Les préparatifs de Pessah

par Caroline Rebouh le 30.03.2020

Dès après la fête de Pourim, les maîtresses de maison s’agitaient dans leurs foyers pour préparer la fête de Pessah (Pâque).

Pessa’h 2020
De la soirée du Mercredi 8 Avril

À la soirée du Jeudi  16 Avril

Afficher l’image sourceMaman, depuis des années avait établi un plan concernant le fameux « nettoyage de Pessah » qui, tant que nous habitions à Alger, prenait tout son sens alors que, lorsque nous fûmes contraints de nous exiler en France (à l’époque on disait qu’on vivait désormais en « métropole »), sans doute à cause d’un climat moins clément, il devint difficile de lessiver les couvertures, les oreillers et de repeindre les maisons…

A cette époque, les légumes ne se voyaient pas toute l’année sur les étals ce qui forçait les maîtresses de maison à « prévoir » ce qu’elles devraient servir pendant les fêtes aux nombreux invités qui se presseraient autour de la table.

Ainsi, dès l’été Maman achetait plusieurs corbeilles de 20 kgs de poivrons verts ou rouges que l’on faisait griller avec l’aide d’une femme dont on louait les services à la journée. Une fois grillés, pelés et épépinés, une grande partie des poivrons étaient salés et étalés sur des planches de bois en plein soleil pour en faire par la suite des bocaux de poivrons séchés à l’huile d’olives. Une autre partie des poivrons était mise à égoutter dans un filet pour faire des poivrons en conserve selon une recette que ma mère avait découpée (Mériollah).

Puis, une autre quantité était destinée à la confection de « chakchouka » avec laquelle on faisait des conserves pour les grandes occasions. Il faut préciser que Maman gardait toujours dans un placard des ustensiles et des produits pour Pessah toute l’année car elle avait une propension à faire des confitures et des conserves tout au long de l’année ce qui permettait donc de déguster à Pessah, bien avant qu’il en fût la saison, de la salade cuite ou des haricots verts : elle avait acquis tout le matériel pour faire des conserves maisons : stérilisateurs, pots en verre, rondelles en caoutchouc etc…

D’autre part, toujours en été, elle faisait sécher des raisins et des figues bien charnues qui serviraient plusieurs mois plus tard, à la confection du « harosset » ou mortier du seder.
Les vacances scolaires de printemps nous permettaient de prendre une part proportionnelle à notre jeune âge : astiquer le plateau en cuivre hérité d’une arrière-grand-mère, astiquer l’argenterie, et puis, tâche sans doute moins noble d’écosser les fèves en les triant par taille. Ce que j’appréciais le plus était d’écosser les petits pois qui crissaient, tant ils étaient frais, sous mes doigts agiles.

« Tourner » les artichauts – c’est-à-dire qu’un adulte les effeuillait au couteau pour en garder les cœurs destinés à être cuisinés soit au citron soit à être farcis – était aussi quelque chose que j’aimais car je réussissais toujours à grignoter une partie du cœur de l’artichaut, ceci noircissait mes lèvres et me laissait une légère âcreté que j’aimais bien…

Aujourd’hui on se contente de tout acheter congelé et c’est une partie de la joie qui s’envole avec les emballages….

Parallèlement à tous ces préparatifs, ma mère était occupée à confectionner des vêtements à étrenner pour la fête et à l’achat de nouvelles chaussures, blanches de préférence, pour accueillir la saison d’été qui, déjà, se profilait.

Toute la famille était invitée chez nous et j’adorais ces instants où mes cousines, ma tante, mon cher oncle (qui nous fut ravi dans la force de l’âge en étant sauvagement assassiné par un maudit fellagha), ma grand-mère, s’installaient autour de la table.

Les achats de viandes se faisaient bien entendu quelques jours avant la fête et, ma mère, fine cuisinière, passait des heures à apprêter chaque viande selon sa recette traditionnelle.

Ce que je n’appréciais pas (à cause des odeurs) était toute cette préparation relative aux tripes (gras-double) dont une partie était débitée en cubes très menus destinés à être cuits en sauce et une autre partie était cousue pour former une poche contenant de la viande hachée.

Mon frère et moi râpions les figues séchées avec des noix et des amandes et de la noix muscade pour la confection du « harosset » dans lequel nous mêlions du gingembre en poudre et un peu de vin rouge.

Le moment privilégié du « seder » de Pessah était celui où mon Père distribuait à chacun les feuilles de salade avec le harosset ou encore quelques instants plus tard le fameux « sandwich » matsa, salade et harosset. Inutile de souligner que le lendemain mon petit doigt plongeait avec délice dans le compotier contenant cette masse de « mortier » pour en subtiliser encore et encore.

Aujourd’hui on dispose sur le plateau ou ké’ara de seder 3 matsot. A Alger, on nous vendait ce qu’on appelait des « helishot » sortes de crackers épais et carrés qui arboraient des « dents » sur l’un d’eux il y avait une dent sur un autre deux et sur le suivant trois dents : cohen, lévy et israël…..

Le deuxième soir du seder, mon Père distribuait à chacun des commensaux un petit morceau de matsa que chacun s’empressait d’enfouir dans son portefeuille ou dans l’armoire….

Un oncle de ma mère était marié à une femme originaire de ce que l’on appelait « l’intérieur » de l’Algérie s’entendait… dans sa famille, ils étaient très pointilleux pour Pessah et ils ne consommaient ni pommes de terre desquelles on « fabriquait » de la fécule, ni vinaigre ni pois-chiches dont le nom rappelait le mot hamets (homss). Ceci avait pour conséquence qu’on ne pouvait jamais les inviter chez nous pour ces fêtes !

Nous, les enfants, nous savions apprécier la merveilleuse soupe avec des fèves qui, non seulement donnaient leur goût au potage, mais lui conféraient tout l’amidon qu’elles contenaient.

Si nous boudions un peu le reste du repas, le dessert était, en revanche, accueilli avec enthousiasme : sfériés et confiture d’oranges amères.

Les sferiés sont une sorte de petits choux frits et plongés dans un sirop de miel absorbé immédiatement. Les oranges amères d’Algérie étaient d’une taille respectable avec une peau épaisse. La pulpe était luisante de sirop et la couleur d’or pâle était appétissante. Et, nous aimions récupérer le sirop gélifié (par la présence des pépins d’oranges) de cette confiture avec des morceaux de galettes sucrées à l’orange.

Caroline Elishéva REBOUH

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