’elles ne jouent qu’une seule partition: la victimisation. La double perversion de la stratégie de ces boutiquiers politico-religieux est d’une part d’utiliser l’histoire des juifs d’Europe pour la confisquer au profit des musulmans essentialisés dans un même corpus victimaire. Et d’autre part, de s’indigner que ces nouvelles victimes du racisme que sont «les musulmans» (ainsi catégorisés par le CCIF et consorts) se trouvent accuser de porter au cœur même de l’Europe actuelle un antisémitisme violent et criminel.

Outre Marwan Muhammad, nouvelle icône des islamistes depuis que Tariq Ramadan n’est plus en odeur de sainteté en France, les intervenants de ce stage ne sont pas des inconnus de la sphère militante indigéniste postcoloniale. Sous le patronage de Nacira Guenif, professeur de sociologie à Paris 8 qui accompagne régulièrement le Parti des Indigènes de la République et permet de donner un vernis universitaire à des travaux pour le moins douteux sur le plan scientifique (mais qui a jamais pensé que la sociologie soit une «science»?), on retrouve Marwan Mohammed sociologue obnubilé par l’islamophobie et la délinquance des jeunes «racisés», délinquance qui n’est que l’effet des discriminations qu’ils subissent au quotidien. Wiam Berhouma est modératrice, elle qui, en 2016, avait agressé verbalement Alain Finkielkraut dans une émission de France 2 et s’était révélée être membre du Parti des Indigènes de la République bien qu’elle fut présentée par les ‘journalistes’ de l’émission comme «professeur d’anglais dans le 93». Autre modérateur, un professeur de collège Omar Slaouti milite notamment au NPA et dans des collectifs contre les violences policières, tandis qu’on trouve aussi parmi les intervenants une formatrice à l’Espé de Créteil. On supposera donc que Lila Belkacem diffuse aux enseignants de Créteil en formation initiale et continue, au sein de l’institution universitaire, son idéologie postcoloniale centrée sur «l’éducation en situation de migration et de minoration/racisation» ainsi qu’en «médiation interculturelle, ethnopsychiatrie et culturalisme» (consultable sur le site de l’Espé de Créteil).

Pierre Tevanian est aussi de la fête puisqu’il anime un atelier intitulé «le racisme et les privilèges dans la société et dans l’Education nationale». Vaste programme. Enseignant la philosophie en Seine Saint Denis, Tevanian est un militant qui aime coller des étiquettes idéologiques, il mérite donc bien la sienne: celle du parfait alibi gauchiste blanc mais qui s’excuse de l’être. Le contenu de son atelier annonce la couleur: «qu’est-ce que la blanchité?». Question centrale en effet si on veut comprendre «le racisme structurel», le «racisme d’Etat». Pour lui, la société française est restée coloniale par la catégorisation raciale dans lesquelles elle «enrôle» les individus. Pourtant à lire la littérature indigéniste, obsédée par la question raciale et les catégorisations en tous genres, on se demande qui essentialise qui? Qui enrôle qui? En revanche, quand je lis Condorcet ou Jean Zay, je ne vois aucune catégorisation déterministe, je vois la place accordée à l’individu qui pense par lui-même, qui par son libre arbitre et par la culture pourra s’arracher à d’éventuels préjugés hérités de son éducation (et non de sa nature!).

L’image qui est donnée de l’Education nationale est celle d’une institution, qui fait perdurer par sa structure, un colonialisme raciste à combattre de l’intérieur.

Ce qui met d’autant plus mal à l’aise à la lecture de ce programme de stage, c’est l’image qui est donnée de l’Education nationale. Celle d’une institution qui fait perdurer par sa structure, à travers son personnel et ses programmes officiels, un colonialisme raciste à combattre de l’intérieur. Ainsi le projet du stage est de faire «l’analyse du racisme d’Etat dans l’Education nationale» et de former des enseignants qui sont des fonctionnaires avec le devoir de réserve et d’obéissance que cela impose. Il s’agit de «déconstruire chez et avec les enseignants les discriminations raciales». Une fois formatés à l’idéologie racialiste indigénistes, ces enseignants pourront «travailler avec les élèves pour leur donner des outils de lutte en vue d’une transformation sociale». Comme j’ai mieux à faire que comparaître devant la 17è chambre du TGI de Paris, je ne dirais pas ce que m’évoque cette propagande à destination des enfants, mais ce n’est pas sans rappeler les grandes entreprises d’embrigadement de nature totalitaire.

