Paul Le Goupil, 1995, H.F.

Paul Le Goupil, résistant et survivant d’Auschwitz et de Buchenwald par Henning Fauser

Il y a maintenant six mois, Paul Le Goupil nous a quitté. En dehors de deux hommages publiés par ses amis de l’Association Buchenwald-Dora et Kommandos [1] et de trois articles parus dans la presse locale en Allemagne, il y a eu peu de réactions. C’est donc le moment de revenir sur la vie de ce déporté résistant.

 Instituteur et résistant

Né le 12 décembre 1922 à Connéré (Sarthe), Paul Le Goupil grandit dans la région rouennaise. Après avoir terminé l’École normale d’instituteurs à Rouen en 1942, il commence à enseigner à l’école Jean-Jaurès au Grand-Quevilly.

En février 1943, il intègre le Front patriotique de la jeunesse (FPJ) dont le premier but est de s’opposer au départ des jeunes requis pour le Service du travail obligatoire (STO).

Lui-même souligne l’impact de l’instauration du STO sur son choix d’entrer en résistance : « Je n’aurais, pour ma part, jamais été autant impliqué dans la Résistance, s’il n’y avait pas eu ces problèmes [les réquisitions de main d’œuvre et d’aliments, les prises d’otages] et si je n’avais pas reçu, un jour, ma feuille pour partir à Dortmund. » [2]

Par la suite, Paul Le Goupil distribue des faux papiers et des cartes d’alimentation aux réfractaires du STO. En octobre 1943, il devient le responsable régional du FPJ, ayant 400 jeunes résistants sous ses ordres.

 Prisonnier et déporté

Arrêté le 13 octobre 1943, Paul Le Goupil est torturé par la Gestapo, puis incarcéré à la prison Bonne Nouvelle de Rouen.

Après six mois d’isolement, il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne. Le 27 avril 1944, il est déporté à Auschwitz-Birkenau dans un convoi de 1655 résistants dont Marcel Paul et Robert Desnos.

À l’arrivée, le matricule 185899 est tatoué sur son avant-bras gauche. Deux semaines plus tard, le gros de son convoi, appelé plus tard celui « des tatoués », est transféré à Buchenwald. Certains déportés restent à Buchenwald, d’autres partent à Flossenbürg ou dans les kommandos de Buchenwald.

C’est le cas de Paul Le Goupil qui est transféré le 12 septembre 1944 au camp extérieur d’Halberstadt, installé six semaines plus tôt près d’une usine qui produit des ailes d’avion du Junkers JU 88.

Lorsque, au début de l’année 1945, le travail ralentit suite au manque de matériaux, deux transports de détenus sont envoyés au camp de Langenstein-Zwieberge. Paul Le Goupil fait partie de celui du 22 février 1945.

À Langenstein, les détenus creusent des galeries souterraines censées abriter un site de production de guerre contre les bombardements alliés. Lors de ce travail, Paul Le Goupil se blesse au coude.

Cette blessure et le plâtre confectionné par un détenu infirmer allemand lui évitent de retourner au tunnel. Étant néanmoins réquisitionné pour la « corvée des morts », le transport des détenus décédés dans les fosses communes du camp, il découvre alors les horreurs du camp de Langenstein-Zwieberge.

Le contraste par rapport au camp d’Halberstadt est particulièrement fort : durant l’existence de ce camp d’environ mille hommes, il y a eu 17 morts ; à l’époque où Paul Le Goupil connaît Langenstein, c’est le nombre d’hommes qui y meurent dans une demi-journée.

stèle marches de la mort

 

Lorsque l’armée américaine approche, 3 000 détenus sont envoyés sur une « marche d’évacuation » à laquelle la majorité d’entre eux ne survivra pas. Parti le 9 avril 1945 de Langenstein-Zwieberge, Paul Le Goupil réussit à s’évader douze jours plus tard dans la région de Wittenberg, la ville de Luther.

Avec son camarade Serge Saudmont, qui avait connu le même itinéraire depuis Compiègne, il doit se cacher encore quelques jours avant l’arrivée de l’armée américaine.

 

carte évasion Le Goupil

Les Marches de la mort. Les Évasions janvier-avril 1945

Survivant et instituteur

À son retour en France, Paul Le Goupil connaît une grande attention de la part de son entourage.

Or, intriguées par les récits et photos parus après la découverte des camps de concentration, certaines personnes font preuve d’une curiosité morbide qui agace Paul Le Goupil : « Le public était avide d’entendre des histoires sur la déportation racontées par un témoin. Ces tas de cadavres décharnés photographiés dans les journaux, ces fours qui brûlaient jour et nuit, avaient enflammé les imaginations et lorsque quelqu’un apprenait que j’avais été déporté, les questions fusaient. J’avais été invité chez les voisins et les amis de mes parents. Il m’était difficile de refuser, toutes ces personnes les ayant soutenus moralement mais je souffrais d’être invité pour avoir à raconter. A un moment du repas venait toujours la question : « Alors, vous devez en avoir vu de belles, là-bas ! Racontez-nous ! »

Et, comme un comédien qui paie son écot, il fallait que je m’exécute. Surtout je ne devais pas oublier les fours car, inévitablement on m’aurait dit : « Et les fours ? Avez-vous vu les fours ? », comme si brûler les corps avait représenté le sommet de la barbarie nazie. [3] »  Lire la suite 

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