Pierre-Yves Gomez, Le capitalisme. Que sais-je ? Presses universitaires de France

Le Capitalisme

Voici un excellent Que sais-je ? qui fait le point sur une question que chacun croit dominer mais qui recèle, en fait, bien des nuances et des subtilités. La définition la plus simple, la plus accessible est la suivante : le capitalisme est une organisation économique de la société. Une façon de produire ce don on a besoin pour assurer une vie sociale. Mai ce n’est pas tout car derrière cette définition se cachent bien des problématiques. Par exemple : comment sommes nous passés (je résume à grands traits) d’un système féodal à un système plus proche de ce que nous connaissons depuis que l’économie du troc a été remplacée par des conceptions plus modernes ? La société médiévale qui connait les premières manifestations d’une économie capitaliste embryonnaire reposait, dit-on, sur trois piliers : le chevalier qui porte les armes, le prêtre qui assure une sorte de communication avec l’invisible et enfin l’agriculteur qui travaille la terre et nourrit l’ensemble de la société.

L’émergence des états-nations a grandement favorisé le développement du système capitaliste. Depuis les organisations de l’économie médiévale, de nouvelles fonctions sont apparues. L’existence d’un capital est, certes, nécessaire mais pas suffisante. Il faut toujours une mise de fonds mais il faut y ajouter différents acteurs comme le producteur, le banquier, l’entrepreneur et le consommateur. Sans oublier le technocrate. Le mince tissu de l’échange s’est complexifié. Le système s’est considérablement transformé. De nouvelles fonctions ont fait leur apparition , entraînant la nécessité de développer certaines compétences nouvelles. Et toute cette affaire ne serait pas devenue ce qu’elle est devenue depuis le XVIIe siècle sans une certaine évolution…. Le crédit a fait aussi son apparition avec ses ramifications à l’étranger. La notion du fiduciaire s’avère alors indispensable. L’idée aussi de profit a fini par donner lieu à des théories critiques bien connues.

Ce QSJ ? est vraiment excellent car il retrace pas à pas les développements inhérents à ce système d’organisation sociale. Le monde féodal a fini par céder devant les nouvelles techniques qui imposèrent leurs pratiques et leurs lois. L’auteur qui a repris ce sujet après bien des prédécesseurs, s’en réfère à des sommités connues dans ce domaine, par exemple Werner Sombart, Norbert Elias et Max Weber. L’enjeu central concerne les moyens de production qui dépendent soit d’intérêts privés soit d’une superstructure étatique. L’exemple de la gestion de l’eau, matière absolument indispensable au maintien de la vie sur terre, en est un excellent exemple. La méthode retenue n’est pas partout la même : si les richesses hydrauliques sont régulières et abondantes, le mode de gestion sera différent d’autres zones moins bien loties. La naissance d’un organisme régulateur est inéluctable.

Voici un passage central qui résume bien la pensée de l’auteur : Quand apparaît enfin le terme « capitalisme», tout est en place. Une mentalité commune dite moderne a redéfini les liens sociaux dans une matrice politico-économique associant des fonctions-types (normaliser, produire, orienter) à des agents-types( Capitaliste, Entrepreneur, Travailleur, Consommateur, Technocrate) qui partagent la recherche du profit individuel comme l’expression légitime de leurs intérêts.

La question la plus sensible touche à l’expansion et à la régulation du capitalisme qui a fini par s’imposer partout dans le monde, intégralement ou partiellement. Ce système a prouvé son adaptabilité à des configurations différentes et dans des systèmes différents. Et pourtant les tensions internes parfois de grande intensité, n’ont pas manqué. A chaque crise dont on pensait que le capitalisme ne se relèverait plus, des relais internes entraient en action et parvenaient à surmonter la crise, quelle que fût son ampleur. Il s’agit là d’un véritable système autorégulateur. Dans les cas les plus critiques, les différents acteurs ou rouages se concertaient pour redéfinir les profits et ne pas s’engager dans des voies suicidaires.

L’expansion du capitalisme est sans limite. Il faut dire un mot de la main invisible du Marché. Chaque fois que le système est menacé dans sa pérennité, des mesures sont prises pour colmater la brèche et remettre le wagon sur les rails. C’est probablement ce qui explique la longévité du capitalisme ainsi que sa plasticité.

Mais le capitalisme n’est pas l’incarnation de la philanthropie. Loin de là ; au cours des siècles et jusqu’à ce jour il a été la cible de violentes critiques qui lui reprochent un accroissement très inégalitaire des richesses. On connait les théories marxistes à ce sujet… Sans oublier la phrase de Lénine qui dénonçait l’avidité du capitalisme à accumuler les profits : vous verrez, disait-il en substance, les capitalistes finiront par nous vendre la corde pour les pendre…

Pour finir, voici une réflexion très pertinente sur le sujet de cette belle enquête :

Dans le système capitaliste, chercher son profit personnel ne constitue pas une défaillance morale mais une conduite normale, et il faut être naïf pour croire qu’un individu ne cherchera pas à être opportuniste, c’est-à-dire à tirer un avantage personnel d’une situation collective. Il en résulte que les États comme les entreprises doivent multiplier les contrôles et les normes pour limiter les effets de l’opportunisme personnel sur le fonctionnement coopératif…

Maurice-Ruben HAYOUN

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève.  Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020

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