Le Mali expulse l’ambassadeur de France

Cette décision, quasiment sans précédent pour Paris dans la région, illustre la spectaculaire montée des tensions entre la junte et la France.

La junte malienne a franchi un nouveau seuil dans l’escalade des fâcheries avec la France. Elle a décidé ce lundi d’expulser l’ambassadeur de France, a annoncé la télévision d’Etat. Joël Meyer dispose de 72 heures pour quitter le pays, suite aux récentes déclarations jugées « hostiles » de responsables français à l’encontre des autorités.

Dans l’histoire diplomatique, l’expulsion pure et simple d’un ambassadeur, et non son rappel temporaire pour consultation, est la dernière étape avant la fermeture de l’ambassade et la rupture des relations diplomatiques.

Détérioration expresse

La décision de la junte marque une détérioration spectaculaire entre la junte et l’ancienne métropole, dont l’intervention militaire en 2013 a empêché les djihadistes de marcher sur Bamako. Mais la donne a changé spectaculairement depuis les deux coups d’Etat opérés par la junte à l’été 2020, puis au printemps dernier . Le régime malien compte négocier avec les djihadistes, convaincu qu’une guerre ne peut plus être gagnée, même avec l’appui militaire français. Il place le pays, de ce fait, au ban des nations d’Afrique occidentale.

L’organisation des Etats ouest-africains (Cédéao) lui a infligé des sanctions le 9 janvier. L a Cédéao, notamment , a rompu ses relations diplomatiques avec la junte car elle n’a pas respecté un engagement d’organiser des élections début 2022. Bamako dénonce la Cédéao comme inféodée à Paris, alors qu’elle compte des pays souverains et d’importance, comme le Nigeria, souligne un fin connaisseur de la région à Bamako.

Une mesure rarissime

Cette expulsion ne compte pratiquement pas de précédents pour un ambassadeur de France dans la région, mais pouvait se laisser deviner au vu de la déclaration menaçante du ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, vendredi. Il avait affirmé que son pays « n’excluait rien » dans ses relations avec Paris, tout en ajoutant qu’une demande de départ complet des forces françaises n’était pas « pour le moment sur la table ».

Après un incident ayant conduit à l’expulsion, mardi dernier, de commandos danois engagés dans la lutte anti-djihadiste, le ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, a estimé vendredi matin que les forces françaises et européennes ne pouvaient « pas rester comme cela » au Mali.

La communauté internationale s’inquiète aussi de la présence sur le sol malien de paramilitaires du sulfureux groupe de mercenaires russes Wagner.

Le comportement de la junte justifierait un retrait des forces étrangères, d’ailleurs amorcé depuis un an par Paris au vu de l’impopularité grandissante de la présence française dans les régions du Mali peu menacées par les djihadistes, et du manque de volonté du régime d’affronter les terroristes. Mais Occidentaux et Européens sont confrontés à un dilemme : un départ servirait les djihadistes dont la victoire, même maquillée en accord de réconciliation avec la junte, pourrait entraîner un effet domino dans la région.

Yves Bourdillon www.lesechos.fr
Le président de transition malien, Assimi Goïta, lors d’une cérémonie à Kati, le 20 janvier 2022. (FLORENT VERGNES / AFP)

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