On peut compter sur ces grands esprits de l’antiracisme contemporain qui décousent lentement mais sûrement les derniers liens du tissu social entre les jeunes issus de l’immigration et le reste de la société française. Ils ont d’ailleurs un ennemi capital, et ce n’est donc pas un hasard si la phrase introductive de leur présentation pointe du doigt les «programmes d’histoire servant le roman national». On y revient toujours. Le récit / roman national est une obsession chez les indigénistes et leurs alliés progressistes de la «pensée complexe»… Pour mettre à genoux la France comme nation, comme corps civique, comme projet démocratique, il faut s’en prendre à son histoire et la déraciner. Houria Bouteldja l’a clairement dit: «il faut dénationaliser l’histoire de France, faire exploser cette identité française». Certains veulent le faire subtilement en introduisant «l’histoire problème» comme approche didactique dès le plus jeune âge, déconstruire l’histoire nationale comme une succession de mythes. Au moins avec les Indigènes de la République et leurs alliés, les choses sont plus claires et radicales: l’explosion. Il ne doit rien rester de notre histoire nationale sinon les ruines fumantes porteuses de leur haine postcoloniale.

Des idéologues qui poursuivent un projet politique et/ou religieux, cela n’est ni nouveau, ni interdit dans une démocratie libérale qui met un point d’honneur à préserver la liberté de penser.

Néanmoins, bien que tout ce qui précède puisse donner la nausée à tout véritable humaniste attaché à la liberté des individus, à l’intelligence des faits historiques, je terminerais sur une réflexion peut-être provocante. Le traité Kidouchin du Talmud s’interroge sur la responsabilité de l’individu en cas de vol. Après maints débats, un des sages du Talmud énonce: «quand la souris vole, le responsable c’est le trou». La souris est coupable de voler le fromage, mais le ferait-elle si elle n’avait pas le trou pour y dissimuler son larcin? Ce détour pour poser une question à mes yeux essentielle: qui sont les vrais responsables du développement de cette pensée raciste qui vient maintenant s’attaquer au corps professoral? Des idéologues qui poursuivent un projet politique et/ou religieux, cela n’est ni nouveau, ni interdit dans une démocratie libérale qui met un point d’honneur à préserver la liberté de penser. Nous n’en avons pas fini avec les racistes qui prennent des visages inédits mais non moins dangereux pour la démocratie.

Or depuis la décennie 1980-90, les pouvoirs publics, nombre d’intellectuels, les médias faiseurs d’opinion, les associations antiracistes bien-pensantes, des politiciens, par aveuglement, par ignorance ou par clientélisme, tous ont creusé le trou qu’utilise aujourd’hui la souris. Il serait temps que des forces de résistance intellectuelle développent une véritable philosophie politique qui affronte celle des indigénistes. Il faut cesser de débattre dans un entre-soi confortable, dans les salons parisiens ou les colloques hébergés au Sénat. On pose bien, ça et là, des petits pièges mais la souris a appris à les éviter. Il faut reboucher le trou de la souris. Il est encore temps. Et on ne le rebouchera pas à coup de «vive ensemble», de «plus jamais ça» et de bienveillance inconsistante.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Jg

L education nationale ne resistera pas au nouveau profil des eleves  » racises  » qui seront la majorite d ici peu .
Ils seront accompagnes par un corps enseignant  » racise  » lui aussi , et un ministere de l education nationale qui changera de nom pour effacer la france .

[…] FIGAROVOX/TRIBUNE – Les 18 et 19 décembre prochains se tiendra à Saint Denis un stage pour enseignants organisé par le syndicat Sud Education 93 intitulé « Au croisement des oppressions. Où en est l’antiracisme à l’école ? ». Barabra Lefebvre dénonce le projet politique et religieux des «antiracistes» contemporains. Lire la suite sur jforum.fr […]